Philippe Coste, président de Meukow

28 novembre 2012

Président du SMC (Syndicat des maisons de Cognac), Philippe Coste réaffirme son attachement à la diversité des marchés du Cognac, des qualités jeunes aux qualités vieilles. Un gage selon lui d’une coexistence de toutes les composantes de la filière Cognac
« petits ou gros viticulteurs, petit, moyen ou grand négoce ». Mais le niveau de prix actuel oriente le marché vers les qualités vieilles. La région a-t-elle la volonté de maîtriser son avenir et dans quel sens ?

p14.jpgQuelles réactions suscitent chez vous l’annonce de prix à la hausse sur les eaux-de-vie nouvelles ?

D’une façon générale, je trouve un peu dommage d’annoncer des prix de façon aussi tardive. Je sais bien qu’il s’agit d’une tradition régionale mais si l’on se met à la place des viticulteurs – et certains d’entre eux l’ont revendiqué d’ailleurs – le fait de connaître les prix avant affectation des surfaces ne serait pas, à mon sens, un mauvais principe. Ceci dit, on ne peut que se réjouir, quelque part, de voir la demande de la viticulture entendue, voire amplifiée. De mémoire, elle demandait 6,3 % de hausse. Elle a été bien et même très bien entendue. C’est forcément positif.

En terme d’approvisionnement, comment cela va-t-il se passer pour vous et, plus généralement, pour les PME du Cognac ?

L’approvisionnement est un mix entre des positions contractuelles et des achats de place. En ce qui nous concerne, je pense que nous avons des arguments – bien entendu à notre niveau – qui nous permettent de conserver les gens qui nous font confiance. En plus du prix d’achat, il y a tout l’environnement de travail : cahier des charges, obligations, contraintes… En revanche, au sujet des achats de place, le souci c’est que les niveaux de prix pratiqués aujourd’hui tendent tous vers la même utilisation, la commercialisation de qualités vieilles.

Qu’entendez-vous par là ?

Aujourd’hui, compte tenu des bases de prix pratiquées sur le marché libre pour les eaux-de-vie jeunes, il n’y a pas d’autre modèle économique que de vendre ces marchandises en XO. Autrement dit, c’est un peu le système de la pensée unique. Le choix n’existe pas de construire un marché de VS ou de VSOP. Or tous les marchés du monde n’achètent pas de l’XO. Nous créons nous-mêmes de l’insatisfaction clients, sachant que le mode de consommation est extrêmement versatile. Aujourd’hui, outre-Manche, nos concurrents les plus directs investissent énormément dans un outil de production massif. A Cognac, nous sommes en train d’orienter le marché vers des pays consommateurs de qualités vieilles. Cela se fait au détriment de marchés plus traditionnellement enclins à consommer des qualités jeunes. Quand je vois que la consommation de Cognac en France a décliné de 13 %, je me dis que les difficultés économiques n’expliquent pas tout. Il y a des arbitrages, des positionnements prix. En fait, quand on parle de prix de marché d’eaux-de-vie de compte 2, la question est de savoir si ces comptes 2 sont achetés dans l’objectif d’être revendus immédiatement en VS aux Etats-Unis ou ailleurs ? ou bien s’ils sont achetés dans la perspective d’une mise en stock pour être vendus cinq, sept ou huit ans plus tard sous forme d’XO en Chine ? On pourrait aussi évoquer la question des prix d’achat moyennés par des prix de contrats. Aujourd’hui, telle qu’elle se présente sur le marché libre, la structure de prix des eaux-de-vie jeunes est déconnectée d’une certaine réalité commerciale. L’inquiétude, elle réside là. D’ailleurs, ce n’est pas nouveau. Cela fait bien deux ans que j’évoque ce problème.

A qui la faute ?

Je ne suis pas certain qu’il faille voir derrière cet état de fait une « main invisible », une volonté stratégique délibérée. A mon avis, il s’agit plus d’une situation subie que voulue. En revanche, une question se pose – avons-nous la volonté commune d’en sortir ? Cela ne se ravale pas à défendre chacun son pré carré, son business mais à se demander si, oui ou non, le Cognac a besoin de tous ses marchés ? Personnellement, je suis ravi de vendre du Cognac à un Chinois mais je suis ravi aussi d’en vendre à un Finlandais, un Norvégien, un Ouzbek ou un Kazakh. Notre rôle, ce n’est pas seulement de servir le marché présent mais surtout de penser à l’avenir et de se demander : est-ce que l’on se donne les moyens aujourd’hui de conquérir les marchés de demain ? Il faut bien prendre en compte la longueur de notre process, l’impact du facteur temps. Si nous avons été capables de remporter les succès que l’on sait, c’est que nos prédécesseurs avaient été capables de produire. Avec un peu d’emphase, je dirais souhaiter « que les conquêtes nouvelles ne se fassent pas au détriment des succès du passé ». Plus simplement, je suis attaché à un modèle pluraliste. A l’avenir, j’ai envie que continuent de coexister toutes les composantes de la filière Cognac, les petits et les gros viticulteurs, le petit, moyen et grand négoce.

Dans ce contexte, comment jugez-vous les hausses de prix annoncées ? Sont-elles porteuses d’un nouveau schéma ?

Honnêtement, c’est un peu tôt pour répondre à cette question. Manque le recul nécessaire pour y voir plus clair sur l’évolution des marchés, les discussions sur le rendement, les projections à l’étude en ce moment au BNIC. Annoncer 10 % de hausse alors que la récolte est limitée et le vignoble déjà affecté ne revêt certainement pas la même signification que d’annoncer 10 % d’augmentation dans le cadre d’expéditions à la baisse et de récolte finalement un peu plus importante que prévue. Au sujet de cette hausse, doit-on parler d’un rattrapage du passé ou d’une projection sur l’avenir ? Je n’en sais rien. Nous subissons forcément les choix du passé. Au niveau des rendements, nous sommes tous d’accord aujourd’hui pour dire que le rendement décidé en 2009, suite à la crise de 2008, n’a pas été la bonne décision. En ce qui concerne les prix, peut-être n’ont-ils pas progressé au moment où ils auraient dû, compte tenu de prévisions un peu plus « conservatrices » que la réalité. En soi, ne pas avoir pris les bonnes décisions au bon moment n’est pas réellement la clé. Si vous pouviez acheter le journal du lendemain pour gérer vos affaires, vous seriez champion du monde ! Maintenant, ce qui me paraît important, c’est la capacité à réagir en analysant avec humilité et sincérité les décisions du passé pour porter l’ambition de demain de la filière Cognac.

Concrètement, cela passe par quoi ?

Je vous donne un exemple : pour demain, vérifier que même si nos expéditions venaient à se tasser – ce qui paraît assez probable – le volume de production d’une part et le volume d’achat d’autre part resteraient intacts. Quelque part, nous avons quand même une certaine maîtrise de notre avenir. Des outils ont été créés pour apporter de la flexibilité : réserve climatique, réserve de gestion, vieillissement calendaire (commercialisation du Cognac à partir de 24 mois sous bois NDLR). Le problème, c’est que nous sommes toujours sur un temps de réaction lent. La question est de savoir comment nous nous positionnons au plan collégial, tant au niveau du syndicat de négociants, du syndicat viticole ou de l’interprofession ?

Vous avez évoqué l’étude d’Eurogroup. A quoi doit-elle répondre ?

Cette étude avait été lancée une première fois en 2007 pour se projeter à quinze ans. Elle a été reconduite cette année, sous la houlette d’un cabinet extérieur (le même qu’en 2007) afin d’avoir un avis neutre. Je sais que l’on impute souvent à cette étude (ou à ses commanditaires) l’intention de lancer un programme de plantations nouvelles. Cette vision est un peu réductrice. L’objectif ne peut pas être que celui-là. Elle est faite pour réaliser d’abord un inventaire auprès de toutes les parties prenantes de la filière – viticulteurs, négociants, tonneliers, pépiniéristes… – et ensuite vérifier si l’outil existant est en adéquation avec nos prévisions à moyen et long terme. En fait, cohabitent deux éléments bien distincts : d’un côté l’outil de production, représenté par le vignoble. Il soulève un certain nombre de questions qui nous préoccupent tous : son renouvellement, les maladies du bois… et de l’autre côté l’outil de travail que constituent les stocks. Lui aussi représente un vrai sujet de préoccupation. Parce qu’il est déficitaire du fait des productions antérieures insuffisantes mais aussi des niveaux de prix du marché libre qui créent des déséquilibres sur l’approvisionnement des marchés de demain. C’est là où je dis que la profession doit savoir ce qu’elle souhaite pour son avenir.

Etes-vous optimiste tant sur la situation du Cognac que sur la capacité de la filière à trouver un consensus ?

La notion d’optimisme est à géométrie variable. Elle dépend beaucoup de l’échelle temps. Sur la première partie de question, il ne me semble pas possible que la crise économique extrêmement préoccupante qui nous entoure n’affecte pas un jour ou l’autre le Cognac. A 30 km d’ici, c’est déjà le jour et la nuit. Forcément, l’univers du Cognac ne peut pas être totalement imperméable à cette crise. C’est déjà un peu miraculeux qu’il y ait échappé jusque-là. Mais, en même temps, je suis optimiste car je suis persuadé que le Cognac, dans le futur, pourra occuper une place beaucoup plus importante que celle qu’il occupe aujourd’hui. Par contre, je serais rassuré le jour où nous voudrons bien nous donner les moyens de nos ambitions.

Sur la seconde partie de question, je dirais que, ces trois-quatre dernières années, nous avons su réunir les trois syndicats de négociants en un seul ; la viticulture a fait de même avec ses deux syndicats. Ces initiatives montrent clairement un objectif de construction et d’unité. C’est un modèle qui milite « pour une vision concertée et commune, avec des objectifs partagés ». Suis-je assez « politiquement correct » ? (rires).

Quand la famille Coste fête les 150 ans  de Meukow
Ce ne pouvait être qu’une fête chaleureuse. Ce le fut, dans un cadre renouvelé, celui de l’espace d’accueil de Meukow, au cœur du site historique de la maison.
Le 1er août dernier, Meukow et la famille Coste avaient invité les amis de la marque – et les amis tout court – à venir fêter les 150 ans du « Cognac à la panthère ». Partenaires viticoles, partenaires commerciaux, clients… Ils étaient tous là pour une fête cosmopolite où le français, l’anglais, l’allemand, le russe, le chinois se mêlèrent l’espace d’une soirée en un joyeux sabir. Cognac téléporté sur les rives de la Moskova, de la Tamise, du Rhin ou du Yangzi Jiang. Pourtant, le message de la soirée ne fut pas celui des affaires ni même celui de l’exotisme (malgré les danses russes). Il fut celui d’une famille. « Je ne suis que le n° 2 de la série glissa dans un sourire Philippe Coste en appelant à ses côtés ses sœurs Marie-Laure (Brugerolle) et Céline (Viard). Nous voulons exprimer à nos parents Michel et Colette un vrai message d’amour. » « Nous fêtons, enchaîna M.-L. Brugerolle, le courage d’entreprendre, la créativité, la simplicité et l’authenticité qu’incarne cet espace ; nous fêtons le bonheur d’être une famille ; nous fêtons le chemin parcouru par Philippe qui a pris les rênes d’une main peu assurée au début, avec humilité et qui aujourd’hui veille avec courage et inspiration aux destinées de Meukow. »

 

 

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