Patrimoine : art roman

8 janvier 2013

Dès l’antiquité, les Romains maîtrisaient l’art de la voûte, sous toutes ses formes. Les bâtisseurs de l’an Mille retrouveront ce savoir et l’enrichiront de bien d’autres innovations. L’art roman ou une architecture plus complexe qu’il n’y paraît. En Saintonge et en Angoumois, l’art roman connaîtra une sorte d’apogée. Guide-conférencier, Silvio Pianezzola a livré un éclairage magistral sur l’art roman occidental (et angoumoisin) à l’Espace découverte en Pays du Cognac.

p32.jpgDemandez à un gamin ce qu’est l’architecture romane. S’il a bien retenu sa leçon, il vous dira que le roman c’est rond et le gothique c’est pointu. Quelqu’un de plus capé déclarera que le roman, c’est le plein cintre et le gothique l’arc brisé. Ces définitions paraissent forcément bien restrictives à Silvio Pianezzola, guide-conférencier à Via Patrimoine*. Elles ne rendent pas compte de l’incroyable dimension de l’art roman. « Ce sont des édifices bien plus complexes qu’il n’y paraît. A côté, l’art gothique peut paraître plus uniforme et surtout moins original » dit-il. Plutôt que de s’attarder sur l’iconographie pourtant exceptionnelle de l’art roman – porches sculptés, chapiteaux historiés – le guide-conférencier a préféré se concentrer sur l’architecture elle-même, en montrant qu’elle ne devait rien au hasard. Pour les bâtisseurs de l’an Mille, aux considérations esthétiques répond toujours une nécessité architecturale.

Le terme « roman » est une création du 19e siècle. Il fait référence à Rome et à l’art « romain ». Cette filiation s’explique moins par l’échelle temps – la chute de l’Empire romain intervient en l’an 416 alors qu’en Occident les premiers édifices romans voient le jour autour de l’an 1000 – que par l’emprunt à l’Antique de figures archétypales comme la voûte ou même l’arc de triomphe.

L’art de la voûte

Voûte ronde, voûte en berceau, coupole, arc en plein cintre, voûte d’arête, berceau de plein cintre… les Romains maîtrisaient parfaitement l’art de la voûte, sous toutes ses formes. Voir l’exemple fameux du Panthéon de Rome. Son architecture est un concentré d’audace et de savoir-faire. La coupole surplombant l’édifice présente un diamètre de 43,3 mètres. Qui dit mieux ! C’est parce que tout le poids de la construction se concentre aux angles, sur des piliers très massifs, que le reste de la construction peut s’alléger et acquérir des dimensions exceptionnelles. Cette coupole du Panthéon sera un modèle pour la suite.

Les bâtisseurs du Haut Moyen Age réinventeront le système de la voûte, comme ils s’inspireront pour leurs façades de l’antique gréco-romain, de la figure de l’arc de triomphe, quitte à réemployer carrément des matériaux d’origine romaine (voir la cathédrale Saint-Trophime d’Arles). A Paray-le-Monial, en Bourgogne, les pilastres cannelés surmontés de chapiteaux aux motifs végétaux, plus ou moins corinthiens, sortent tout droit de l’art gréco-romain. Mais ces mêmes premiers bâtisseurs de la chrétienté sauront aussi faire œuvre de création. Leurs propres innovations émailleront tous les 11e et 12e siècles.

Des influencent plurielles

p33.jpgD’où viennent ces bâtisseurs ? Aux confluences de l’art antique, de l’influence byzantine, l’Italie du nord joue assurément un rôle de creuset. Des lacs Lombards, de la région de Lugano, Côme, Parme, Ravenne, partent des escouades de maestri comacini, ces artisans d’édifices exceptionnels. Au gré de leurs voyages, de leurs chantiers, ils diffusent leurs techniques un peu partout dans cet Occident médiéval des 10e et 11e siècles. Leurs connaissances se cumulent avec d’autres savoir-faire d’artisans locaux. C’est le cas en Catalogne, au détour de l’an 1000. C’est d’ailleurs dans cette partie de l’Espagne que voit le jour la première voûte en berceau d’inspiration romaine, à l’église Sainte-Marie de Bagnoles aujourd’hui disparu. On en retrouve un autre exemple à Saint-Colomban (vallée d’Andorre) ou à Saint-Martin-du-Canigou (an 1009).

Etroites et sombres

Les premières églises romanes sont étroites, relativement sombres, basses et couvertes d’une charpente en bois. Progressivement, à partir du 11e siècle, l’espace acquiert plus de largeur, plus de hauteur et surtout plus de lumière. A qui imputer cette transformation ? A l’introduction de la voûte de pierre en plein cintre. Bien sûr, cette évolution ne se produit pas d’un coup ni sans certaines réticences. Des régions comme l’Ile-de-France ou la Normandie hésitent à franchir le pas. Elles conserveront longtemps leurs charpentes en bois. Le Sud-Ouest de la France manifeste davantage d’audace dans l’adoption des nouvelles techniques. En même temps, s’opère une révolution des outillages, des échafaudages.

Sainte-Sophie de Constantinople

Un ouvrage d’art va encore pousser plus loin l’art de la voûte. C’est la coupole (sur trompes ou sous pendentif). On sait que la coupole est d’origine romaine. Dès le 6e siècle, un dôme d’un diamètre extravagant s’élève au centre de la basilique Sainte-Sophie de Constantinople. Cette coupole existe toujours. Plus tard, la technique dite du « bol renversé » va essaimer un peu partout : à San-Lorenzo de Mantoue, à Saint-Marc de Venise. La basilique Saint-Sernin de Toulouse, la cathédrale de Cahors, l’ancienne cathédrale Saint-Etienne de Périgueux, la cathédrale d’Angoulême… Gensac-la-Pallue ou Celle-Frouin en pleine campagne charentaise possèdent aussi leur dôme. L’avantage, avec la coupole sous pendentif, c’est que tout le poids se déverse sur les piliers. Il n’y a pas d’écartement, presque pas besoin de contreforts. Les murs ne portent rien. Ils ne servent qu’à fermer l’édifice. La coupole fait la part belle à l’élégance de la construction. Et, par son symbolisme, sert le message chrétien. Le carré à sa base représente la terre et les imperfections humaines. La coupole, elle, exprime la perfection du monde céleste.

Avec la voûte en pierre, la coupole, d’autres innovations vont venir révolutionner l’architecture romane à la fin du 11e siècle. C’est le cas de la division de la nef en différentes travées (exemple de l’église Saint-Cybard à Plassac, près d’Angoulême). Cette division en travées renforce les différents éléments porteurs et confère une meilleure stabilité à la structure, qu’elle soit voûtée ou non. Mais les bâtisseurs romans ne s’arrêtent pas là. Ils vont mettre en œuvre d’autres moyens pour consolider le « mur romain », tout en longueur.

p34a.jpgQu’est-ce qui se passe quand un bâtiment est construit en longueur ? Il a tendance à se déverser sur les côtés mais aussi aux extrémités. Les maîtres artisans du Moyen Age vont avoir l’idée de renforcer les constructions par tout un appareillage d’absides et de double absides. Outre leur rôle confessionnel, ces chapelles servent comme autant d’éléments auto-bloquants, auto-porteurs. Même chose pour les façades à arcatures. Non seulement leur fonction décorative est évidente (souvent de véritables chefs-d’œuvre), mais elles servent aussi de contreforts. De grandes arcatures verticales se croisent à de petites arcatures horizontales. La surface, quadrillée par les arcatures, se trouve ainsi cadenassée. Dans l’Occident médiéval, les exemples foisonnent de ces façades à arcatures. Elles sont légions en Italie du Nord (la cathédrale de Modène, édifiée en 1099), en Toscane, dans la région de Pise (art pisan). On en trouve aussi en Espagne (Saint-Jacques-de-Compostelle) et bien sûr en France : cathédrale du Puy-en-Velay, cathédrale d’Angoulême (1ère façade à arcatures de la région), église Saint-Léger de Cognac, église d’Aubeterre-sur-Dronne, église de Châtre (commune de Saint-Brice près de Cognac), église de Gensac-la-Pallue…

Nef centrale voûtée en berceau, voûte d’arête avec ou sans nervures, absides et absidioles, façade à arcature… le langage roman s’affine, les édifices gagnent en hauteur ou en largeur (rarement les deux). A Caen, l’église Saint-Etienne revêt presque des allures de cathédrale gothique.

En Saintonge et en Angoumois, les églises romanes se déclinent en une infinie variété : beauté simple parfois, très recherchée ailleurs. A tel point que l’on a pu parler de « baroque roman » à l’égard de certaines églises saintongeaises.

Le guide-conférencier Silvio Pianezzola s’est longuement attardé sur la cathédrale d’Angoulême (voir encadré). Ce monument du 12e siècle a fondé une véritable école régionale. En son cœur historique, c’est l’une des rares cathédrales romanes de France.

Grandes ou petites, riches ou modestes, les églises romanes sont toujours à hauteur d’homme. C’est ce qui en fait leur prix.

* Via Patrimoine : association culturelle liée à « Angoulême, ville et pays d’art et d’histoire ».

Cathédrale d’Angoulême Un chef-d’œuvre de l’art roman
p34.jpgLégataire de quatre papes successifs, Girard de Blay est un prélat ambitieux et influent. Evêque d’Angoulême au début du XIIe siècle, c’est sous son ministère que s’édifie la cathédrale Saint-Pierre. Son originalité architecturale donnera naissance à une véritable école régionale.
Originaire de Bayeux, dans le Nord de la France, Girard de Blay a de l’argent et de l’entregent. Doté de moyens considérables pour bâtir sa cathédrale, il fait venir les meilleurs artisans d’Italie, d’Allemagne, de France. Une vingtaine d’années plus tard, un ouvrage exceptionnel sort de terre. Sa façade à arcatures verticales et horizontales (la première de type roman angoumoisin), renouvelle l’approche architecturale, tant dans la répartition des forces que dans le programme des sculptures. La façade-écran se lit à livre ouvert. Surtout, le chantier de la cathédrale sera un foyer important de création et d’expérimentation pour la région tout entière. Un peu à la manière de la basilique Saint-Sernin de Toulouse dont le rayonnement s’étend sur tout le Sud-Ouest.

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