Patrick Pinet, PDG de Courvoisier : « Une opportunité pour Courvoisier »

11 juin 2014

Le rachat de Beam par le groupe japonais Suntory n’a pas déclenché un « tsunami » à Jarnac, chez Courvoisier. Pas de changement au niveau de la stratégie de la maison. La politique d’achat d’eaux-de-vie et d’investissements suit son cours. Les réseaux de distribution restent en place. La nouvelle entité s’appellera d’ailleurs Beam-Suntory. Le P-DG de Courvoisier, Patrice Pinet, parle plutôt de ce changement comme d’une opportunité, celle d’appartenir à un groupe de spiritueux puissant, qui se classe désormais au 3e rang mondial.

 

 

p12.jpgQuand on est responsable d’une maison de négoce, comment vit-on le fait de changer de pavillon ?

Chez Courvoisier, nous n’en sommes pas à notre première expérience. Personnellement, je suis arrivé quand Allied-Lyons s’est rapproché de Domecq pour devenir Allied-Domecq. Il y a eu ensuite le rachat, en 2005, d’Allied-Domecq par Pernod-Ricard qui l’a aussitôt revendu au groupe américain Fortune Brands. Beam Global Spirit & Wine constituait la branche Vins & Spiritueux de Fortune Brands. Elle a pris son indépendance. Aujourd’hui, Beam est ra-
cheté par Suntory. A mon avis, c’est beaucoup moins déstabilisant cette fois-ci que lors de la cession d’Allied-Domecq. Nos réseaux de distribution sont bien établis. Ils ne bougent pas.

La nouvelle entité s’appelle
Beam-Suntory.

Oui, le groupe Suntory a souhaité qu’il en soit ainsi. En fait, les différentes marques de spiritueux des deux entités, Beam et Suntory, vont rejoindre la division spiritueux du groupe japonais. Cette division s’appellera Beam-Suntory. Et Matt Shatto, le P-DG de Beam, dirigera la nouvelle structure. Par exemple, chez Courvoisier, nous continue-rons de « reporter » à la direction de Beam aux Etats-Unis. C’est le gage, me semble-t-il, d’une intégration harmonieuse. Il n’y aura pas de compétition entre les équipes.Pourquoi une telle organisation ?

Sans doute parce qu’au niveau des spiritueux, la partie internationale de Suntory n’est pas aussi développée que celle de Beam. Le groupe Beam, connu pour son positionnement premium sur les alcools bruns, possède des marques de Bourbons leaders sur le marché américain, la Téquila Sauza, une marque de Whisky, Canadian Club, des Rhums, Vodkas et le Cognac Courvoisier, considéré comme la 2e marque du groupe après le Bourbon Jim Beam. Le groupe Suntory, lui, est très puissant sur son marché domestique, le Japon, et constitue, bien sûr, un fer de lance pour le marché asiatique. En fait, les deux groupes sont à la tête de portefeuilles très complémentaires.

Suntory a mobilisé des capitaux
importants pour acquérir Beam.

La transaction s’est soldée par 16 milliards de $, dont 13 milliards en cash, sachant qu’il y avait aussi la reprise des dettes. Cela fait partie des très grosses opérations de regroupement du secteur des spiritueux.

Qu’est-ce qui peut motiver un tel investissement ?

Des décisions de ce type s’appuient toujours sur un faisceau de raisons. Mais la recherche de la taille critique y participe sans aucun doute. Il faut pouvoir exister face à des poids lourds comme Diageo ou Pernod-Ricard. Une fois le rachat consommé, le groupe Beam-Suntory occupera, sur l’échiquier mondial des spiritueux, la troisième place, avec un chiffre d’affaireS estimé à 4,5 milliards de $. En 2013, le chiffre d’affaires global de Beam n’était « que » de 2,5 milliards de $. Beam devait se clas-ser au 4e ou 5e rang mondial. Par ailleurs, il est facile d’imaginer que la complémentarité des marques rejaillira sur l’ensemble du portefeuille. Pour Courvoisier, faire partie d’un tel groupe, aussi puissant et international, représente un beau challenge, une opportunité. Nous qui sommes plutôt implantés sur les marchés anglo-saxons, Etats-Unis, Angleterre, l’Europe et la Russie, Suntory va nous apporter sa connaissance du marché asiatique. Qui plus est, la branche spiritueux du groupe Suntory reste dans le giron familial. Elle n’est pas cotée en bourse. Dans une industrie comme le Cognac, pouvoir raisonner à long terme, ne pas subir la pression cour-termiste – annuelle, trimestrielle – des actionnaires représente un vrai bonus.

La maison Louis Royer appartient au groupe Suntory depuis 1989. Deux maisons de Cognac dans un même groupe ! Comment peuvent s’articuler les relations ?

Incontestablement, ce point fera partie de la réflexion stratégique menée par le groupe dans les mois à venir. Comment cet ensemble peut-il se gérer ? Est-ce un inconvénient ? Un avantage ? La maison Royer a ses propres spécificités. Le développement de son département liqueur l’amène à exer-
cer un métier un peu différent du nôtre même si, bien sûr, nous avons en commun l’activité Cognac. Mais, sur ce créneau-là aussi, nous ne partageons pas les mêmes marchés, les mêmes circuits de distribution.

En interne, comment se manifeste un rachat ?

Pour les équipes de direction, cela se tra-duit par une source de travail supplémentaire. De nombreux audits sont à réaliser, entre les immeubles, l’outil de travail, les stocks. Parce que le nouveau groupe entend connaître ce qu’il achète, de nombreuses données sont transmises. Mais, jusqu’à présent (interview réalisée avant le 30 avril, date du rachat définitif), je dois dire que nous n’avons vu aucun Japonais dans l’entreprise, ce qui, quelque part, constitue une marque de confiance. Nous avons carte blanche pour poursuivre nos politiques d’investissements, d’achats d’eaux-de-vie. Au niveau de la stratégie locale, tout suit son cours. C’est la continuité qui prévaut.

 

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