Patrice rétaud, l’expert vigne de la Chambre Régionale de l’Agriculture Poitou-Charentes

20 avril 2010

La Rédaction

L’univers de la protection du vignoble dans la région de Cognac a été marqué depuis quelques années par un désengagement du SRPV de Cognac et du SRAAL des travaux d’expérimentation vigne et de surveillance du territoire. Patrice Rétaud, l’ingénieur qui pilotait toute cette activité, avait dû arrêter fin 2008 les Avertissements Agricoles en raison de l’insuffisance des moyens dont il disposait pour établir des préconisations de lutte fiables. N’était-il pas inquiétant de voir disparaître de la région de Cognac un expert de la protection du vignoble aux compétences reconnues ? Après une année 2009 de transition, P. Rétaud vient de retrouver un poste d’expert vigne au sein de la Chambre régionale d’agriculture du Poitou-Charentes où il va assumer la fonction d’animateur du suivi biologique pour deux filières la viticulture et l’arboriculture.

 

 

rtaud.jpgLa profonde restructuration du fonctionnement des services du SRAAL visant à spécialiser les actions des équipes sur les missions réglementaires et de contrôles et non plus la prescription de conseils techniques sur la protection des cultures entraîne une refonte de cette structure et des équipes qui y travaillent. Ce changement « de cap » stratégique déjà engagé depuis quelques années entraîne dans certaines régions une perte de compétences techniques inquiétante. Les travaux d’expérimentation sur la protection des cultures étaient conduits de manière indépendante des contingences commerciales, ce qui en faisait l’intérêt auprès des professionnels. L’antenne du SRPV de Cognac devenue depuis un an SRAAL (Service régional de l’agriculture et de l’alimentation) est pleinement concernée par cette évolution.

La pérennité d’un capital de connaissances préservée dans le cadre d’une activité différente

L’équipe, constituée de trois ingénieurs, travaillait à 95 % sur les aspects techniques au début des années 2000 alors qu’aujourd’hui, les missions de contrôles et réglementaires représentent les trois quarts de l’activité de l’équipe. L’un des derniers dossiers techniques gérés par le SRAAL de Cognac concerne la flavescence dorée. On peut même se demander si, dans un délai d’un à deux ans, l’antenne de Cognac sera maintenue. Patrice Rétaud, qui travaillait depuis 20 ans à Cognac, avait eu à l’origine pour mission de développer les approches d’expérimentation sur la protection du vignoble charentais, en collaboration avec la FREDON. Il avait acquis une solide expérience et l’audience des travaux d’expérimentation vignes de la région de Cognac était reconnue au niveau national. Ce statut d’expert de la protection du vignoble n’était plus tout à fait en phase avec les nouvelles orientations de fonctionnement du SRPV et du SRAAL. Au cours des cinq dernières années, l’activité technique de l’antenne s’était réduite au profit des aspects réglementaires et de contrôles, et dans le courant du deuxième semestre 2009 un nouveau projet professionnel lui a été proposé. Patrice Rétaud a quitté l’antenne du SRAAL de Cognac en début d’année 2010 pour prendre une nouvelle fonction à la Chambre régionale d’agriculture du Poitou-Charentes. Il est devenu animateur de la surveillance biologique du territoire pour les filières vignes et arboricoles du Poitou-Charentes. Cette nouvelle fonction lui permet de continuer à exercer une activité technique principalement sur le vignoble de Cognac, d’où l’implantation de son bureau à Saintes dans les locaux de la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime. Le capital de connaissances et de compétences sur la protection du vignoble en Charentes qui font de lui un expert vigne continue d’être mis à disposition de la filière Cognac. Dans la réalité, les nouvelles missions de P. Rétaud sont tout de même différentes car le volet expérimentation n’est plus à sa charge. Par contre, il poursuivra l’activité de surveillance du territoire dont il avait déjà auparavant la charge.

Conduire des expérimentations de protection des cultures n’est plus la priorité du SRAAL

Le travail d’étude et d’expérimentation sur la protection du vignoble arrêté par le SRAAL est-il pérennisé ou repris par d’autres organismes ? Quels organismes techniques officiels ont aujourd’hui la capacité et les moyens dans la région de Cognac de conduire des expérimentations sur les fongicides, les risques de résistances, les stratégies de lutte contre le mildiou, l’oïdium… ? Au sein des instances régionales du SRAAL, on ne cache pas que « faire de l’expé protection du vignoble » n’est plus du tout la priorité et suite à la réorganisation, les acquis de 25 ans de capital de connaissances sont en quelque sorte passés « par perte et profit ». Du côté des professionnels, les appréciations sur tous ces sujets sont critiques et les récentes années à mildiou 2007 et 2008 ne font que renforcer les inquiétudes sur l’arrêt des expérimentations. Pour l’instant, « les dégâts sont constatés et aucune solution de remplacement ne se profile à l’horizon ». La cause en est simple : le manque de moyens ! Il faut rappeler que dans la nouvelle organisation du SRAAL, les missions de préconisation de stratégies de lutte pour la protection des cultures n’existent plus. La vocation du service n’est plus que d’informer sur les risques parasitaires. Le Bulletin de santé végétal, auquel les agriculteurs et les viticulteurs auront accès gratuitement, apportera une information sur les risques parasitaires à partir des données recueillies auprès des Chambres d’agriculture, de la Station viticole du BNIC, de l’IFV, de la FREDON et de certains distributeurs. L’idée en théorie paraît généreuse mais son transfert au niveau de la pratique suscite des interrogations et de grandes inquiétudes. Sans être d’éminents spécialistes des maladies et parasites de la vigne, on peut se demander si la réalisation d’un diagnostic sur la situation parasitaire du vignoble de Cognac pourra être envisagée sans intégrer les aspects concernant le raisonnement de lutte et la réaction du milieu végétal à l’utilisation de produits phytosanitaires ?

Un Bulletin de Santé Végétal pour seulement décrire les risques parasitaires

Pour des maladies comme le mildiou, l’oïdium, le botrytis où la flore de champignons évolue en permanence suite aux applications de fongicide, l’intérêt de proposer une information sur l’observation de la situation (présence de symptômes, évaluation de leur intensité) ne représente malheureusement qu’un volet secondaire des attentes. Pour un viticulteur, parler de l’intensité des niveaux de risques mildiou sans aller jusqu’à la préconisation de stratégies de luttes risque d’être perçu comme une source d’informations insuffisante. Les viticulteurs devront aller chercher cette information de préconisation ailleurs, auprès des services officiels, les Chambres d’agricultures, l’IFV et aussi auprès des distributeurs de produits phytosanitaires. La préconisation de stratégies de lutte va sûrement devenir une prestation de services « facturable » dont malheureusement les sources ne seront pas toujours dissociées des industriels commercialisant les intrants phytosanitaires. Les démarches de préconisation de lutte risque donc à terme d’être soumises à des enjeux de trop de « business » qui ne sont peut-être pas réellement compatibles avec la volonté affichée de moins traiter au travers d’Ecophyto. Dans de telles conditions, les consommateurs d’informations sur la protection des cultures que sont les agriculteurs et les viticulteurs considéreront-ils l’accès au contenu du Bulletin de santé végétal comme suffisamment complet et attractif pour répondre à leurs attentes ? La nouvelle organisation « de gestion de la protection des cultures » voulue par les services du ministère de l’Agriculture semble le penser et elle va devoir faire ses preuves sur le terrain d’ici 4 à 5 ans.

Tisser des partenariats techniques pour alimenter le contenu du BSV

Les nouvelles missions de la fonction de Patrice Rétaud ne s’apparentent pas au travail technique qu’il conduisait jusqu’au début des années 2000 à Cognac. Il n’aura plus la responsabilité de mettre en œuvre directement des expérimentations produits, de travailler les stratégies de lutte, de suivre les aspects de modélisation, de faire des inventaires faunistique de prédateurs, de gérer un vaste réseau d’observations de phénologie et du parasitisme sur les deux départements. L’un des volets importants de sa nouvelle fonction doit déboucher sur la mise en place d’un observatoire de la situation parasitaire en nouant des partenariats avec tous les acteurs techniques de chaque filière, viticulture charentaise, viticulture du Haut Poitou et arboriculture. Pour atteindre cet objectif, P. Rétaud va s’appuyer sur le travail de terrain effectué par différents partenaires, les techniciens des Chambres d’agriculture de Charente et Charente-Maritime, de la Station viticole du BNIC, de la Fredon et aussi avec des distributeurs de produits phytosanitaires. Le côté curieux de cette approche est lié au fait que ces mêmes organismes vont proposer aux viticulteurs des prestations de conseils de protection du vignoble complètes englobant l’analyse des risques et les préconisations de lutte qui seront facturables (soit directement ou soit par le biais des marges commerciales dégagées sur la vente des produits phytosanitaires). P. Rétaud continuera de réaliser et de collecter quelques observations directes chez des viticulteurs dans le prolongement des actions qui étaient menées au SRPV de Cognac (pour le suivi de la phénologie et de témoin 0). L’ensemble de ces informations techniques seront collectées et synthétisées au travers de divers moyens en vue de rédiger le Bulletin de santé végétal. Ce document dont l’accès est gratuit se limitera à une évaluation du risque parasitaire (sans aucune préconisation de lutte).

Une périodicité hebdomadaire pendant le cycle végétatif

Le Bulletin de santé végétal qui est mis en ligne sur le site de la DRAAF Poitou-Charentes (draaf.poitou-charentes@agriculture.gouv.fr) aura une périodicité adaptée à la saisonnalité de chaque culture. En grandes cultures, le BSV est disponible depuis l’automne dernier et la première édition du BS Viticulture Charentaise est parue il y a quelques semaines. P. Rétaud donne un peu plus d’indications sur le contenu de ce document : « Le BSV sera rédigé à partir d’un pool d’informations émanant des techniciens viticoles et des viticulteurs de la région. C’est un nouvel outil d’information décrivant les risques parasitaires spécifiques à chaque zone de production, le vignoble de Cognac, celui de Bordeaux). Il existe désormais dans toutes les régions françaises. Une partie de ma mission est justement de construire un réseau de relations avec tous les acteurs techniques de la région de Cognac pour être en mesure d’alimenter le contenu du BSV. La démarche de collecte et d’enregistrement des informations va être abordée par filière selon un protocole standardisé au plan national. C’est une approche de travail en cours de finalisation qui va se formaliser dans le cadre de la charte de l’observation biologique. Dans chaque région, les chefs de filière échangeront leurs informations et travailleront avec les experts nationaux de chaque culture du ministère de l’Agriculture. C’est au travers de cette organisation que pourra être perpétué par exemple le travail sur l’évolution des phénomènes de résistance aux fongicides vigne. Le BSV aura une périodicité qui teindra compte du déroulement du cycle végétatif de la vigne. A partir de la fin avril, chaque semaine, une nouvelle édition sera mise en ligne sur le site de la DRAAF. »

P. Rétaud aura également des responsabilités au niveau de la mise en œuvre du plan régional Ecophyto dans les prochaines années. Sa fonction d’expert vigne régional va dans un premier temps l’amener à s’intéresser à la mise en place du réseau de fermes de référence. Il sera également amené à débattre avec ses collègues experts vignes des autres régions viticoles de la gestion de l’observatoire des phénomènes de résistance et peut-être aussi du devenir de l’observatoire des maladies du bois.

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