Passions et Passionnés … Jean-Fraçois Allard, « Passionné … tout simplement ! »

28 août 2019

Débonnaire et souriant, Jean-François Allard s’interroge en début d’entretien : « Qu’est-ce que je fais sur cette liste de passionnés ? ». Mais dès qu’il se met à parler de viticulture, de ses traditions, de son devenir, quelle que soit la casquette qu’il choisit de coiffer – ancien conseiller viticole pour la Chambre d’Agriculture ou exploitant -, la question de sa présence sur la liste cesse immédiatement de se poser…

Jean- François Allard appartient à une famille de viticulteurs, installée à Champniers depuis des générations. Il est aujourd’hui à la tête du domaine familial et d’une entreprise de travaux viticoles. Après ses études en viticulture, il est recruté, en 1999 par la Chambre d’Agriculture de Cognac. « J’ai été embauché comme technicien viticole, pour assurer l’accompagnement technique des jeunes viticulteurs et des viticulteurs en difficultés, pour les cantons de Cognac, Rouillac, Hiersac, Jarnac, Châteauneuf et Segonzac. »

C’est le début de la crise, une période délicate. Il y a peu d’installations mais, pendant 3 ans, Jean-François Allard suit environ 60 viticulteurs. « Ça n’était pas forcément facile de créer des liens, et surtout, j’ai assez vite compris que, dès la fin de leurs études, de nombreux jeunes entraient directement dans le contexte professionnel familial et qu’ils n’avaient ensuite que peu de contacts extérieurs. »

 

Des groupes de pionniers

 

Avec l’aide de certains jeunes de l’époque, « dont certains sont aujourd’hui des leaders de la profession », Jean-François cherche un moyen de créer une dynamique. « Nous avons décidé de le faire autour de la viticulture raisonnée, ce qui n’était pas du tout dans l’air du temps à l’époque. Des groupes ont été créés dans chaque canton, nous organisions une rencontre par semaine en période végétative, nous établissions des bilans annuels sur l’impact économique et environnemental des actions mises en place. On organisait des déplacements dans d’autres régions viticoles, des rencontres avec des relais scientifiques…Ces groupes « viticulture raisonnée » ont été un levier très intéressant pour faire évoluer les mentalités. Les viticulteurs sont sortis de leur exploitation, ils ont pu échanger…C’était une super aventure. » A cette époque, Jean-François et ses « JA » (Jeunes Agriculteurs) étaient des pionniers de la restauration de l’équilibre biologique : abandon des acaricides et des insecticides, réduction des doses… « Ils étaient même parfois en infraction avec la réglementation, en marge de la légalité. En plus ça ne plaisait pas aux distributeurs de produits phyto. C’est peu de dire qu’ils étaient attendus, mais ils ont osé, au risque d’indélicatesses avec l’administration. Quel chemin parcouru par cette dernière, au regard des objectifs qu’elle assigne maintenant à la profession ! »

Au départ cantonnée aux petits groupes de JA, la pratique a évolué vers un public plus large. « Ils sont pour beaucoup à l’origine de l’abandon total des acaricides sur l’ensemble du vignoble. »

A l’époque, Jean-François participe aussi à la restructuration du vignoble charentais. « Avec la Chambre d’Agriculture, qui s’est fortement impliquée, on a réalisé des cartographies des sols, un travail très fin, en collaboration avec les structures coopératives, sur leur nature, leur potentialité, pour adapter au mieux les cépages, les porte-greffes, la conduite… et on a dispensé beaucoup de formation et de conseils, individuels ou collectifs. »

 

Technicien, pas gourou !

 

« En tant que technicien, j’agissais comme un catalyseur, un animateur, la cheville ouvrière qui met en relation les agriculteurs entre eux, mais aussi avec les instances représentatives et surtout avec les acteurs de la recherche fondamentale… Au final, ça a été une façon efficace de faire évoluer la viticulture. Mais il ne faut pas perdre de vue que le technicien ne doit pas se substituer au viticulteur. C’est le nerf de la guerre de la formation, lorsqu’on anime un réseau. Quand l’on est viticulteur, il est impossible de transposer une année sur la suivante. La capacité à faire des choix est liée à l’expérience. L’erreur et l’observation permettent d’évoluer, il faut réussir à jouer avec tous les outils dont on dispose, mais sans oublier que ce ne sont que des outils et que le choix final reste le vôtre : il faut accepter d’être responsable d’un échec et ne pas incriminer l’un ou l’autre de ces outils. »

 

Valoriser la taille Guyot-Poussard

 

En partenariat avec l’association des viticulteurs bio, Jean-François Allard a également participé à un travail de recherche et d’expérimentation autour de la taille Guyot-Poussard. Au début du XXème, Eugène Poussard, le régisseur d’un vignoble charentais, doté d’un sens aigu de l’observation et d’une excellente technicité, s’est rendu compte que la façon dont les vignes étaient taillées influait sur leur longévité. Cela l’a amené à mettre au point une technique de taille, à partir de la taille Guyot classique, afin de moins mutiler la vigne et de favoriser des canaux préférentiels pour le passage de la sève. Des années 50 aux années 80, cette technique était enseignée partout dans le vignoble de Cognac, mais la pratique a progressivement décliné, certainement du fait de l’usage de l’arsénite de soude qui limitait efficacement le développement des maladies des bois.  « Par ailleurs, ce travail primordial qu’est la taille est de moins en moins réalisée par les exploitants viticoles, ni même par des personnels qualifiés et compétents. Aujourd’hui même les formateurs ne sont pas forcément en phase avec la technique. Il y a beaucoup d’intervenants autour de la question, car ces problèmes de taille ont une incidence directe sur les maladies de la vigne, mais peu d’entre eux savent vraiment de quoi ils parlent ! Le paradoxe c’est que la taille POUSSARD est une technique typiquement charentaise, appartenant à notre patrimoine viticole, et que l’on est obligé d’externaliser son développement auprès d’intervenant venant d’autres régions, voire de l’étranger !! Il faudrait trouver le moyen de la valoriser pour les Charentes, sur le modèle de la certification de la taille qui existe en Champagne…Qu’il y ait au moins une commission d’experts pour valider les formateurs et que le stagiaire, une fois bien formé, puisse revendiquer une certification reconnue, qu’il pourrait valoriser sur le marché de l’emploi, ainsi que sur sa fiche de paye. »

 

Donner plus de moyen à la recherche

 

“Il me semble qu’à ce jour, les pratiques de raisonnements n’évoluent guère en matière de protection du vignoble. Les enjeux de production l’emportent certainement sur le raisonnement !

La fréquence, le nombre de traitements ainsi que les doses de produit n’ont guère diminué ; on a certainement atteint les limites du facteur humain, et l’évolution se fera obligatoirement par l’assistance de moyens technologiques.

On sait que la sensibilité de la plante est directement conditionnée par sa vigueur et qu’il existe une variabilité forte à l’échelle de son vignoble, et de sa parcelle. Connaitre cette variabilité, et adapter les doses de façon précise et sécuritaire doit se faire à l’aide de nouvelles technologies qui sont pourtant en gestation depuis 15 ans.

Il en est de même pour la prévision du risque: l’information reste encore trop globale sur la région, et le manque de précision concernant les prévisions météo adaptées à nos parcelles nous amènent à surtraiter, et ce millésime en est le parfait exemple.

Les outils mis à disposition de la profession n’avancent pas aussi vite que les contraintes environnementales qui nous sont imposées, notre adaptation passera inexorablement par une recherche dotée de moyens à la hauteur des enjeux.

Il faut élever le débat bio contre raisonné, c’est la science qui selon moi apportera les solutions. »

 

 

 

 

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