Passions et Passionnés … Eric Barrier « les plants de vigne sont ma passion »

28 août 2019

Passionné par son métier de pépiniériste viticole, Éric Barrier l’exerce avec la volonté de le faire le mieux possible, de fournir à ses clients des plants de vigne de grande qualité et d’assurer l’emploi de ses salariés. 

Son père était déjà pépiniériste viticole, depuis 1963. Le petit Éric s’intéressait peu au travail de papa lorsqu’il était enfant, jusqu’à poursuivre d’ailleurs des études de mécanique. Pourtant, en décembre 90, il reprend l’entreprise familiale avec son frère. Et, comme pour tout ce qu’il entreprend, il s’emploie avec enthousiasme et passion à en faire une affaire qui tourne… « Mon père mettait en œuvre environ 160 000 plants à l’année, on en a travaillé 1 800 000 en 2019. Mais, je ne suis pas un prédateur qui veut avaler tout le monde. En fait, j’aimerais plutôt me comporter comme un chasseur cueilleur et produire moins. Mais l’entreprise compte une dizaine de salariés qui travaillent avec moi depuis 15 à 17 ans. Ce volume de production assure leurs emplois, sans oublier celui des travailleurs saisonniers roumains, une vingtaine pendant 8 mois de l‘année en moyenne. Ce sont des gens courageux et qui savent travailler. Sans eux, on ne pourrait maintenir ce niveau de production. »

 

Le palissage des vignes mères : un gage de qualité.

 

Depuis plus de 10 ans maintenant, Éric Barrier produit ses porte-greffes à partir de vignes mères palissées. « A ma connaissance, ça ne se fait peu en France, plutôt en Italie et au Portugal ». Il a fait ce choix pour optimiser la qualité de ses porte-greffes. En effet, la conduite traditionnelle sur le sol rend les travaux d’entretien plus difficiles – « et cela le sera encore plus quand il faudra complétement arrêter le désherbant » – tout comme les contrôles sanitaires et d’homogénéité variétale. Ces critères sont pourtant essentiels à la qualité du matériel végétal. Éric cultive donc environ 25 000 souches de vigne mère, réparties sur des parcelles non gélives aux qualités de sols différentes. Pourtant, bien qu’il soit persuadé de la meilleure qualité de ses plants, grâce au palissage, ses prix ne sont pas supérieurs à ceux de ses concurrents. « On est à peu près aux mêmes tarifs qu’en 1990, et c’était descendu plus bas. Si l’on considère les coûts de main d’œuvre et la prise de risques climatiques, récurrente et qui n’est pas assurable aujourd’hui, c’est un prix ridicule. »

 

Plus de douze mois pour fabriquer un plant.

 

Dans les rangs de vignes mères palissées, les boutures sont nettoyées en novembre ou décembre, à même la souche. Puis direction l’atelier, où elles sont coupées à la machine, « un gain de main d’œuvre non négligeable », avant d’être rangées dans des palox plastiques. Elles y sont couvertes d’eau puis égouttées avant d’être stockées, et attendent en chambre froide (3°), l’assemblage avec le greffon.

Le greffage commence début mars. C’est un greffage « oméga », qui s’opère à partir d’une bouture et d’un greffon du même diamètre et dont la découpe rappelle plus ou moins la forme de la lettre grecque oméga en majuscule. « Avec cette technique, on réalise environ 60 000 greffes par jour. Enfant, j’ai connu la méthode manuelle, avec un greffoir, c’était beaucoup plus lent et très dangereux pour les doigts. » La greffe bouture est paraffiné, et repart au frais pour éviter qu’elle ne démarre.

Vient ensuite l’étape de la stratification, dont l’objectif est de lier parfaitement le tissu de soudure et de former un cal. Elle se déroule en chambre chaude ou en serre ombrée et chauffée, la technique choisie par Éric Barrier. « Le cal doit être apparent mais le greffon doit démarrer le moins possible. Souvent, je les vérifie la nuit, avec une lampe de poche, je trouve que c’est comme cela que l’on contrôle le mieux la progression du cal…si ça n’est pas de la passion ! » Éric stratifie sur de la sciure de peuplier, d’autres le font à l’eau additionnée de sulfate de cuivre. « Mais je préfère la sciure, comme je préfère la serre à la chambre chaude :  la qualité des cals est meilleure. Certains cépages sont plus compliqués que d’autres à maîtriser. Le plus compliqué est sans aucun doute l’ugni blanc, je ne suis pas sûr que les viticulteurs charentais en soient conscients. »

 

Lorsque la stratification se termine – sa durée varie en fonction des porte-greffes – les boutures sont de nouveau paraffinées, pour protéger le cal, avant d’être plantées en pépinière et paillées, « avec du paillage blanc, nous sommes sans doute les seuls au monde à l’utiliser pour la vigne. Cette année, du 10 mai au 20 juin, on était 30 personnes pour planter les 1 800 000 boutures. » Puis c’est le suivi classique d’une pépinière : traitements et arrosage. Depuis 2003, Éric Barrier a opté pour le goute à goute automatisé : « pas de gaspillage et moins de risque de maladie puisqu’il n’y a pas d’eau sur les feuilles. Je préfère aussi mettre le fertilisant dans l’eau, plutôt que dans le terrain. ». Les boutures seront faucillées à partir de la fin juillet et soigneusement entretenues jusqu’en octobre. Fin novembre, après les premières gelées, une machine passe sous les rangs pour couper les racines et les soulever, avant que les plants ne soient arrachés à la main. Dernière étape enfin : le tri. Chaque plant est vérifié manuellement à l’atelier : on s’assure que le cal soit parfaitement solide, les pousses suffisamment aoutées, et qu’il y ait au moins 3 racines bien réparties. Les plants qui passent le test sont rabattus à 5 ou 6 cm, paraffinés de nouveau, étiquetés – « Il faut avoir beaucoup de rigueur dans cet étiquetage, car entre porte-greffes et greffons, il peut y avoir plus de 100 assemblages possibles » -, puis cerclés par paquets de 50, mis en sac de 250 plants et stockés en chambre froide, jusqu’à ce que le viticulteur vienne les chercher.

 

« Il faut plus de 12 mois pour faire un plant, beaucoup de manipulations et de savoir-faire différents. C’est un gouffre de main d’œuvre, on prend des risques à chaque étape de la production, et les tarifs ne sont pas au niveau de l’engagement des pépiniéristes…mais produire quelque chose de vivant, un produit de qualité qui continuera à évoluer, c’est passionnant…même si j’aimerais bien parfois que cette passion me laisse prendre quelques jours de vacances : ça fait 12 ans que cela ne m’est pas arrivé. »

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