L’équipe IFV Charentes, animée par François-Michel Bernard, le res-ponsable de l’unité et Alexandre Michez, le technicien, travaille sur des thématiques de recherche appliquée ciblées et un volet important con-cerne les aspects de viticulture durable. Les expérimentations menées en Charentes s’inscrivent dans les programmes de recherche de l’IFV au niveau national qui sont aussi développés dans toutes les régions viticoles. Les travaux de l’IFV ont comme objectif principal d’adapter les recherches fondamentales aux réalités de l’univers viticole de chaque grand bassin de production. La vigne n’est pas une culture standardi-sée quelle que soit la région comme peuvent l’être les céréales et les oléagineux. L’effet cépage, l’effet terroir, le type de production recherché, la finalité commerciale… contribuent à rendre la conduite des vignobles bien différente dans des zones de production parfois distantes de seule-ment 50 à 100 km. Aussi, travailler par exemple sur les moyens d’aider les viticulteurs à moduler judicieusement les doses d’intrants phyto-sanitaires est abordé très différemment à Blaye et à Cognac malgré la situation proche de ces deux régions. Les vignes larges d’Ugni blanc conduites pour porter 12 à 15 t/ha de raisins et des Merlot à plus fortes densités à 7 à 8 t/ha de récolte représentent deux univers de production bien différents reposant sur des itinéraires culturaux peu semblables. Ne pas tenir compte des spécificités de chaque vignoble dans la mise en œuvre des expérimentations nuit aux développements des démarches techniques les plus innovantes qui sont attendues et financées par les professionnels. L’IFV remplit donc cette mission d’expertise technique décentralisée dans la plupart des régions viticoles françaises. La toute jeune unité IFV Charentes implantée à Segonzac s’implique sur de nom-breuses expérimentations en travaillant parfois en étroite collaboration avec les chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime. Dotée d’infrastructures modernes avec le laboratoire d’œnologie (avec chai de vinification et stockage), de microbiologie, de viticulture, d’une œnothèque, l’unité concentre principalement ses travaux en œnologie vers les vins de pays et sur la viticulture intégrée. Ce dernier volet d’étude est au cœur de l’actualité avec la mise en œuvre du plan Ecophyto.
LA PRESSION DE PARASITISME EST SOUMISE À L’EFFET « VIGNE + MILIEU » DE CHAQUE VIGNOBLE
Les professionnels dans toutes les régions viticoles s’intéressent depuis longtemps aux aspects de réduction d’utilisation des intrants phytosanitaires. La mise en place d’actions techniques d’envergure depuis 20 ans sur tous les sujets de viticulture raisonnée atteste des efforts importants qui ont été consacrés à ces démarches. Les viticul-teurs n’ont pas pris conscience seulement en 2008 qu’il fallait utiliser avec modération les produits phytosanitaires ! Cela fait longtemps qu’ils ont souhaité voir les techniciens et les chercheurs de la filière vigne explorer ces thématiques. Les équipes de l’IFV (ex-ITV) ont développé des actions de recherches poussées depuis 20 ans en s’appuyant sur des concepts innovants pour raisonner l’utilisation des produits phytosani-taires. Il n’est pas inutile de rappeler que l’IFV a été un acteur majeur du développement des démarches de modélisations mildiou, oïdium, botrytis au début des années 90 qui sont aujourd’hui utilisées par la plu-part des équipes techniques des chambres d’agriculture. Le capital de connaissances acquis par les ingénieurs de l’IFV les a amenés à avoir et à proposer une approche globale de viticulture raisonnée tenant compte des aspects agronomiques (maîtrise de la vigueur, fumure, entretien des sols), de l’importance de la qualité de la pulvérisation, d’une prise en compte des données climatiques beaucoup plus locales, des suivis détaillés de la phénologie des divers cépages, des progrès dans la con-naissance des parasites et des ravageurs… Aussi, lorsque le Grenelle de l’environnement a formalisé l’objectif de réduction d’utilisation des intrants de 50 % en 2018, tout ce travail et tout le capital de connaissan-ces acquis se sont trouvés pleinement valorisés. Cela a aussi permis de défendre les spécificités d’une culture ayant des aires et des objectifs de production très diversifiés. La force de l’IFV est de justement pouvoir s’appuyer sur un réseau d’unités de recherche décentralisées implantées dans toutes les régions viticoles. Travailler le dossier mildiou à Cognac, à Bordeaux, en Bourgogne et dans le Midi, c’est possible dans la mesure où quatre réflexions différentes sont mises en œuvre pour tenir compte de l’effet « Vignes + Milieu ».
OPTIDOSE, UN PROJET GLOBAL QUI ARRIVE À « MATURITÉ »
La réduction de l’utilisation des intrants, les viticulteurs la pratiquent de manière empirique depuis longtemps en essayant par exemple de réduire les doses en tenant compte du volume foliaire en début de cycle, en adaptant les cadences de renouvellement des traitements selon leur appréciation des niveaux de risques et du climat. Ces démarches individuelles reposent sur une analyse personnelle du niveau de risque de la situation parasitaires qui induit souvent un niveau de sécurité très aléatoire. Toutes ces réflexions de réduction et d’adaptation des doses de produits à utiliser ont été formalisées par les ingénieurs de l’IFV dans le cadre de la démarche Optidose. L’idée a été développée à l’origine par Marc Raynal au début des années 90, qui s’est dit qu’il fallait proposer aux viticulteurs un outil technique fiable, rationnel et simple à mettre en place sur une propriété pour moduler les doses de produit à chaque traitement. Une démarche de réduction de doses d’intrants phy-tosanitaires ne peut être vulgarisée de façon large que dans la mesure où la préconisation fait prendre un risque calculé aux viticulteurs vis-à-vis de la qualité de la protection. M. Raynal a formulé les choses en tenant compte des caractéristiques du vignoble (phénologie et densité de végé-tation), des risques parasitaires (fournis par les outils de modélisation) et des prévisions climatiques à 7 et 9 jours. Cela a débouché sur la création d’un outil d’aide à la décision permettant de corréler l’intensité du risque parasitaire oïdium et mildiou à une modulation de la dose de produit. En présence d’un niveau de risque fort, les traitements sont effectués à leurs doses homologuées, mais dés que le contexte parasitaire baisse d’inten-sité, on diminue les doses/ha d’intrants. L’idée paraissait très séduisante ! Il fallait la rendre opérationnelle et cela a demandé une dizaine d’années. Le premier outil concret du projet Optidose a été le tableau-dose qui, lorsqu’il a été présenté au milieu des années 90, a fait beaucoup parler. En effet, c’était la première fois dans l’univers de la recherche vigne en France qu’un organisme technique de référence osait écrire et publier que réduire les doses d’anti-mildiou et d’anti-oïdium était possible. Les professionnels de toutes les régions viticoles ont soutenu l’initiative dont la mise en œuvre s’est avèrée complexe mais réaliste. Pour aller plus loin sur ce sujet, les équipes de l’IFV ont décidé de travailler de manière plus fondamentale la caractérisation de la surface foliaire des différents cépa-ges dans chaque région et d’appréhender de façon plus fine la quantité de bouillie réellement appliquée sur la végétation lors des traitements. Le projet Optidose est désormais dans une phase opérationnelle dans toutes les régions viticoles françaises.
RÉDUIRE LES DOSES EN S’APPUYANT SUR UNE MÉTHODE SÉCURISÉE
L’équipe IFV Charentes conduit des essais Optidose de plein champ depuis plusieurs années. F.-M. Bernard ne cache pas que la mise en œuvre de cette démarche à l’échelle d’une propriété ne peut pas être envisagée sans un investissement technique sérieux du viticulteur et du technicien assurant le suivi. En effet, le jeune ingénieur estime que modu-ler la dose de produit en tenant compte du volume de feuillage à traiter, des conditions de la pulvérisation, des risques parasitaires découle du bon sens : « En France, tout le concept d’application des produits phyto-sanitaires repose sur le principe d’une dose homologuée inamovible en début de cycle végétatif comme en pleine floraison ou à la fermeture de la grappe. La réussite ou l’échec d’une protection phytosanitaire est liée à de nombreux paramètres : la pression de parasitisme, la sensibilité de la plante, l’importance du volume de végétation à protéger, la qualité de la pulvérisation et le type de matière active utilisée… La dose homologuée fait référence et est calculée pour demeurer efficace lorsque l’ensemble des éléments sont favorables au développement du parasite. Ces situations de sensibilité maximale sont rares (aux printemps 2007 et 2008 pour le mildiou), d’où l’idée de proposer une méthode de réduction de dose rationnelle. Un certain nombre de viticulteurs pratique la réduction de dose de façon empirique surtout en début de cycle végétatif et sans réellement mesurer le niveau de risque qu’ils prennent. Le projet Optidose est une méthode de réduction de dose raisonnée, fondée sur une évaluation de risque global intégrant trois paramètres clés : le volume de feuillage (l’expression végétative), le stade végétatif (traduisant la sensibilité aux parasites) et la pression parasitaire. L’avantage de la démarche réside dans le niveau de sécurité vis-à-vis de la qualité de protection qu’elle apporte aux viticulteurs. »
TROIS SÉQUENCES DE RISQUE FONDÉES SUR DES CRITÈRES FIABLES
La démarche Optidose est un projet ambitieux qui, dès les premières années d’expérimentation, a permis de mettre en évidence la possibi-lité de réaliser des économies de traitements importantes. C’est un outil technique qui a été pensé pour être adapté aux réalités concrètes des propriétés. Le contexte particulier d’îlots de parcelles plus sensibles à l’oïdium ou au mildiou et la capacité d’intervention au moment de la réa-lisation des traitements sont pris en compte par la démarche. Le risque de voir se développer une épidémie de mildiou ou d’oïdium au moment d’un traitement résulte d’un ensemble de facteurs, le climat et la pluvio-métrie passés et pour les 7 à 10 jours à venir, la sensibilité du cépage et des parcelles. L’évaluation de la pression parasitaire est actuellement appréciée en s’appuyant sur les observations de terrain, les résultats des modèles de prévisions de risques et des différents bulletins de préconisations qui en découlent. Dans la démarche Optidose, trois séquences de risque ont été retenues : une pression faible, une pression moyenne et une pression forte. Le choix des produits, la cadence de renouvellement des traitements et la réalisation des traitements sont sous l’entière responsabilité du viticul-teur. Leur raisonnement repose sur différents éléments : la croissance de la vigne, le stade phénologique, la pluviométrie constatée, les risques de résistances, les familles de matières actives déjà utilisées, les contraintes d’organisation du travail de l’exploitation… Lors de pluies abondantes et répétées en période de forte croissance de la vigne, on peut envisager un resserrement des cadences couplée à la méthode Optidose et, à l’inverse, dès que les niveaux de risques diminuent, les cadences de traitements peuvent être augmentées.
UN RÉFÉRENTIEL DE SURFACE FOLIAIRE PROPRE À CHAQUE CÉPAGE ET À CHAQUE VIGNOBLE
La formalisation du concept Optidose dans les différentes régions viticoles a commencé à partir du début des années 2000 par un travail plus fondamental. Avant de tester au champ la faisabilité de ce nouvel outil, une phase de collectes de données sur l’évolution de la surface foliaire des cépages et les performances des pulvérisateurs s’est avérée incontournable. Dans chaque région, les équipes de l’IFV ont réalisé trois mesures de surface foliaire par campagne d’essais sur chaque cépage en tenant compte des différentes architectures de palissage. Cela a permis de quantifier l’im-portance de la surface foliaire totale à traiter à trois périodes de l’année : au stade boutons floraux séparés, à la fin de la floraison et à la fermeture de la grappe. Les variations de taille des feuilles du Pinot noir, du colom-bard, du Merlot et de l’Ugni blanc, déjà naturellement importantes, sont amplifiées par la densité de plantation et de la structure du palissage. Il fallait tenir compte du contexte local de chaque vignoble pour propo-ser un outil de modulation des doses opérationnelles sur du Pinot noir à Mâcon et sur l’Ugni blanc à Cognac. Cela a débouché sur l’acquisition de données indispensables de surfaces foliaires totales pour affiner la quantité de matière active à apporter par unité de surface de végétation à protéger. En Charentes, les mesures de surfaces foliaires totales des Ugni blancs ont été effectuées pendant plusieurs campagnes sur plu-sieurs sites pour tenir compte des différences de vigueur d’une parcelle à l’autre et des principaux modes de conduite (deux mesures sur les cor-dons hauts à port retombant et les vignes hautes et larges palissées).
QUANTIFIER LA QUANTITÉ DE MATIÈRE ACTIVE RÉELLEMENT PULVÉRISÉE SUR LA VÉGÉTATION
La qualité de la pulvérisation est un élément clé de la réussite de la démarche Optidose. En effet, l’engagement dans une démarche de réduction de dose ne peut être abordé de façon sécurisée que si les produits sont appliqués de manière parfaite sur la végétation. Dans les essais techniques en micro-parcelles, la qualité de la pulvérisation avec les pulvérisateurs pneumatiques à dos est parfaitement maîtrisée mais dans les tests champs, les traitements sont effectués avec le matériel des viticulteurs (utilisé de la même façon que sur le reste de l’exploitation). La bonne utilisation des pulvérisateurs représente un volet majeur de la réussite de la démarche Optidose et l’IFV a développé un nouveau procédé de diagnostic de la qualité de pulvérisation pour sécuriser les applications de traitements à doses réduites. L’approche qui a été choisie consiste à doser la concentration de bouillie réellement appliquée sur la végétation. Jusqu’à présent, les tests de pulvérisation traditionnelle repo-saient sur la mesure des débits en sortie des buses et l’observation de la répartition des impacts de pulvérisation sur des papiers hydrosensibles. Ce type d’information évalue la répartition dans l’espace du flux de pul-vérisation mais n’apporte aucune information sur la quantité de matière active réellement présente sur la végétation. Mieux connaître le contenu des gouttelettes de pulvérisation a été l’axe de recherche de l’IFV qui a mis au point un nouveau protocole d’évaluation des performances de la pulvérisation. L’idée a été de se doter de moyens pour mesurer la quantité de matière active réellement appliquée sur la végétation en se référant à la concentration initiale de la bouillie de pulvérisation présente dans la cuve du matériel. Pour atteindre cet objectif, les ingénieurs se sont rendus compte qu’ils ne pouvaient pas travailler directement dans l’environnement naturel des rangs de vigne. Ils ont donc imaginé de créer une vigne artificielle modulable en hauteur et en largeur permettant de reproduire la structure du palissage (en hauteur et en épaisseur de végétation) des parcelles d’essais.
UNE VIGNE ARTIFICIELLE MODULABLE TRAITÉE AVEC LES APPAREILS DES VITICULTEURS
Des tiges métalliques emboîtables représentent les rameaux sur lesquels des carrés en PVC souples symbolisant les feuilles viennent se fixer. Quand on veut tester les performances d’un pulvérisateur dans une exploitation donnée, il faut commencer par « reconstruire » la structure des rangs de vigne de l’exploitation avec les éléments modulables de la vigne artificielle. Les capteurs de matières actives matérialisés par des ficelles nylon réparties sur la hauteur, la largeur et l’épaisseur de la vigne artificielle sont ensuite installés. Après la pulvérisation d’une bouillie contenant une concentration de colorant connue (réalisée avec le maté-riel des propriétés), les capteurs sont individuellement recueillis dans des tubes échantillons contenant une solution neutre au contact de laquelle va se libérer la quantité de colorant (ou de matière active) présente sur les ficelles. Le dosage de cette solution permet de quantifier précisément « la qualité » des dépôts de matière active sur l’ensemble de la végétation. Un traite-ment informatisé des données exprime les résultats sous la forme d’une représentation cartographique de répartition des concentrations de pro-duits sur le plan de palissage. Il est ainsi facile d’identifier les zones de végétation sous et sur-concentrées en matière active et d’améliorer les réglages des pulvérisateurs. Cette approche de diagnostic qualitatif de la pulvérisation s’accompagne bien sûr d’un diagnostic statique de con-trôle de débit des buses, des vitesses d’avancement et de puissance de la ventilation au sein de la végétation.
DES RÉDUCTIONS DE DOSES TRÈS SIGNIFICATIVES SUR UNE LONGUE PÉRIODE
Dans tous les essais Optidose de plein champ qui ont été implantés en France, la démarche inclus toujours trois modalités : un témoin non traité, une référence viticulteur et la modalité réduction de dose. Les essais sont implantés avec la volonté de s’adapter au contexte pratique de chaque propriété au niveau du choix des produits, des cadences de traitements, et de la mise en œuvre de la pulvérisation. Le seul souhait des équipes de l’IFV est de réaliser si possible un diagnostic de pulvérisation. Les viticulteurs conservent toutes leurs initiatives pour déclencher le calendrier de protection. La synthèse des essais réalisés entre 2002 et 2009 dans les principaux départements viticoles français (13, 16, 17, 24, 31, 40, 41, 44, 47, 64, 73, 84) confirme l’intérêt de la démar-che Optidose. Le nombre moyen de traitements dans les parcelles de référence sur cette période est de 8,2 traitements pour le mildiou et de 5,9 pour l’oïdium (exprimé en IFT sachant qu‘une unité correspond à l’application d’un traitement à sa dose homologuée). Les modalités Opti-dose ont permis d’obtenir en moyenne des réductions de dose de 41 % pour le mildiou et de 52 % pour l’oïdium. Néanmoins, les niveaux de réduction de dose sont très variables d’une année à l’autre en fonction de la climatologie et de la pression parasitaire de chaque millésime. En 2005, elles ont été très importantes en raison de la sécheresse estivale mais par contre en 2007 et en 2008, la pression de mildiou exception-nelle les avait limitées.
UN ENGAGEMENT TECHNIQUE RESPONSABLE ET PARTAGÉ ENTRE L’EXPLOITANT ET LE TECHNICIEN
Dans le vignoble de Cognac, l’Unité IFV de Segonzac a implanté depuis six ans des essais Optidose de plein champ sur des parcelles d’au minimum 0,5 ha et avec toujours un témoin non traité et la référence du programme de traitements des viticulteurs. F.-M. Bernard et A. Michez considèrent que la mise en place d’une démarche Optidose dans une propriété doit se faire d’une manière progressive pour arriver à maîtriser en toute sécurité la démarche : « Actuellement, la démarche Optidose est techniquement prête à être transférée auprès du public de viticulteurs. On peut penser que les viticulteurs déjà sensibilisés par les pratiques de raisonnement de la protection du vignoble sont plus motivés pour essayer de s’engager dans la démarche Optidose. Le premier conseil avant de s’engager dans une démarche de réduction de dose est de véri-fier la qualité de pulvérisation du matériel de l’exploitation. Ensuite, il ne faut pas s’engager seul dans un tel projet. Un encadrement technique sérieux avec un technicien déjà familiarisé à cette pratique permet en général au viticulteur d’aborder les choses avec sérénité les premières années. La prise en compte dès le départ des contraintes spécifiques à l’exploitation (la surface à traiter dans la journée, l’éloignement de cer-tains îlots de vignes…) est indispensable pour construire la démarche avec pérennité. Moduler des doses de fongicides ne s’apparente pas à un conseil de protection du vignoble classique. C’est un engagement responsable respectif et partagé entre le technicien et l’exploitant. La maîtrise d’une stratégie de lutte Optidose doit être abordée de façon progressive pour bien en appréhender l’intérêt et les limites. La connais-sance du niveau de risque parasitaire à proximité de l’exploitation est fondamentale si l’on veut tirer le maximum de profit de la démarche. S’entourer de conseils tout au long de la saison pour chercher des infor-mations locales en matière de risque parasitaire et de prévisions météo, c’est capital. Optidose est un outil de raisonnement de la lutte beaucoup plus poussé que les démarches de modélisation et de fait cela nécessite un investissement technique sérieux. Depuis 2004, nous avons testé au champ avec nos collègues des chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime la démarche Optidose sur 6 sites dont un de façon constante entre 2004 et 2009. Les résultats sont très encourageants et au bout de trois ans un des viticulteurs que nous suivons est passé du stade du test pilote sur 0,70 ha à l’ensemble de sa propriété. Au cours des années 2007 et 2008, deux millésimes à très fortes pressions mildiou, les modalités Optidose n’étaient pas plus touchées par le mildiou que le programme de traitements de ce viticulteur. Après ces deux millésimes difficiles, le viticulteur a généralisé la stratégie Optidose à l’ensemble du vignoble de 25 ha. Le tableau de synthèse de l’ensemble des essais Optidose en Charente et en Charente-Maritime confirme l’intérêt écono-mique et la qualité de la protection de la stratégie de lutte Optidose au cours des quatre dernières années ».
Des Résultats Performants En 2007 Et En 2008
Un autre essai implanté depuis 2004 dans une propriété située à Segonzac s’avère riche d’enseignements même dans des contextes de fortes pressions mildiou comme 2007 et 2008. L’expérience acquise par ce viticulteur sur la parcelle pilote Optidose l’a amené progressivement à pratiquer des réductions de doses dans le programme de traitements de la propriété. En 2007 et en 2008, il a réduit les doses d’anti-mildiou de 38 % et celle des anti-oïdium de 26 à 52 %. Dans la modalité Optidose, les réductions de doses sur l’ensemble de la campagne ont atteint les niveaux de 50 % pour le mildiou et de 70 % pour l’oïdium. L’effi cacité de la protection mildiou au cours de ces deux années diffi ciles en matière de mildiou a bonne puisque l’intensité des dégâts sur grappes ne dépasse pas 1,5 % alors que dans le témoin non traité la récolte a été détruite à 75 %. Quelques symptômes étaient présents sur feuilles mais cela n’a pas perturbé le déroulement de la maturation. Dans cet essai, les réductions de doses ont été bien sûr varia-bles selon les périodes de sensibilité du cycle végétatif. Dans l’intervalle pré-fl oraison/fermeture de la grappe, elles ont été moindres qu’au début et à la fi n du cycle
Un Calcul De Réduction De Dose Gratuit En Ligne Sur Le Site d’Information Epicure
La stratégie de lutte Optidose est devenue une stratégie de protec-tion du vignoble raisonnée pleinement opérationnelle au vignoble que les ingénieurs de l’IFV ont décidé de mettre à disposition des viticul-teurs. Leur souhait a été de créer une banque de données en ligne pré-sentant toutes les informations relatives à la protection raisonnée du vignoble. Un système d’information a été construit pour mettre à dis-position les différents outils d’aide à la décision susceptible d’aider les vignerons de toutes les régions viticoles françaises à optimiser leurs prises de décisions pour gérer la protection du vignoble. Le site inter-net Epicure (www.vignevin-epicure.com) est accessible gratuitement par les viticulteurs charentais, bordelais, gersois, bourguignons… L’ensemble des informations concernant la modélisation, les réseaux de données météorologiques, les suivis de parcelles témoins dans chaque vignoble, la mise en œuvre d’Optidose est disponible en ligne. Les viticulteurs ont la possibilité de s’inscrire sur le site pour d’une part accéder à des informations régionales et tous les outils d’aides à la décision, et d’autre part d’intégrer le réseau d’observations IFV de cha-que région. Cela permet d’avoir accès aux données de modélisation et d’avoir un contact privilégié avec les ingénieurs de chaque unité. L’utilisation de la démarche Optidose est également mise en ligne sur le site. Un module dédié à l’utilisation d’Optidose a été créé pour réa-liser les calculs de doses en ligne moyennant de renseigner certains paramètres, le stade phénologique, le lieu de l’exploitation (commune et département) et les caractéristiques du palissage (hauteur, épaisseur et largeur des inter-rangs). En un clic, Epicure affi che les niveaux de risques parasitaires pour les deux maladies (issues des données de modélisation locales) et calcule les préconisations de doses de fongici-des anti-mildiou et anti-oïdium. Ce service est accessible gratuitement. On ne peut que conseiller aux viticulteurs d’en profi ter car le contexte 2011 de faible pression mildiou et de forte pression oïdium se prête à la modulation des doses de fongicides.
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