optidose : « Ca Marche »

3 août 2011

Le sous-dosage des fongicides anti-mildiou et anti-oïdium peut-il être pratiqué sur l’ensemble de sa propriété sans mettre en péril le niveau de productivité des parcelles ? Cette question, Noël et Sébastien Courtin se la sont posée pendant plusieurs années en observant de près l’essai Optidose implanté chez eux. En 2008, ils ont franchi le pas et décidé de traiter tout leur vignoble avec la stratégie Optidose. Après quatre années de recul, leur témoignage cautionne le bien-fondé de cette démarche de sous-dosage raisonnée.

 

 

courtin.jpgNoël Courtin et son fils Sébastien portent une attention particulière à la qualité de la protection de leur vignoble situé à Saint-Preuil. Ces deux viticulteurs se présentent comme d’ardents défenseurs de la viticulture raisonnée qu’ils mettent en pratique sur une trentaine d’hectares. Cela fait une quinzaine d’années que N. Courtin a décidé de remettre en cause la stratégie de traitements d’assurance qui, malgré des résultats performants, ne lui donnait pas pleinement satisfaction :

« Je n’ai jamais été un promoteur du bio mais minimiser au maximum l’utilisation des fongicides m’a toujours intéressé. Pendant très longtemps, je faisais les deux ou trois premiers traitements avec des panneaux récupérateurs pour limiter les pertes de produits dans l’atmosphère. Raisonner l’intérêt d’un traitement m’a toujours intéressé et c’est donc presque naturellement que je me suis rapproché de la Chambre d’agriculture de la Charente pour participer aux groupes de lutte raisonnée. Les informations communiquées par les techniciens, les échanges avec les collègues viticulteurs, leurs témoignages du vécu de la protection se sont avérés très enrichissants. Disposer de conseils et de préconisations de lutte dissociés de l’argumentation commerciale des produits est à mon sens très important. Un technicien qui n’a pas la nécessité de vendre des calendriers de traitements me paraît être en mesure d’analyser l’intensité de la pression parasitaire de manière plus objective. »

Sagesse et technicité dans la mise en œuvre des traitements

La participation de ce viticulteur aux groupes de lutte raisonnée depuis la fin des années 90 l’a conduit à faire progressivement évoluer sa philosophie de travail pour décider de l’opportunité de réaliser les traitements sans prendre des risques inconsidérés. La démarche de suivi technique à la fois personnalisée et collective (sur le plan des sources d’informations et du partage des expériences avec d’autres viticulteurs) a permis à N. Courtin d’évaluer plus finement les niveaux de risques au sein du vignoble de Saint-Preuil. Le retour sur la propriété familiale de Sébastien, qui a suivi un cursus d’études supérieures en viticulture-œnologie, a permis de pousser encore plus loin les réflexions en matière de lutte raisonnée. Ils n’ont pourtant pas bousculé brutalement leurs habitudes de travail à partir du moment ou ils ont pris la décision de participer aux groupes de lutte raisonnée. Deux à trois campagnes leur ont été nécessaires pour se familiariser avec cette nouvelle méthode et s’y investir concrètement. N. Courtin, qui n’a jamais été un adepte du sur-traitement, ne cache pas que son objectif prioritaire n’est pas de rechercher systématiquement le coût minimum de protection mais d’assurer une bonne protection de son vignoble en faisant preuve de technicité et de sagesse dans la mise en œuvre des traitements.

Acquérir suffisamment de confiance pour ensuite s’investir  dans la lutte raisonnée

Cette volonté de limiter l’utilisation des intrants phytosanitaires n’a pas été seulement motivée par un intérêt économique mais aussi par un souhait véritable de respecter l’environnement. Depuis 25 ans, N. Courtin a fait évoluer les pratiques d’entretien du vignoble en essayant en permanence de concilier le respect « de la machine » aux réalités économiques. Par exemple, les utilisations d’herbicides ont été considérablement limitées en concentrant les applications uniquement au printemps, ce qui a conduit à diminuer de moitié les quantités de produits utilisés.

L’engagement dans une réflexion approfondie de lutte raisonnée s’est imposé progressivement dans l’esprit de N. Courtin : « Au début des années 2000, quand j’ai commencé à participer au groupe de lutte raisonnée, j’ai écouté avec intérêt tous les messages d’information mais je n’étais pas totalement convaincu. Ce sont les mises en commun des résultats de fin de campagnes des différents collègues qui ont été le véritable déclic. La comparaison des coûts de protection au niveau de réussite au vignoble est très enrichissante. Il ne faut pas nier que s’engager dans une démarche de lutte plus raisonnée induit une certaine prise de risque qu’il faut savoir gérer. Faire preuve de réactivité dans la mise en œuvre des traitements s’avère indispensable certaines années comme 2007 et 2008. La qualité de pulvérisation est aussi un élément à ne pas sous-estimer dans l’efficacité globale d’un traitement. Pendant longtemps, les traitements sur la propriété étaient effectués avec un pulvérisateur pneumatique équipé de deux mains et quatre canons, avec lequel une face de rang sur deux était traitée. Traiter toutes les faces de rangs est à mon avis un gage de qualité au niveau de la pulvérisation. Nous avons équipé notre pulvérisateur d’une rampe de pulvérisation face par face pour traiter deux rangs en un seul passage. C’est d’ailleurs en recherchant des éléments de rampes face par face que l’on a fait l’acquisition d’un deuxième pulvérisateur pneumatique d’occasion aux performances équivalentes. Depuis cinq ans, les 30 ha sont traités en face par face en une grande après-midi et en 2007 et 2008, cela s’est avéré déterminant pour pouvoir protéger le vignoble entre deux averses. Au niveau du mildiou, les programmes de traitements sont surtout construits avec des fongicides de contacts dont l’utilisation est propice à un raisonnement plus poussé. Par contre au niveau de la stratégie de lutte contre l’oïdium, l’encadrement de la période stade boutons floraux séparés à la fermeture de la grappe est effectué sérieusement car, sur la propriété, nous avons un îlot de vignes sensibles à cette maladie. »

Optidose généralisé sur 30 ha depuis 2008

Lors des réunions hebdomadaires du groupe de lutte raisonnée, les interrogations au niveau de l’adaptation des doses de produit au volume de végétation étaient abordées fréquemment à chaque début de cycle végétatif. Certains viticulteurs se demandaient même s’ils ne pouvaient pas aller plus loin dans la modulation des doses en cours de saison en fonction du niveau de risque parasitaire. Cette préoccupation a été à l’origine du développement du projet Optidose et au début des années 2000, l’IFV Charentes a souhaité mettre en place quelques essais de plein champ.

Une expérimentation Optidose en petites parcelles (traitées avec un pulvérisateur pneumatique à dos par l’IFV) a été implantée chez N. Courtin à partir de 2004 et pendant deux campagnes, le viticulteur a suivi de près l’essai : « Après deux années d’essais en petites parcelles, les résultats très concluants des réductions de dose nous ont conduits en 2006 à mettre en place la stratégie Optidose sur un hectare. Les traitements ont été réalisés avec le pulvérisateur de la propriété et l’encadrement technique des ingénieurs de l’IFV tout au long de la saison nous a beaucoup aidés à piloter les réductions de doses. Le bilan de cette première année d’essais en grande parcelle s’est révélé concluant et cela m’a incité à poursuivre l’expérience en 2007. Il s’est avéré que ce cycle végétatif très propice au mildiou nous a permis de tester la stratégie Optidose dans un contexte difficile. En fin de saison, le niveau de dégâts sur la parcelle Optidose était très faible et identique au reste du vignoble qui avait été traité normalement. Sur l’ensemble de la campagne, l’économie de fongicides anti-mildiou de l’ordre de 25 % avait tout de même permis de bien contrôler la maladie. Ce résultat probant m’a donné confiance dans la stratégie Optidose et en 2008, la démarche de réduction de dose a été généralisée à l’ensemble de la propriété. Cela a été un test majeur à grande échelle car le cycle végétatif 2008 a été un grand millésime à mildiou. En fin de saison, nous n’avons eu aucun mal à faire le rendement Cognac et globalement le vignoble était sain. Je ne cache pas que nous avions quelques taches sur les feuilles de sommet de végétation en fin de saison mais les grappes étaient saines. Dans ce contexte de forte pression, nous avons tout de même réussi à réduire les doses en début et fin de saison dans des proportions intéressantes. »

Des réductions de doses de 40 % en années de moyenne pression

Cela fait quatre campagnes que N. et S. Courtin pratiquent sur l’ensemble du vignoble des réductions de doses et ils affirment aujourd’hui avoir pleinement confiance « dans la stratégie Optidose » : « Le millésime 2008 a été pour nous une année charnière. La stratégie Optidose nous donne satisfaction mais nous estimons que sa mise en œuvre nécessite un encadrement technique sérieux. Les contacts et les échanges avec les ingénieurs de l’IFV et de la Chambre d’agriculture tout au long de la saison sont indispensables pour bien caler les dates et les doses de chaque traitement. Par ailleurs, disposer d’une pulvérisation efficace et d’une bonne réactivité pour intervenir dans les parcelles contribuent à optimiser la stratégie de sous-dosage. »

Dans le cadre d’années à pression moyennes de mildiou et d’oïdium comme 2009 et 2010, les réductions de doses de fongicides atteignent facilement 40 % sur l’ensemble de la campagne. Dans le contexte particulier de 2011, la protection mildiou en cette fin juin se situe à un niveau minimum jamais atteint : trois traitements à 40 à 50 % de la dose. Par contre, la protection contre l’oïdium n’a pas été relâchée compte tenu des niveaux de risque élevés (quatre traitements dont deux à pleine dose ont été réalisés).

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