Après l’échec de Cancun, un an pour rebondir

28 mars 2009

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Ambroise Augé, responsable des relations internationales au service juridique du BNIC.

Le programme de l’OMC, dit de « Doha », doit s’achever début 2005. Après l’échec de Cancún, les négociateurs européens ont consulté les représentants des filières avant de repartir à l’assaut des discussions.

Le 15 décembre dernier la Commission européenne s’est réunie pour redéfinir ses objectifs face à « l’échec » de Cancún. Car au Mexique, entre le 10 et le 14 septembre 2003, la grande machinerie de l’OMC s’est enrayée, montrant au monde entier son impuissance à trouver un compromis sur les deux volets qui arrivaient à la discussion lors de cette 5e conférence ministérielle de l’OMC : la facilitation des échanges et le volet agricole. Ce second volet surtout a mis en lumière l’opposition frontale entre pays riches et pays en voie de développement. Emmenés par le Brésil, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, 21 pays (sur les 121 que compte l’OMC) ont exigé en préalable à toutes négociations que les Américains, les Européens et les Japonais mettent fin à leurs « immenses subventions agricoles déstabilisant les agricultures du Sud ». Malgré une tentative de compromis de l’Europe, l’accord de principe n’a pas été trouvé, empêchant de ce fait l’ouverture des discussions proprement dite de l’OMC concernant l’abaissement des barrières tarifaires et non tarifaires en matière agricole. De même, le volet ADPIC (aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) prévoyait l’examen d’un système multilatéral d’enregistrement des I.G. (indications géographiques). Là non plus, le projet de texte n’a pas été examiné.

Lors de ces négociations avortées de Cancún, l’industrie des spiritueux a donc eu de quoi se sentir flouée à au moins deux titres. La question du démantèlement des entraves tarifaires et non tarifaires sur spiritueux n’a pas été abordée car elle faisait partie du « pack agricole ». En effet, si les spiritueux sont classés comme des produits industriels dans la nomenclature européenne, ils relèvent pourtant du dossier agricole en matière de négociations de l’OMC. Par ailleurs, le registre spécial de protection des vins et spiritueux – dans le cadre des I.G. – n’a pas franchi lui non plus la barre des discussions, emporté qu’il fut par la tourmente agricole. Consultés par la Commission européenne sur leurs attentes en vue de la reprise des négociations, les représentants de la filière, réunis en groupe d’expert de la CEPS (Confédération européenne des producteurs de spiritueux) ont souhaité rappeler leur engagement sur la voie du multilatéralisme, à la base même du « pacte » de l’OMC (en clair, une même règle s’appliquant à tous les Etats membres de l’OMC). « Nous sommes convaincus que les négociations multilatérales restent les plus appropriées pour faire évoluer le commerce dans le sens d’une facilitation des échanges. » Pour l’industrie des spiritueux, le problème réside moins dans les objectifs – « nous savons ce que nous voulons, moins de droits de douanes et moins d’entraves » – que sur le moyen d’y parvenir. Ainsi, les représentants du secteur prônent-ils, pour les prochaines discussions, « une flexibilité dans la forme et une formule peut-être moins ambitieuse ». En ce qui les concerne, la première traduction pourrait toucher le registre de protection des vins et spiritueux. Alors qu’à un certain moment, il avait pu être envisagé d’étendre ce registre de protection à d’autres I.G. que les vins et spiritueux, une formule de repli pourrait consister à se contenter des vins et spiritueux, dans un premier temps.

« se focaliser sur un objectif limité »

« En fonction du mandat très court qui reste à l’OMC, il faut peut-être se focaliser sur un objectif limité. » Ce qui n’empêche que l’extension reste un objectif à terme, notamment pour le BNIC dont les juristes considèrent « qu’il ne peut y avoir de protection efficace que dans le cadre d’une protection étendue ». « Nous avons été les premiers à le dire, il y a cinq ans » souligne Ambroise Augé, responsable des relations internationales au service juridique de l’interprofession. C’est ainsi que le BNIC soutient l’action d’autres interprofessions ou industries qui entament un travail de lobbying pour obtenir une meilleure défense des I.G., entendu dans un sens large (produits laitiers, produits carnés, huiles d’olive, thés…). Leur grande idée consiste à rallier dans leur camp les pays en voie de développement, ceux-là mêmes qui ont fait capoter la conférence ministérielle de Cancún. Réunis sous l’ombrelle « Origin », ces propagandistes des I.G. parient sur la relation humaine. Lors d’un colloque « Origin » qui s’est tenu récemment à Alicante en Espagne, ils ont proposé de créer des jumelages entre deux produits, l’un provenant d’un pays développé, l’autre d’un pays en voie de développement : jambon de Parme et riz Basmati, pruneau d’Agen et café Antigua… « Un peu comme pour le débat sur la durabilité agricole, il s’agit d’une nouvelle approche à l’échelle mondiale » soutient Anne Richard, de la Confédération nationale des industries laitières. D’ailleurs, dit-elle, « le calendrier de l’OMC a changé. Le “pas de temps” des négociations sera beaucoup plus long. » Ceci étant, les Etats-Unis ne désarment pas à l’égard des I.G., toujours suspectes à leurs yeux de faire le jeu des Européens. Le gouvernement américain a lancé un panel à l’OMC – un contentieux – sous prétexte que l’an dernier, l’Union européenne avait ouvert la protection des I.G. aux pays tiers, à condition d’obtenir de leur part la réciprocité. Pour les Américains, ce type de restriction n’est pas conforme aux principes de l’OMC dans la mesure où une disposition accordée à un pays doit s’appliquer à tous, selon le principe de la non-discrimination. A la limite, ce principe, s’il était reconnu, arrangerait presque les tenants des I.G., sauf à butter sur un problème de coût.

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