Note Nationale Botrytis de la vigne 2010

12 février 2010

DéVELOPPEMENT DE LA POURRITURE GRISE ET SCHéMA GLOBAL DE PROTECTION

La pourriture grise est causée par un champignon, Botrytis cinerea, qui a la caractéristique d’être extrêmement polyphage (on le retrouve sur environ 200 plantes cultivées ou sauvages). Il est capable de se développer aussi bien en saprophyte sur des débris végétaux, qu’en parasite aux dépens d’une plante vivante.

Sur la vigne, tous les organes verts peuvent être attaqués (inflorescences, feuilles, rafles). Néanmoins, c’est au niveau des baies que les attaques sont les plus dommageables. Elles provoquent des pertes quantitatives et qualitatives et rendent difficile la conduite des vinifications. Les grappes peuvent être contaminées par le champignon à plusieurs périodes et selon différentes modalités :

* A la floraison, le champignon peut se maintenir et se développer à la base de l’ovaire, à la limite du réceptacle de la fleur. Il est également capable de se développer sur les capuchons floraux sénescents et représente ainsi une source majeure d’inoculum à ce stade. Les baies ne sont en général plus réceptives jusqu’à la véraison, sauf en présence de blessures concomitantes à une période pluvieuse.

* A partir de la véraison, la contamination peut s’effectuer soit par des conidies au niveau de blessures ou micro-blessures (tordeuses de la grappe, intempéries, zone péristomatique…) soit par du mycélium installé sur des débris végétaux présents au niveau des grappes.

La maladie s’exprime essentiellement à partir de la véraison et son développement s’effectue par création de nouveaux foyers puis par extension de foyers existants (contaminations de baies de proche en proche). A ce stade et jusqu’à la récolte, le développement de la maladie est fortement conditionné par la météorologie, notamment les précipitations, surtout à l’approche de la maturité des baies.

Par ailleurs, pour un scénario météorologique donné, l’expression de la maladie est très fortement influencée par les facteurs de situation tels que le type de sol, de sous-sol, la topographie, le matériel végétal (cépage, clone, porte-greffe), et les pratiques culturales telles que la fertilisation azotée, le mode d’entretien des sols, la conduite de la vigne (palissage, écimage, ébourgeonnage, effeuillage…).

Compte tenu de la précocité potentielle des contaminations, du fort impact des conditions météorologiques de fin de saison et de l’absence de modèle de prévision opérationnel, la stratégie de protection ne peut être que préventive. Elle comporte deux volets :

* La mise en œuvre de mesures culturales destinées à diminuer la sensibilité parcellaire à la pourriture grise. Elles ont pour principaux objectifs de réduire la vigueur des ceps, favoriser l’aération de la végétation et limiter les blessures (quelle que soit leur origine) occasionnées aux baies.

* Une stratégie de protection chimique. Compte tenu de l’extrême variabilité des symptômes entre années et entre parcelles et des risques de résistance et de résidus, le nombre de traitements doit être raisonné en fonction de la sensibilité parcellaire et du risque acceptable pour le viticulteur.

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UN PRéALABLE INDISPENSABLE : LA PROPHYLAXIE

La prophylaxie doit s’appliquer, quel que soit le risque parcellaire. Elle peut suffire en cas de risque faible. Les mesures prophylactiques visent à :

* Limiter la vigueur de la vigne par un raisonnement, dès la mise en place de la vigne, du choix d’un porte-greffe adapté et éventuellement du cépage et du clone. Sur une vigne en production, la vigueur peut se maîtriser par la diminution des apports (notamment azotés) et par l’enherbement permanent (spontané ou maîtrisé) : en fonction des possibilités techniques et de la diminution de vigueur recherchée, la largeur de la bande enherbée pourra être modulée.

* Bien aérer les grappes par une taille et un mode de palissage qui assurent une répartition homogène des grappes. L’ébourgeonnage, le rognage, l’effeuillage, et éventuellement l’éclaircissage permettent d’éviter l’entassement de la végétation.

* Limiter les blessures des baies par une maîtrise correcte des vers de la grappe et de l’oïdium lors de fortes pressions afin de diminuer les portes d’entrée du champignon dans les baies.

* Mais aussi, limiter les blessures engendrées lors des opérations d’effeuillage en effectuant les réglages adéquats du matériel utilisé.

LA LUTTE CHIMIQUE : UNIQUEMENT EN SITUATION à RISQUE MOYEN à FORT

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* Des stratégies à une ou deux interventions sont recommandées dans les situations sensibles. Le recours à une stratégie à trois interventions n’est pas justifiée, d’une part à cause d’un gain d’efficacité limité par rapport aux stratégies à 2 traitements et d’autre part pour une meilleure gestion des risques de résistance.

* Une intervention unique est la plupart du temps suffisante pour contenir la maladie à un niveau acceptable. Cette stratégie à une seule application implique un positionnement à la floraison (traitement A) ou durant la fermeture de la grappe (traitement B) principalement sur les vignobles septentrionaux et de la façade atlantique, habituellement plus sensibles à la pourriture grise. Pour les vignobles méridionaux moins sensibles, ce positionnement a lieu généralement en début de véraison (traitement C) ou plus rarement 2 à 3 semaines avant récolte (traitement D), lors de conditions propices à la maladie et en veillant aux délais d’emploi avant récolte.

* Les stratégies à deux applications sont à réserver aux situations les plus sensibles notamment sur les vignobles septentrionaux, le plus souvent avec des traitements A et B ou C et D.

* Afin de garantir la meilleure efficacité possible des stratégies de protection, il est indispensable de bien soigner la pulvérisation en ciblant la zone des grappes avec un matériel adapté et bien réglé ainsi que de veiller au respect des bonnes conditions de pulvérisation. Le respect des stades d’application permet de limiter les risques de résidus dans les vins.

GESTION DE LA RESISTANCE AUX ANTI-BOTRYTIS

Les suivis effectués sur l’ensemble des vignobles français montrent que cinq familles chimiques sont concernées par la résistance spécifique (résistance à une seule famille chimique). Une progression de la résistance au fenhexamid avait été constatée en 2008 dans de nombreux vignobles sans que l’efficacité n’en soit à priori affectée.

La résistance multiple (MultiDrug Resistance ou MDR), décelée dans de nombreux vignobles, demeure très fortement implantée en Champagne. Elle résulte d’une excrétion cellulaire accrue de fongicides appartenant à plusieurs familles chimiques et non d’une mutation spécifique du gène codant pour la cible du fongicide. Toutefois, comme les facteurs de résistance de souches de type MDR sont faibles, les baisses d’efficacité de la protection chimique semblent limitées en pratique.

Jusqu’à présent, les recommandations d’emploi des fongicides anti-botrytis, basées sur la limitation d’utilisation de chaque famille chimique ont fait leurs preuves. Quelle que soit la stratégie, l’emploi d’un seul produit par famille chimique et par an est impératif. De plus, l’alternance pluriannuelle pour toute famille chimique est fortement recommandée pour les substances actives concernées par la résistance spécifique. Cette mesure s’impose tout particulièrement en cas d’intervention unique.

LUTTE BIOLOGIQUE

Toujours en complément des mesures prophylactiques mais avec une efficacité variable et limitée, il est possible d’utiliser une spécialité à base de Bacillus subtilis notamment en agriculture biologique ainsi qu’en complément de la lutte chimique. Cette spécialité n’est actuellement pas touchée par les phénomènes de résistance.

Cette note a été rédigée par un groupe de travail réunissant des représentants de la Direction Générale de l’Alimentation – Sous-Direction de la Qualité et de la Protection des Végétaux (DGAl-SDQPV), de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA), de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), du Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC), de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) et des Chambres d’Agriculture.

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