Marché chinois : Le cognac passe à table

8 janvier 2013

La moitié du Cognac consommé en Chine l’est dans les restaurants. C’est l’une des grandes victoires du Cognac que d’avoir su s’associer au mode de consommation des alcools locaux, bus à 80 % au cours des repas. Plongée dans l’univers de la consommation chinoise avec deux commerciaux de Martell, Damien Batteux et François Plantecoste.

 

 

Ancien de la Sopexa (groupe marketing agro-alimentaire lié à l’Etat), Damien Batteux a intégré le groupe Pernod-Ricard en 2008. Il est directeur régional Asie. François Plantecoste occupe, lui, un poste de directeur commercial. Tous les deux travaillent pour la marque de Cognac. Dans un exercice de duettiste bien rodé, ils ont animé l’atelier consacré au marché chinois au cours de la journée UVPC.

« On a un peu l’impression que le Chinois passe tout son temps au restaurant, à midi, le soir et même le matin » s’amuse Damien Batteux. En Chine, on invite peu chez soi mais beaucoup au restaurant. Autour de dizaines de plats – la cuisine chinoise est d’une richesse inouïe – la table représente un fort moment de convivialité. On y convie sa famille, on y entretient ses réseaux. Le Cognac a toute sa place dans cet univers. Il accompagne l’intégralité du repas, du début à la fin, de la même manière que les alcools locaux, Baijiu en tête. Mais n’allez pas croire qu’il s’agit d’une génération spontanée. C’est le fruit d’un long travail d’installation, perpétré depuis vingt ou trente ans par les maisons de Cognac. « Même si les gens ont un peu moins d’argent et donc un peu moins envie de faire la fête, ils prendront toujours leurs repas » se réjouissent les Cognaçais.

Alcool importé, le Cognac « donne de la face » auprès des amis et des collègues. Il est un peu « show off ». « Très aspirationnel, il fait briller les yeux » résument les commerciaux. Mais ce n’est pas son seul ressort. Si le Chinois consomme pour impressionner, il consomme aussi pour se faire plaisir. Education aidant, ce levier devient de plus en plus important. Même les femmes s’y mettent.

Au cours du repas, le Cognac se boit sur glace ou allongé d’un peu d’eau. Et les occasions ne manquent pas de porter un toast. Certes, les autorités chinoises prennent de plus en plus en considération le risque lié à l’alcool. Elles prônent une consommation responsable. Mais la société demeure encore permissive. Pas de tentations prohibitionnistes ni de vocation à l’abstinence. « Je ne veux pas dire que le Chinois boit à outrance, s’avance prudemment l’un des deux cadres, mais l’effet alcool est vraiment recherché. C’est un moyen de casser la glace entre deux personnes. »

Si la moitié du Cognac bu en Chine l’est dans les restaurants, cela ne signifie pas que toutes les bouteilles soient achetées sur place. Loin de là. Quand les gens se rendent au restaurant, ils apportent généralement leurs bouteilles avec eux, après un détour à la boutique du coin. Non seulement c’est admis mais ils ne paient pas de droit de bouchon.

KTV, le karaoké chinois

p11b.jpgA côté du restaurant, l’autre grand lieu de consommation est le bar, la discothèque et bien entendu le fameux karaoké chinois, le KTV. C’est l’after-work favori des autochtones, dans les villes s’entend. Les marques adorent ces endroits. Non seulement ils leur permettent de recruter des consommateurs plus jeunes ; mais aussi, par leurs dimensions exceptionnelles, ils leur offrent l’opportunité de mettre en avant les marques. « Il s’agit de fantastiques outils merchandising » confirment D. Batteux et F. Plantecoste. Il n’est pas rare que ces établissements disposent de 100, 150 ou 200 salons privés. On s’y retrouve entre amis, collègues, autorités locales… à Shanghai, indiquent les commerciaux de Martell, un KTV écoule plus de 10 000 bouteilles de Cordon bleu par mois ainsi que 10 000 bouteilles de Noblige. » Il faut dire qu’il possède 180 salles, dans l’une des mégalopoles chinoises les plus dynamiques.

Environ 30 % du Cognac vendu en Chine l’est dans le monde de la nuit. Dans cet univers, la souplesse de consommation est la règle. Le Cognac se boit de toutes les manières possible, allongé, sur glace, avec des jus de fruit, du thé vert ou même l’équivalent chinois d’une célèbre boisson énergisante.

Le Cognac en Chine – « Des fondamentaux solides »
Avec une population d’1,3 milliard d’habitants, la Chine affiche une « socio-démographie » exceptionnelle. Surtout si on la croise à sa montée en puissance économique et son optimiste viscéral.
En 2010, on estimait que 150 millions de consommateurs chinois pouvaient acheter une bouteille de VSOP. Ce chiffre atteindrait 300 millions en 2015 et 400 millions en 2020. De 9,2 % en 2011, le taux de croissance est donné aux alentours de 9 % dans les années à venir. C’est sur de tels indicateurs que se nourrit l’optimisme des maisons de commerce. « Clairement, le marché chinois est, de très loin, le marché sur lequel nous investissons le plus » confirmait Philippe Guettat, P-DG de Martell Mumm Perrier-Jouet, lors de la réunion de l’UVPC.
Autre chiffre régulièrement évoqué pour prouver la solidité des « fondamentaux » du Cognac en Chine : la toute petite part occupée par les alcools importés, comparée à l’écrasante domination des alcools locaux. Les alcools importés (y compris le Champagne) ne représentent pas plus de 2 % des volumes (6 % en valeur). En nombre de caisses, cela donne 5,6 millions de caisses contre 1,2 milliard de caisses de Baijiu et autre Maotai. Et attention à ne pas réduire la grande catégorie des Baijiu est un maestrom de produit bas de gamme. Si le gros des bouteilles se vend 3 €, certaines qualités peuvent atteindre des prix extravagants : 10 000 € la bouteille.
Vitesse V
La progression des alcools importés s’est faite à vitesse V : 500 000 caisses en 2010, plus de 5 millions aujourd’hui. Qui dit mieux en terme de coefficient multiplicateur ! Dans ce concert, la catégorie Cognac apparaît comme la plus dynamique : taux de progression d’environ 20 % l’an depuis 2005. La catégorie des Whisky ne connaît pas la même accélération. Elle n’a pas pris le virage de la consommation au cours des repas et semble moins « aspirationnel », moins désirable que le Cognac. Aux yeux des Chinois, le Cognac symbolise une sorte de « luxe à la française » associé au phénomène des marques.
La stratégie des grands groupes se fonde aussi beaucoup sur l’urbanisation chinoise, véritable accélérateur du consumérisme ambiant. Il y a peu encore, la population urbaine en Chine peinait à dépasser les 20 %. Phénomène de société : en 2012, elle a franchi la barre des 50 %, se rapprochant des « standards internationaux » (80 % de population urbaine en France). Des mégalopoles se développent à la vitesse de l’éclair, comme Shanghai, Canton, Pékin… Surprise des Français en Chine, dans les grandes villes, le chantier est permanent. Quelle que soit l’heure de la nuit, les ouvriers travaillent. La croissance chinoise ne se nourrit pas que de l’air du temps.
En septembre dernier, les « contrats livre d’or Martell » (5 livreurs à ce jour) ont passé 8 jours pleins en Chine, à l’invitation de la marque. Ils ont touché du doigt « une frénésie de consommation, une dynamique énorme ». Jean-Marc Morel a signalé qu’il ne semblait pas inenvisageable à la maison d’organiser un second voyage en Chine pour les futurs contrats livre d’or. « La balle est dans votre camp ! » a-t-il lancé.

 

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