Maison Hennessy : Département des Eaux-de-vie « Une direction tricéphale »

7 octobre 2011

A 64 ans, Yann Fillioux, maître de chai « historique » de la maison de Cognac, prend du recul. Il devient conseiller du président, tout en gardant des fonctions opérationnelles importantes. Le département Eaux-de-vie est scindé en trois directions. Florent Morillon et Olivier Paultes rejoignent la société.

p6.jpgTout ce qui intéresse Hennessy intéresse la région de Cognac. On ne représente pas impunément 40 à 50 % des ventes sans peser de tout son poids sur la filière. Quand Hennessy tousse, le Cognac s’enrhume et inversement. Depuis des décennies, la région profite de l’exceptionnelle faculté d’entraînement de la maison. Autant de préambules pour dire que les changements au sein du département Eaux-de-vie de la société Hennessy ne sont pas anodins et ne laisse personne indifférent dans la région délimitée. Un communiqué de presse, émanant de la maison, daté du 13 septembre 2011 à 18 heures, a servi de déclencheur. Mais, depuis longtemps, les rumeurs allaient bon train et avaient précédé l’annonce officielle. Le nom d’Olivier Paultes ne faisait guère de doute, pas plus que celui de Florent Morillon, même si tous les deux se retranchaient derrière un devoir de réserve, à la demande de la maison.

Un luxe de précaution

Car l’affaire fut orchestrée avec un luxe de précaution, à la hauteur des enjeux : enjeux d’image, enjeux relationnels, enjeux organisationnels et donc, au bout du compte, enjeux économiques et financiers. Car, dans une maison de Cognac, qui y a-t-il de plus emblématique que le maître de chai. C’est le pivot, le garant de l’ADN de la société. Depuis près de trois décennies, Yann Fillioux jouait ce rôle, lui qui concentrait entre ses mains les missions d’achats, de sélection, d’assemblage des eaux-de-vie, sans parler du rôle d’ambassadeur de la marque qu’un maître de chai exerce quasi naturellement.

Le nouvel organigramme conserve à Yann Fillioux des fonctions de premier plan. Il « monte d’un étage » et devient conseiller du président, autrement dit de Bernard Peillon. Il continue à présider le Comité de dégustation et apportera sa contribution « à la gestion stratégique des eaux-de-vie ». « Yann reste le garant de la qualité Hennessy » dit-on rue Richonne. Dans un autre domaine (pas si éloigné), Yann Fillioux demeure le représentant d’Hennessy au BNIC. Sachant qu’à l’interprofession la limite d’âge est fixée à 65 ans – et que Yann Fillioux atteindra cet âge en début d’année prochaine – la décision devait être prise sans tarder pour que l’actuel chef de famille du négoce puisse exercer au BNIC un nouveau et dernier mandat d’au maximum trois ans.

Une lignée de maîtres de chais

p6bis.jpgSeptième représentant d’une exceptionnelle lignée de maîtres de chais – Yann Fillioux a pris le relais de son oncle Maurice, lui-même successeur d’Emile Fillioux – Y. Filloux a incarné au cours de ces années un esprit « 1 000 % Hennessy, 1 000 % grandes maisons. » Verbatim – « Une maison de Cognac se doit d’être forte. Pour faire très bon, il faut en avoir les moyens. Hennessy a les moyens de ses ambitions. » – « Les qualités d’un bon dégustateur ? Aimer déguster, disposer d’un don correct et savoir de quoi l’on parle, c’est-à-dire connaître la région et ses viticulteurs. » En terme de qualité, Yann Fillioux s’est toujours fait le chantre de la légèreté et de l’élégance des eaux-de-vie.

 

Fidélité à une maison

p7bis.jpgDans son domaine, celui des Cognacs, Olivier Paultes est également « une pointure ». Fils et petit-fils de maîtres de chai cognaçais, O. Paultes a « gagné ses galons » chez Frapin (Domaine de Fontpinot, 216 ha en Grande Champagne), maison où il a accompli toute sa carrière, soit sans doute pas loin d’un quart de siècle. Bien qu’encore jeune, la petite cinquantaine (on lui donne aisément dix ans de moins), Olivier Paultes fait partie des fidèles, à une maison, à un vignoble, à un stock. Une qualité qui accorde encore plus de prix à son ralliement à Hennessy. Pour parler « cash », il s’agit d’une « prise » que nombre de maisons doivent envier au leader du marché. Car, outre sa connaissance et sa maîtrise des arcanes du métier d’assembleur, Olivier Paultes est une « star » dans sa catégorie. En 2008, le très respecté International Spirits Challenge lui décerna à Londres le titre de « Suprem Champion » – champion toute catégorie – pour la création d’un Cognac mutimillésimes. Ce prix, il l’emporta devant toutes les eaux-de-vie du monde, Vodkas et surtout Whiskies, Pure Malts… Une formidable reconnaissance de la profession et surtout un « booster » d’image incroyable. Ce succès n’a pas transformé O. Paultes. Ses proches parlent de « quelqu’un de simple, modeste, la tête sur les épaules ». Dans le nouvel organigramme d’Hennessy, il hérite de la direction « des Distilleries & de la Communication Savoir-Faire Eaux-de-vie », un titre alambiqué pour dire qu’il s’occupera des Cognacs, sans doute de leur élaboration et sera le porte-parole d’Hennessy sur les marchés. En toute logique, il rejoint le Comité dégustation.

 

Un homme en mouvement

p7.jpgHomme-orchestre Florent Morillon ! En tout cas quelqu’un qui n’a cessé d’aller de l’avant. Sa carrière, il l’a bâtie comme un Bonaparte en campagne, sans répit et avec audace. Tour à tour à l’ONIVINS, en poste à Bruxelles, chargé de mission auprès du ministère de l’Agriculture pour la mise en place du Plan Zonta (après Danièle Le Gall), chargé de la PAC à la DDAF, directeur de la Chambre d’agriculture de la Charente à partir de novembre 2007 et aujourd’hui chez Hennessy. De ces expériences multiples, Florent Morillon en a forcément retiré plasticité, expertise et facilité de dialogue avec un kaléidoscope de milieux : Administration, ministères, politiques, professionnels. Ce capital relationnel représente sans doute le point fort de Florent Morillon, ce qu’Hennessy est venu chercher auprès de lui. A l’ancien directeur de la Chambre d’agriculture, Hennessy a confié la direction Amont, en charge des relations avec le monde viticole.

La troisième direction – puisqu’il y en a trois – revient à Alain Deret. Il s’agit de la direction Administration & Production Eaux-de-vie. Entré chez Hennessy en 1980, A. Deret a acquis une solide expérience de 30 ans sur les aspects de production, d’organisation, d’administration d’un des secteurs clés de la maison.

Les hommes en place, en prise directe avec la viticulture, restent à leurs postes, Yves Tricoire, Renaud de Gironde, Jean-Pierre Vidal…

Il est dit que les trois directeurs « reporteront » directement à Bernard Peillon. Le terme « reporter » est tiré de « reporting » anglicisme signifiant « rendre compte ». Manifestement la maison de Cognac a l’intention de gérer au plus près – et au plus haut niveau de la hiérarchie interne – les aspects d’approvisionnement. Rien d’étonnant à cela. Quand on évoque, chez Hennessy, la possibilité de multiplier par deux les ventes – pour atteindre les 10 millions de caisses – l’approvisionnement devient un paramètre ultra-stratégique. D’autant qu’Hennessy n’est pas la seule société de Cognac sur les rangs. Dans une région où, comme partout, les exploitations viticoles ont tendance à grossir et donc à voir diminuer le nombre d’interlocuteurs, la maîtrise de la matière première devient une composante essentielle. Elle s’ajoute à la concurrence sur les marchés qui, paradoxalement, serait presque moins vive puisque davantage inter-produits. Elle s’exerce non tant à l’intérieur de la catégorie qu’avec les autres produits.

 

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