L’exercice 2006-2007 du groupe Syntéane atteste de la bonne santé économique de ce groupe coopératif. Les efforts de gestion engagés depuis quelques années et le retour d’une conjoncture plus porteuse au niveau des céréales et de la vigne permettent à l’entreprise d’aborder l’avenir avec sérénité. La montée en puissance de l’activité de l’Union Charentes Alliance, la bonne gestion des diverses filiales (Syntonie Distribution, Sphère Production et Unicognac) et le dynamisme de la coopérative mère sont l’aboutissement d’un projet et d’une stratégie d’entreprise définie depuis maintenant plusieurs années. Lors de l’assemblée générale qui s’est tenue fin décembre, Michel Grenot, le président de la coopérative, affichait à la fois une grande satisfaction et aussi une véritable émotion. En effet, il a annoncé que son plus proche collaborateur depuis de nombreuses années, M. Alain Cardinaud, le directeur général, a décidé de mettre fin à sa carrière professionnelle. La phase de redressement de l’activité étant maintenant terminée, A. Cardinaud a souhaité envisager son avenir personnel différemment sans pour autant totalement abandonner un univers auquel il reste profondément attaché.
Le groupe Syntéane vient de connaître un exercice faste (exercice clos au 30 juin 2007) puisque le chiffre d’affaires enregistre une progression de 5,8 % (115,9 M€) et un résultat net de 2,6 M€. L’entreprise a connu au début des années 2000 une phase de croissance qui a fragilisé son équilibre économique. La fusion entre les coopératives Syntonie et Océane a été « digérée » avec difficulté, d’autant que la conjoncture régionale était à l’époque défavorable (un marché des céréales déprimé et une forte décapitalisation dans le vignoble de Cognac). Après deux premiers exercices difficiles, la toute jeune coopérative Syntéane avait l’obligation de stabiliser son assise financière. C’est dans un contexte préoccupant que le conseil d’administration avait fixé en 2002 à l’équipe animée par Alain Cardinaud, le directeur général, des objectifs de retour à plus de réalisme économique : « Réorganiser le groupe pour consolider sa structure financière et permettre de rémunérer équitablement les producteurs. » La rationalisation de l’outil technologique de l’entreprise et la volonté de se recentrer sur les activités essentielles ont constitué les deux axes majeurs de la restructuration. Les activités meunerie et machinisme agricole (Guillot) ont été cédées et des ventes d’actifs immobiliers ont été effectuées. Quatre ans plus tard, Syntéane a retrouvé une stabilité économique et peut s’engager dans une phase de développement en s’appuyant sur une assise financière solide. L’endettement est passé de 47 millions d’€ en 2003 à 15 millions d’€ au 30 juin dernier. Les créances adhérents ont également été fortement diminuées et les délais moyens de règlements sont passés de 113 jours en 2005 à 90 jours en 2007. Les capitaux propres et le fonds de roulement se sont aussi considérablement améliorés, et la bonne santé du groupe traduit aussi celle de la coopérative mère.
Une petite collecte 2006 bien valorisée par un retour à des cours porteurs
La coopérative Syntéane a aussi réalisé un très bon exercice en dégageant un résultat représentant 2,4 % du chiffre d’affaires après la redistribution de 6 millions d’euros de compléments de prix sur les céréales et les oléagineux et d’un intéressement de 0,4 million d’euros au personnel. Pourtant, le dernier exercice n’avait pas commencé sous les meilleurs auspices pour les productions végétales. La collecte 2006 de céréales et d’oléagineux a été faible en raison de rendements moyens en blé, d’un recul des emblavements de maïs et de productions de tournesol très moyennes. En début de campagne, les cours du blé étaient proches du prix d’intervention et ensuite brusquement la conjoncture s’est complètement inversée. L’effet faible récolte en France puis en Europe a créé une première vague de hausses. Par la suite, la faiblesse des stocks à l’échelle mondiale a accentué le phénomène de hausse qui, dans la deuxième partie de la campagne, a été modéré par la perspective d’une récolte 2007 meilleure.
Le marché du maïs, parti lui aussi de cours très bas, a été dans un premier temps normalement approvisionné mais la hausse de consommation aux Etats-Unis liée à la fabrication de l’éthanol a enclenché une remontée des cours en fin de campagne. Au niveau du colza, la filière biocarburant et la perspective d’une récolte 2007 très moyenne ont créé des conditions de marché tendues en fin d’exercice. Du côté des tournesols, les cours sont restés inférieurs à ceux du colza et ce n’est qu’au moment de la récolte 2007 que la conjoncture s’est littéralement renversée. Le retour progressif à de meilleures conditions de commercialisation sur le blé et le maïs a permis d’assurer une bonne revalorisation pour les agriculteurs.
Les mouvements spéculatifs concernent maintenant le blé, le maïs et le colza
Le redressement du marché oblige les responsables de la coopérative à faire preuve d’un grand professionnalisme dans la commercialisation des céréales. A. Cardinaud estime que désormais les évolutions de cours à la hausse et à la baisse sont rapides. La commercialisation des céréales nécessite une observation permanente des marchés et des compétences pour essayer de tirer le meilleur profit de chaque conjoncture. Les propos du directeur général attestent de la volonté de la coopérative de privilégier le revenu des agriculteurs dans les approches de commercialisation :
« La volatilité des cours s’est amplifiée et des entreprises comme les nôtres ont dû s’adapter à ce nouveau contexte. Il y a 5 ans, une variation de cours de 10 €/t au cours d’un mois était considérée comme une tendance de marché rapide et significative. Aujourd’hui, les cours du blé ou du maïs prennent ou perdent 10 €/jour. Cela amène une coopérative comme la nôtre à gérer les ventes de céréales d’une manière totalement différente. On a de plus en plus recours à des arbitrages sur le marché à terme (le MATIF) dont la gestion nécessite une grande vigilance et un véritable professionnalisme. Il faut faire preuve de compétence pour discerner les phases de réaction du marché liées d’une part aux seules lois de l’offre et de la demande de celles des mouvements spéculatifs. En effet, les mouvements spéculatifs initiés par les fonds de pension qui concernaient en 2002 uniquement des matières premières comme le pétrole, le cuivre…, touchent maintenant le blé, le maïs, le soja et le colza. Le Matif du blé en Europe représente un tel volume qu’il est accessible aux spéculateurs. Sur le maïs c’est plus délicat à réaliser en Europe alors qu’à la bourse de Chicago, les spéculations financières sur le maïs sont devenues fréquentes. Notre objectif en tant que coopérative n’est pas de spéculer mais de minimiser les risques en arbitrant au mieux. Il faut rechercher un équilibre permanent entre des ventes fermes et du libre. Notre objectif est d’assurer le revenu des adhérents et nous estimons que dans ce contexte de forte volatilité des cours, le système d’acomptes associé ensuite à des compléments de prix sont des alternatives compétitives. Depuis trois ans, certains adhérents ont décidé d’augmenter la part de céréales qu’ils commercialisent librement. Les prix de marché, c’est un métier et ce n’est pas à tous les coups gagnant. La coopérative s’appuie pour la commercialisation sur l’union Charente Alliance qui a mis en place une structure d’observation permanente des marchés. Dominique Pertriaux en était le responsable et depuis son récent départ à la retraite, c’est Xavier Charbonneau qui gère les mises en marché. »
Un net développement des ventes de produits phytosanitaires « tiré » par la vigne
Au cours de l’exercice 2006-2007, les assolements ont connu une certaine évolution avec une croissance du colza de 35 % (en raison des faibles rendements 2006 et de conditions de semis propices), un léger recul du blé tendre (- 4 %) compensé par une nette extension du blé dur (+ 68 %). Les orges brassicoles de printemps régressent de 29 % (en raison des petits rendements et de taux de calibrage faibles) au profit des orges brassicoles d’hiver plus régulières sur le plan de la productivité. Les surfaces en tournesol baissent de 14 % (déception des rendements 2006) et c’est principalement le colza qui a profité de cette situation. Enfin, le maïs qui enregistrait une baisse constante depuis plusieurs années enregistrent une augmentation de surface d’environ 5 %. Le secteur d’activité des agrofournitures bénéficie de ces évolutions d’assolement car l’investissement appros dans 1 ha de colza est supérieur à celui des tournesols. Les utilisations de fongicides sur céréales et colza ont connu une progression liée à des stocks faibles en morte-saison. Par contre, le mois d’avril 2007 très sec a conduit un certain nombre de céréaliers à ne pas appliquer ces produits, ce qui s’est parfois fait sentir sur les rendements à la récolte. Les insecticides n’ont pas fait l’objet d’utilisations plus abondantes car les pucerons ont été plus rares au printemps. Les attaques de sésamies sur maïs lié au printemps 2006 chaud et sec ont nécessité un traitement en août dans les parcelles de pop-corn pour limiter la présence de fumonisines. Les ventes de produits phytosanitaires progressent globalement de 13 % avec une nette expansion en vigne (+ 22 %) qui est à relier à deux campagnes de forte pression parasitaire, l’oïdium en 2006 et le mildiou en 2007. La dynamique d’investissements dans le secteur vigne se ressent au niveau de tous les équipements de palissage qui se développent. Le renchérissement du prix de l’acier (pour les fils et les piquets) a été répercuté par l’ensemble des fournisseurs.
Un marché des engrais inflationniste et tendu
Les ventes d’engrais qui avaient régulièrement régressé depuis plusieurs années se sont stabilisées, mais l’augmentation des prix de ces matières est une réalité depuis maintenant un an. Dans un premier temps, la forte hausse du prix des engrais a surpris beaucoup de distributeurs mais, maintenant, les disponibilités volumiques représentent un nouveau problème. A. Cardinaud considère que divers facteurs expliquent cette situation inédite : « Depuis quinze ans, on a assisté à une diminution régulière et assez importante des apports de fumure de fond. La généralisation des analyses de sols avait permis de raisonner les apports d’acide phosphorique et de potasse en collant réellement aux besoins des cultures. Depuis 2007, on constate un retour vers plus de productivité qui se traduit par une augmentation des fumures de fond. Aussi, les engrais qui sont des matières très banales sont devenus depuis un an des produits chers et rares. La forte demande des pays émergents associée à des commandes en hausse des pays européens habituellement consommateurs ont peut-être incité les fournisseurs à gérer la pénurie. Les producteurs d’engrais ont la totale maîtrise des disponibilités et en créant une situation tendue d’approvisionnement, les cours se maintiennent à la hausse. Les distributeurs qui ont des capacités de stockage ont donc anticipé leurs achats de fumure de fond par crainte de ne pas avoir au bon moment ces produits. »
Des réflexions en cours sur le devenir de l’Union Charente Alliance
Le groupe et la coopérative Syntéane vont être dirigés à partir du début du mois de mars par M. Thierry Lafaye qui a occupé des postes de responsabilité à la société Pioners et actuellement au sein de la division agricole du groupe Balthazard & Cotte. A. Cardinaud a quitté ses fonctions fin décembre après un cursus assez exceptionnel au sein de l’entreprise. Après avoir travaillé pendant plusieurs années au Crédit Agricole de Charente-Maritime, il a été recruté en tant que directeur adjoint de la CAD à Rochefort en 1980. Ensuite, il a été un des acteurs majeurs des différentes fusions qui ont conduit à la constitution de la coopérative Syntéane.
Bien qu’ayant fait valoir ses droits à la retraite, le conseil d’administration lui a confié plusieurs missions (non salariées), l’une au sein de l’union Charente Alliance et l’autre à Unicognac. Le pacte de convergence de Charente Alliance qui a été signé en février 2007 entre les deux coopératives Syntéane et la CAC a pour objectif d’entamer une collaboration profonde dans plusieurs secteurs d’activités, la gestion des agrofournitures, la commercialisation des céréales, l’harmonisation des outils informatiques et de certains aspects logistiques (transports). Les dirigeants et les conseils d’administration des deux entreprises se sont fixés une échéance à la fin du premier semestre 2009 pour en quelque sorte faire le point sur l’évolution des différents dossiers. Déjà un certain nombre de projets se sont mis en place et confirment l’intérêt de la collaboration. La commercialisation des céréales et le regroupement des achats des agrofournitures sont pris en charge par l’union. Au niveau des produits phytosanitaires, une organisation logistique a été mise en place pour optimiser le travail dans les magasins de proximité. L’enjeu est de limiter au maximum le stockage des produits phytosanitaires dans des lieux peu adaptés au nouveau contexte réglementaire (et dont l’aménagement s’avérerait très coûteux). Au lieu de construire une plate-forme de stockage des produits phytosanitaires pour les deux coopératives, l’union a décidé d’utiliser un site existant situé au sud de Niort (appartenant et loué à la société de Sangosse) à partir duquel sont effectuées des livraisons directement chez les agriculteurs. Cette organisation en place depuis quelques mois donne pour l’instant satisfaction. Au sein de l’union Charente Alliance, A. Cardinaud aura une mission (en tant que mandataire social) d’évaluation du fonctionnement de cette structure jusqu’en juin 2009. Il participera aux réflexions stratégiques sur les développements à donner à l’union dans le moyen terme. Plus simplement et même si aucun des responsables ne l’évoque publiquement, l’enjeu de ce travail sera sûrement de savoir si la collaboration se concrétisera ou pas par une fusion des deux coopératives.
Unicognac confrontée à la Hausse des prix des eaux-de-vie
L’activité viticole tient une place importante au sein de la coopérative Syntéane. La récolte 2006 a été globalement bonne pour les vins de distillation (3 800 hl d’AP), les vins de pays (24 700 hl) et le pineau des Charentes (14 600 hl). La coopérative assure l’écoulement de la production de plus de 1 200 ha de vigne et les surfaces d’Ugni blanc représentent 750 ha.
Au cours de cette campagne, l’augmentation des volumes distillés (+ 38 %) ne correspond pas à une volonté de mettre en stock dont la commercialisation n’est pas assurée. La filiale de commercialisation Unicognac enregistre une hausse de son activité globale de 18 %, mais les profits dégagés restent stables. Le nouveau centre d’embouteillage mis en service au cours de l’année 2007 à Saint-Germain-de-Lusignan est une évolution importante sur le plan technique. Les résultats commerciaux au niveau du Cognac sont en progression volumique mais les fortes hausses de prix à la production amputent les marges. A. Cardinaud estime que l’activité commerciale d’Unicognac est comparable à celle de tous les petits opérateurs de Cognac de la région délimitée : « Le Cognac que nous vendons sous nos marques ou sous des marques de distributeurs n’a pas la même notoriété que celui des grandes maisons. Aussi, nous avons beaucoup de mal à faire passer des hausses de tarif importantes, ce qui rend l’activité assez délicate dans la période actuelle. »
La hausse des cours du maÏs classique handicape la filière Pop-corn
L’activité pop-corn a connu au cours du dernier exercice un net développement et les résultats économiques de la filiale de commercialisation Sphère Production sont bons. Néanmoins, cet optimisme doit être tempéré par la forte hausse des cours du maïs classique qui modifie le contexte de rentabilité de cette culture spécialisée. Le site industriel de Saint-Genis-de- Saintonge sera amorti à partir de 2010, ce qui rendra l’entreprise beaucoup plus facile à gérer.
A plus court terme, les exercices 2008 et 2009 risquent d’être difficiles si les cours du maïs classique se maintiennent à leur niveau actuel. Le différentiel de prix des maïs pop-corn justifiait jusqu’à présent l’intérêt de cette production (plus faibles rendements) auprès des agriculteurs. Or, la situation actuelle est tout autre et une nouvelle augmentation du prix des récoltes de pop-corn paraît difficilement envisageable. Cette hausse ne pourrait pas être répercutée sur le prix de vente des pop-corn finis ou du maïs prêt à poper. En effet, il existe sur ces produits un prix de marché imposé par les maïs pop-corn importés des Etats-Unis ou d’Argentine. Compte tenu de cette conjoncture et de l’handicap lié à un euro fort, les responsables de Syntéane envisagent « de faire le dos rond » et de réduire un peu les surfaces en production (2 500 ha en 2007).
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