Les Efforts Importants De Recherche Sur Les Maladies Du Bois

7 juillet 2009

La première Rencontre de l’IREO consacrée aux maladies du bois s’est tenue le 27 mai dernier en présence d’un public qui a été littéralement « capté » par le contenu des interventions. Les viticulteurs sont désarmés face à l’expansion de l’eutypiose, de l’esca et du BDA dans leurs parcelles. L’accélération des dégâts au cours des cinq dernières années témoigne de la gravité de la situation dans la région de Cognac. Régulièrement, une question revient fréquemment dans les conversations de bout de vignes : « Que font les chercheurs ? » Réponse : « Eh bien, ils travaillent beaucoup mais depuis seulement quelques années ». Le « chantier » n’a malheureusement commencé que trop récemment et il faut littéralement « défricher » et multiplier les axes de recherches pour faire face à trois maladies et huit ou dix champignons. Les efforts et le bon sens des ingénieurs et des techniciens dans l’ensemble des régions viticoles permettent de mettre les bouchées doubles et déjà quelques éléments intéressants commencent à émerger. Les débats à l’IREO ont permis de faire un tour d’horizon complet des travaux de recherche en cours et des enjeux scientifiques et concrets que soulèvent ces maladies.

Réaliser des travaux scientifiques sur les maladies du bois était considéré comme une thématique d’étude marginale jusqu’en 2002 au moment où les spécialités à base d’arsénite de soude ont été retirées du marché. Ce produit ancien permettait de stabiliser l’évolution des champignons dans les souches et limitait considérablement les nuisances dans les parcelles. Aucun acteur, les professionnels comme les responsables des unités de recherche, n’a souhaité anticiper les conséquences d’un éventuel retrait du marché d’un produit à l’avenir incertain. La décapitalisation scientifique sur les maladies du bois depuis le début des années 90 « se paie cash » aujourd’hui. Depuis quelques années, on essaie de rattraper le temps perdu mais la construction de démarches de lutte contre 3 maladies et 8 champignons nécessitera de gros investissements et de la patience. Le dossier maladies du bois est devenu une préoccupation de recherche nationale mais le chantier est énorme ! En effet, contrairement au mildiou, à l’oïdium qui se développent sur les tissus végétaux superficiels, les champignons responsables de l’esca et de l’eutypiose colonisent le cœur des souches. Ils savent se montrer totalement discrets pendant 5 à 10 ans, mais altèrent tous les éléments ligneux et les vaisseaux d’alimentation de la sève. Quand les premiers symptômes s’expriment, les dégâts à l’intérieur des souches sont déjà conséquents.

Un cépage ugni blanc très sensible

L’esca, l’eutypiose et le BDA sont des maladies anciennes et malheureusement fortement implantées dans le vignoble charentais. Depuis quelques années, leur niveau de nuisance s’est accentué et tous les viticulteurs observent sur leurs propriétés de forts symptômes et une mortalité accrue des ceps. Les taux de manquants dans des parcelles non entreplantées de 15 à 25 ans sont variables mais il n’est pas rare de constater des niveaux dépassant 20 %. L’impact des maladies du bois sur la productivité du vignoble devient nettement perceptible des années comme 2007, 2008 où le potentiel de grappes est moyen à faible. L’augmentation de la nuisance des maladies du bois est-elle à relier à l’arrêt des traitements à l’arsénite de soude ? Une majorité de viticulteurs le pensent, des techniciens partagent cet avis mais d’autres semblent plus sceptiques. La présentation par M. Patrice Rétaud, du SRAL Poitou-Charentes, des résultats de l’observatoire maladies du bois en Charentes et en France vient conforter leur forte implantation dans le vignoble de Cognac. L’ugni blanc est malheureusement champion de France de l’eutypiose avec un niveau d’expression de symptômes se situant autour de 17 à 18 %. Sa sensibilité à l’esca BDA est aussi en constante augmentation depuis cinq ans. Du côté de la mortalité, là aussi les choses semblent s’amplifier. Un tel constat atteste de la gravité de la situation qui est probablement amplifiée par l’effet mono-cépage et la proportion importante de vignes à faibles densités. Le capital de ceps de la région de Cognac est altéré et beaucoup de parcelles à faibles densités semblent touchées par des phénomènes de vieillissement accélérés. La situation devient de plus en plus inquiétante !

resultatsobservatoire.jpgLes démarches de suivi de l’évolution des maladies du bois ont été conduites depuis 2003 dans la plupart des régions viticoles françaises, l’Alsace, l’Aquitaine, la Bourgogne, les Charentes, le Jura, le Languedoc-Roussillon-Provence, le Centre-Pays de Loire. Les résultats de cet observatoire national mettent en évidence de fortes variations de sensibilités liées aux cépages dans les différents vignobles. Au hit-parade des plus vulnérables à l’eutypiose, l’ugni blanc est malheureusement le leader incontesté suivi du chenin, du cabernet sauvignon, du gamay et du sauvignon. Pour l’esca BDA, les plus affectés sont le chenin, le cinsault, le riesling, le cabernet sauvignon, le pousard, le gewurztraminer, le trousseau, le sauvignon et le savagnin.

 

Des pertes de récoltes évaluées à 6 % qui peuvent s’amplifier

La quantification des pertes de récolte liées aux maladies du bois est un sujet majeur mais la mise en place d’une méthode d’évaluation rigoureuse s’avère être un exercice très difficile. En effet, l’une des principales spécificités de l’eutypiose et de l’esca réside dans la forte fluctuation de l’expression des symptômes (en fréquence comme en intensité) d’une parcelle à l’autre et parfois à quelques dizaines de ceps près. L’évaluation des conséquences sur la productivité d’un cep atteint de symptômes foliaires légers ou d’un bras de souche partiellement touché est nettement plus complexe que celle des dégâts spectaculaires d’apoplexie en plein été. En plus, les effets âge de la parcelle, vigueur, cépages, pratiques culturales représentent des facteurs de variabilité supplémentaires. Ce sujet a pourtant mobilisé la communauté technique depuis longtemps et au début des années 90, un travail conséquent avait été mené sur les pertes de récoltes liées à l’eutypiose. Par contre sur l’esca, aucune approche scientifique n’existait avant que la Station Viticole du BNIC s’intéresse à ce sujet en 2007. Une méthodologie de terrain a été mise en place en 2007 pour l’esca en tenant compte de la variabilité des symptômes. Ce travail de quantification des pertes de récoltes liées à l’esca (une première nationale) pourrait être affiné si la méthodologie était reconduite sur d’autres sites et d’autres cépages. M. Vincent Dumot, l’ingénieur du BNIC travaillant sur le dossier maladies du bois, a utilisé ces résultats pour réaliser une étude sur la nuisibilité de l’eutypiose et de l’esca. Ce travail a fait l’objet d’une communication lors de la matinée d’information à l’IREO. Les données du tableau ci-dessus présentent les mesures de nuisibilité en 2008 à partir des niveaux de symptômes quantifiés sur le réseau de parcelles de maturation (52 sites répartis dans l’ensemble de la région délimitée).

nuisibilite_esca.jpgLes résultats mettent en évidence l’importance majeure des pertes de récolte liées aux symptômes cumulés d’eutypiose (2,7 %) et d’esca (2 %) qui connaissent une nette augmentation au cours des dernières années. Le fait le plus marquant réside dans l’importance des pertes de production liées à la mortalité de l’esca qui en 2008 dépasse celle de l’eutypiose. Cette donnée est à relier à la nette augmentation des ceps improductifs qui sont présentés dans le graphique ci-dessous. Si, en 2008, les viticulteurs semblent s’être engagés dans des démarches beaucoup plus systématiques d’entretien du capital ceps (la mise en œuvre du recépage et de l’entreplantation), la proportion de ceps improductifs continue de s’accroître.

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Une espérance de vie réduite des parcelles

L’évaluation des pertes de récoltes à partir des niveaux de symptômes exprimés en 2008 suscite une véritable inquiétude pour l’avenir. Si la dynamique positive de développement observée au cours des dernières années venait à se poursuivre pendant 2, 3, 5 ans, l’impact sur la productivité des parcelles augmenterait dans des proportions importantes. On peut imaginer que l’espérance de vie de bon nombre de parcelles relativement jeunes (de 15 à 20 ans) passerait difficilement le cap des 25 ans. A l’inverse, si le niveau de développement des maladies du bois venait à se stabiliser grâce à des efforts constants d’entretien du capital ceps (recépage et entreplantation plus systématiques), la capacité de production des plantations pourrait être maintenue au-delà les durées d’amortissements. La Station Viticole du BNIC a réalisé une projection de l’espérance de vie des parcelles en tenant compte de trois taux de mortalités annuels : 1,3 %/an le niveau de la décennie précédente, 1,5 %/an le niveau actuel et 2,3 %/an un scénario pessimiste. Le graphique ci-dessous présente l’incidence des différents taux de mortalité sur l’espérance de vie des parcelles.

Avec le taux de mortalité actuel, 15 % des ceps sont morts au bout de 20 ans, ce qui peut déjà susciter des inquiétudes. Ce constat a relancé depuis plusieurs années l’intérêt autour des vieilles pratiques de rénovation du capital ceps des parcelles. La rentabilité économique des interventions d’entretien du vignoble semble de plus en plus évidente mais ne convainc pas tout le monde.

Décrié par certains viticulteurs (en raison de la lourdeur du travail et de taux de reprise aléatoires) et encensé par d’autres, le récent regain d’intérêt autour de ces pratiques ne portera ses fruits que dans quelques années. En résumé, le premier moyen de lutte contre les maladies du bois ne réside-t-il pas dans une attention constante et dans la durée du capital ceps des parcelles ? De plus en plus de techniciens, de chercheurs et de viticulteurs le pensent.

La recherche mise sur un déploiement de mesures préventives

Face à cette situation, les viticulteurs s’interrogent sur les stratégies à mettre en œuvre pour lutter ou limiter l’évolution des MB. La pérennité des parcelles est en danger ! Quelles sont les stratégies de lutte pour minimiser l’impact sur la productivité du vignoble ? Est-il possible de protéger les jeunes plants que l’on met en terre ? Les recherches en cours et futures vont-elles déboucher sur des perspectives de luttes novatrices ? Et si oui, dans quels délais ?… Au vu des connaissances actuelles, les chercheurs et les techniciens estiment que les perspectives de lutte contre les maladies du bois ne pourront pas se limiter à l’application d’une protection chimique comparable à l’arsénite de soude. Trouver une substance chimique qui ait aujourd’hui cette même capacité à rentrer au cœur des souches tout en n’étant pas phytotoxiques (pour les applicateurs et l’environnement) paraît très difficile à court et moyen terme. L’état actuel des connaissances incite les chercheurs à mobiliser leurs actions sur la mise en œuvre d’une diversité de moyens préventifs pour minimiser ou casser les cycles de développement des nombreux champignons. M. Christophe Valtaud, de la Station Viticole du BNIC, a présenté un exposé sur les démarches scientifiques réalisées et en cours sur les maladies du bois qui permet d’appréhender de façon plus juste les problématiques de lutte contre les trois maladies. Ce n’est qu’au début des années 70 que quelques chercheurs avec des moyens trop réduits ont commencé à lancer des études plus sérieuses suite aux demandes de plusieurs responsables de grands domaines viticoles.

Une seule maladie connue en 1970 et trois en 2000

A l’origine, une seule maladie était connue, l’esca, et la découverte en 1977 de l’eutypiose a été un premier tournant important. L’identification de cette deuxième maladie n’a pas immédiatement stimulé la recherche. Dans le courant des années 90, une deuxième série d’études fondamentales a permis de progresser au niveau de la connaissance des cycles épidémiques et des champignons associés aux symptômes. En 1999, la découverte du BDA a représenté une nouvelle étape importante qui est venue consolider la thèse d’un complexe de maladies du bois liée à un groupe de plusieurs champignons différents. A partir du début des années 2000, quelques professionnels et des chercheurs qui avaient pressenti l’avenir incertain de l’arsénite de soude ont essayé de plaider pour une intensification des recherches fondamentales sur les MB, mais d’autres préoccupations techniques ont semblé prioritaires. C’est à partir de 2002 qu’une véritable dynamique d’étude scientifique s’est mis en place avec le soutien de plusieurs interprofessions dont le BNIC et le CIVB. Les résultats de ces travaux ont permis de faire progresser les connaissances au niveau des interactions plantes/champignons et d’appréhender diverses pistes de moyens de lutte. Les travaux sur ce dernier volet se sont concentrés sur deux axes, l’action directe sur les micro-organismes associés aux MB et la recherche de moyens au niveau de la plante pour limiter l’expansion des maladies. Les essais de nombreuses matières actives pour bloquer le développement des champignons au niveau des souches adultes restent pour l’instant très décevants. L’efficacité au laboratoire de certains produits n’a pas été confirmée au vignoble en raison d’une part de la difficulté à transporter les matières actives au cœur des souches sans créer d’effets secondaires toxiques (pour l’homme et l’environnement) et d’autre part de l’insuffisance des connaissances biologiques en matière de voies de pénétration et de périodes de dissémination. Une autre piste d’étude en matière de lutte chimique fait l’objet de premiers développements. L’approche serait d’employer des molécules injectées dans la sève des ceps de vignes dont l’activité serait d’émettre des composés empêchant l’implantation des champignons dans le bois.

Une dynamique de recherche coordonnée au niveau national

Les acquis scientifiques de ces dernières années ont permis de conforter l’importance d’éradiquer les sources d’inoculum dans les parcelles pour limiter les contaminations. Réduire la présence des « champignons » dans les parcelles repose essentiellement sur des mesures prophylactiques (élimination du bois mort, taille tardive…) et la mise en œuvre de pratiques culturales limitant les phénomènes de propagation. Les conclusions de ces derniers éléments deviennent complexes au moment de leur mise en œuvre pratique car souvent les facteurs favorisant sont différents pour l’eutypiose et l’esca. Le tableau ci-après permet par exemple de préciser pour l’ugni blanc en Charentes les itinéraires techniques permettant de limiter l’impact des maladies du bois.

identification_euthypiose.jpgLa dynamique de recherche sur les maladies du bois s’accélère car plusieurs interprofessions et des régions de production financent des études. Le dossier Maladies du Bois est maintenant piloté à l’échelon national afin de mutualiser les moyens et de coordonner efficacement les différentes démarches scientifiques. Les perspectives de recherche concernent une diversité de thèmes, l’étude de la microflore des ceps, la reproduction des symptômes foliaires par inoculation des champignons, la limitation des contaminations des plants en pépinière, l’optimisation des itinéraires techniques pour limiter les maladies et l’utilisation des nouveaux moyens de génomique fonctionnelle dans le cadre de démarche d’amélioration génétiques des plantes.

 

Esca-BDA : Les risques de transmissions au moment de la production des plants confirmés

symptome_foliaire_esca.jpgLes greffés soudés mis en terre chaque année sont-ils ou non porteurs des champignons responsables des maladies du bois ? Cette question, beaucoup de viticulteurs se la posent depuis longtemps et les équipes de l’IFV ont mis en œuvre un dispositif expérimental pour y apporter des éléments de réponse. Pour l’eutypiose, la réponse est non car des études remontant à quelques années ont montré l’absence de risques de transmission au niveau de la phase de production des plants. Par contre, les chercheurs estiment que pour l’esca BDA, les risques de contamination pendant la phase de production des plants sont beaucoup plus importants. Des travaux ont été menés sur ce sujet pendant trois ans dans deux régions viticoles (la zone méridionale et Midi-Pyrénées) en partenariat avec les syndicats des pépiniéristes. Mme Virginie Viguès, de l’IFV Midi-Pyrénées, qui travaille sur ce dossier a présenté les récentes conclusions en matière de risques contamination au cours des différentes phases de production des plants.

Des études précédentes avaient permis de mettre en évidence qu’en entrée de pépinière, l’intérieur du matériel végétal était sain, ce qui est conforme aux données scientifiques indiquant que les bois d’un an ne peuvent pas être contaminés. Par contre à la surface des sarments, des spores et des mycéliums de divers champignons dont ceux responsables de maladies du bois sont présents. La présence de divers champignons à la surface du bois (et de tous les bois jeunes, anciens, vignes, arbustes, arbre…) est inhérente aux équilibres naturels du milieu végétal. Parmi les nombreux champignons responsables des MB, l’étude sur les voies de pénétration en pépinière a porté sur le phaeomoniella chlamydospora PCH (impliqué dans l’esca et pénètre par les plaies de taille en périodes douces et pluvieuses), le phaeoacremonium PAL (un autre champignon de l’esca à dissémination aérienne mais pas en hiver) et plusieurs champignons associés au Black Dead Arm, le Botryosphaeria obtusa BO (dissémination des spores pendant la période végétative de la vigne), le neofusiccocum parva NP et d’autres champignons de la famille des botyosphaeria BSP. L’examen du matériel végétal, les greffons et les porte-greffes avant leur utilisation ont une nouvelle fois révélé qu’ils étaient sains (à l’intérieur). Le même travail de recherche des champignons Pch, Pal et Bo Spp mené sur un large échantillon de greffés-soudés et de plants en pots a confirmé que les contaminations se produisaient au cours du processus de fabrication des plants. La localisation des champignons sur les greffés soudés touche toutes les fractions des plants, la zone greffée, le porte-greffe et les racines.

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Une absence de moyens pour assurer une désinfection efficace durant la phase de stratification

La présence des Bo Spps quasiment nulle au départ progresse fortement après la stratification pour atteindre un niveau maximum au moment de la vente. La même tendance est observée pour le Pch et le Pal. Les champignons pénètrent dans les greffes boutures par les plaies (liées à l’éborgnage, aux coupes de sécateurs et au greffage) à partir du greffage et en s’intensifiant au moment de la stratification lors des bains inhérents cette étape de production. Les observations ont aussi mis en évidence des niveaux de contaminations aussi importants avec des stratifications réalisées à l’eau ou à la sciure.

L’étape de stratification est une phase de forçage permettant la constitution de la soudure entre les deux parties de l’assemblage greffon-porte-greffe, de préparer le talon du plant à l’émission des futures racines et d’assurer le développement du greffon (avec 2 ou 3 feuilles). Aussitôt le greffage, les plants sont mis dans des caisses en présence d’eau ou de sciure humide et pendant une quinzaine de jours, le maintien d’une ambiance chaude et humide est indispensable à la bonne conduite de la stratification. Le microclimat au sein duquel vivent les plants durant la stratification est propice au développement de nombreux champignons et les pépiniéristes effectuent des traitements fongicides préventifs (généralement au cryptonol) pour éviter le développement de certaines formes de botrytis. Est-il possible de limiter les contaminations lors de la phase de stratification ? Les techniciens de l’IFV ont imaginé de mettre en œuvre deux alternatives de désinfection des eaux de stratification, l’une utilisant des apports de produits chimiques (eau de javel à 3 concentrations, des fongicides à plusieurs concentrations, le cryptonol), et l’autre des apports de produits biologiques (2 souches de Trichoderma et un champignon antagoniste). Les résultats de l’ensemble de ces traitements n’ont pas permis d’assurer des niveaux d’efficacité sur les champignons satisfaisants.

taux_contamination.jpgD’autres produits ainsi qu’un procédé d’ozonation (injection d’ozone dans les caisses de stratification) sont en cours d’essais dans l’espoir de proposer aux pépiniéristes une solution efficace et facile à intégrer dans leur organisation de travail. Le traitement à l’eau des greffés soudés dans des conditions identiques à celui de la flavescence dorée se montre uniquement efficace sur le champignon Pch. Les autres champignons Pal & Bo Spp ne sont pas détruits à des niveaux de température de 50 °C et au-delà ce seuil, les tissus végétaux des plants sont dégradés. Dans ces conditions, la systématisation du traitement à l’eau chaude peut-elle être considérée comme un moyen de lutte préventif visant à diminuer les risques de contaminations ? Les chercheurs ont sur ce sujet des avis partagés qui n’incitent pas les pépiniéristes à systématiser le traitement à l’eau chaude (en dehors de la problématique flavescence dorée).

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Tirer profit des synergies des effets de symbiose plantes/champignons

L’approfondissement des connaissances des mécanismes de dissémination des champignons responsables de l’esca BDA au niveau de la filière de production des plants soulève un certain nombre de questions plus fondamentales sur les équilibres de flores de champignons existant naturellement dans le milieu. En effet, des travaux scientifiques plus généraux ont mis en évidence que la flore de champignons présente au niveau des parties aériennes comme dans les sols génère au niveau des plantes des réactions dont l’impact a été évalué dans des domaines comme l’arboriculture et la sylviculture. L’intervention de Marc André Selosse, professeur de mycologie à l’université de Montpellier sur les relations champignon/plante, est venue nourrir les réflexions sur la bonne gestion des potentialités du milieu naturel. M. Dupont, un de ses collaborateurs qui a présenté son intervention, a développé un volet de connaissances nouveau concernant les synergies des plantes avec des alliés microscopiques. Le fil conducteur de l’exposé a reposé sur le concept de vie en symbiose des plantes dans leur environnement et tout particulièrement avec les micro-organismes et les champignons. L’ensemble des plantes, des arbres se développent en présence d’une « flore » de champignons vivant elle-même à la surface des parties aériennes (au niveau des épidermes, des écorces) ou dans le sol à proximité des racines. Si certains de ces champignons sont bien connus des viticulteurs et des agriculteurs en raison de leur nuisibilité et des dégâts qu’ils occasionnent (le mildiou, l’oïdium, les rouilles, le botrytis…), d’autres vivent en pleine harmonie avec les plantes (et contribuent à optimiser leur développement). L’idée des chercheurs a été d’observer le comportement des plantes vivant normalement en présence d’une flore « de bons champignons ». Les résultats des études scientifiques ont mis en évidence les intérêts « de la vie commune » entre les plantes et les champignons qui constitue un moyen d’optimiser l’adaptation au milieu des arbres et des plantes annuelles. Quels sont les phénomènes plantes/champignons permettant d’expliquer des gains de croissance, la constitution d’un système racinaire plus performant… ? Beaucoup de plantes annuelles et pérennes développent dans le sol au contact des champignons des organes mixtes racine + champignon : les mycorhizes. Ces organes vivent en symbiose grâce à des échanges nutritifs réciproques et constants. Ils sont en mesure d’apporter aux plantes une protection supplémentaire contre des agressions physiques et biologiques. De tels phénomènes sont spécifiques à chaque espèce végétale et au milieu dans lequel elles évoluent car la flore naturelle de champignons fluctue selon la nature du sol et le climat. Tirer profit des relations plantes/champignons par les effets de la mycorhization représente aujourd’hui un nouvel axe de recherche plus ou moins exploité selon les cultures.

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Les mycorizhes : une piste de recherche à « cultiver » en vigne

Deux principaux types de mycorhizes existent, les ectomycorhizes (spécifiques des plantes de la famille des Orchidacées et de l’ordre des Ericales) et les endomycorhizes qui sont les plus fréquentes (présentes sur la vigne). Ces dernières colonisent plus de 400 000 espèces végétales à partir de moins de 200 espèces de champignons. Ces champignons (peu spécifiques de chaque espèce végétale) possèdent une large diversité génétique leur permettant de s’adapter aux différentes conditions environnementales. Quels peuvent être les apports des mycorhizes sur la gestion des forêts et des cultures. La synthèse de diverses études réalisées dans le monde entier confirme que des plantes mycorhisées ont un développement stimulé comparable à celui sous l’influence « d’engrais » des systèmes d’agriculture intensive mais sans en avoir les inconvénients. Accélérer la croissance et l’implantation des espèces de 30, 40, 50 % sans s’engager dans des pratiques culturales intensives ne peut pas laisser indifférents les agronomes et l’ensemble de la communauté agricole et viticole.

tronc_esca.jpgLes plantes mycorizhées ont la capacité à mieux exploiter les ressources en eau, en azote, en phosphore… et sont dotées de niveaux de résistances naturels accrus face aux agressions physiologiques (carence d’absorption de fer, de manganèse, d’oligo-éléments), chimiques (aux maladies), biologiques et climatiques (sécheresse et excès d’humidité). A la lecture de ces propos on peut se demander pourquoi leur développement dans l’univers agricole est aussi peu développé ? La démarche de production des plantes mycorhizées s’exporte mal d’un milieu à un autre en raison de l’incidence des facteurs sites dans la réussite du processus de mycorizhation. Par exemple des chênes truffiers mycorhizés en France ne s’adaptent pas à un contexte de production de l’hémisphère sud et leur implantation n’a pu être réussie qu’en utilisant des mycorhizes propres au pays final de culture des arbres. Par ailleurs, la mise en œuvre des pratiques traditionnelles agricole et sylvicole (labour, tassement, fertilisation azotée, protection fongicide…) et les changements biologiques et micro-climatiques affectent la microflore de champignons du sol et leurs aptitudes à être mycorizhés. L’investissement durable dans des démarches de production de plantes mycorizhées nécessite des approches très régionales et très techniques pour s’adapter à la diversité des effets milieux. C’est dans le domaine sylvicole que les approches de mycorizhation se sont le plus développées avec des résultats intéressants. Les aspects de mycorizhation peuvent-ils représenter une piste de recherche au niveau des maladies du bois dans l’objectif de renforcer les capacités naturelles de résistance aux agressions des champignons. Un certain nombre de chercheurs et de techniciens considèrent que la meilleure connaissance des flores de champignons présentes sur les ceps de vignes et dans les sols représente un volet d’étude à explorer pour mieux comprendre pourquoi les champignons responsables des maladies rentrent ou pas dans une phase de nuisibilité alors qu’ils sont déjà présents sur les greffés-soudés. Plusieurs sociétés privées (Agrauxine, Ithec…) ont développé depuis des procédés de mycorizhation adaptés aux cultures dites spécialisées dont la vigne. Depuis quelques années, ces projets ont débouché sur une gamme de spécialités renforçant le développement racinaire, la résistance au stress hydrique et la physiologie de la plante.

Utiliser les capacités de défense naturelle des plantes

La vigne comme beaucoup d’organismes vivants possède des capacités naturelles lui permettant de se défendre face à l’agression de divers micro-organismes, des bactéries, des champignons et des virus. La compréhension des mécanismes de défense des plantes fait l’objet actuellement d’études dans le cadre des perspectives de luttes alternatives aux pratiques de protection du vignoble chimique. Après une attaque, les végétaux restent en alerte, ce qui leur permet d’être en mesure de répondre très fortement à une agression ultérieure.

calcaire_eucalyptus.jpgM. Patrice Rey, de l’Enita de Bordeaux, a présenté une synthèse des travaux scientifiques conduits sur les mécanismes de défenses naturelles de la vigne. Il a tenu un discours objectif sur l’intérêt et les limites des effets SDN. La mise en place des mécanismes de défense s’effectue en trois étapes successives, la perception et la reconnaissance de l’événement pathogène (émission d’éliciteurs spécifique des agresseurs, les micro-organismes), l’émission de signaux indiquant la nature de l’agression à la cellule et ensuite l’induction de réactions de défenses.

mecanismes_dfense.jpgLes réactions de défense chez la vigne sont de trois ordres, la mort programmée des cellules végétales subissant l’agression et la formation de barrières physiques et chimiques. Le fait de déclencher la mort des cellules où se situe l’agression est un moyen de retarder la progression du processus d’agression en pratiquant « la politique de la terre brûlée ». Ensuite la plante renforce l’épaisseur des parois cellulaires qui s’opposent à la pénétration des filaments mycéliens des champignons. Enfin, les cellules ont la capacité de synthétiser diverses molécules chimiques, des phytoalexines (des polyphénols, des protéines PR, la chitinase et la glucanase) qui ont la capacité d’exercer des activités toxiques sur le développement des champignons. L’une de ces substances les plus connues, le resvératrol (un polyphénol), se concentre dans la pellicule des baies en quantité variable selon le cépage, la situation géographique et le degré d’exposition aux maladies. Il s’agit de molécules anti-microbiennes qui vont au contact de l’agresseur. La réponse à une agression s’effectue en mobilisant simultanément les trois niveaux de réactions de défense dans un premier temps au niveau du seul site infecté, puis dans les cellules proches et enfin en généralisant le processus à la plante entière. Le processus d’auto-défense généralisé de la plante est initié par l’émission de signaux d’alerte (des molécules d’éthylène, de l’acide salicylique et de l’acide jasmonique) produit par les cellules agressées ou environnantes. La plante est alors prête à réagir plus efficacement en cas d’agression plus importante.

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Des effets SDN fonctionnels au laboratoire mais pas encore au champ

Ce phénomène assez similaire à une vaccination possède un spectre d’efficacité commun à de nombreux pathogènes. L’idée de provoquer par anticipation l’enclenchement des mécanismes de défense naturelle paraît séduisante et a mobilisé l’énergie des techniciens et de certains acteurs de l’agrochimie pour la lutte contre le mildiou et l’oïdium. En laboratoire ou dans un environnement contrôlé (en serre), les niveaux de protections obtenus en utilisant des substances SDN sont toujours très intéressants mais dès que l’on met en pratique au champ, les résultats sont décevants. Dans divers essais, les mécanismes d’émission de réactions de défense des ceps de vignes vis-à-vis de la lutte contre le mildiou ou l’oïdium semblent fortement perturbés par l’état physiologique de la vigne, son stade de développement et d’autres facteurs environnementaux que l’on ne maîtrise pas. L’efficacité des substances SDN employées seules s’avère pour l’instant nettement insuffisante pour assurer un niveau de protection du vignoble satisfaisant. Au vu de ces conclusions, P. Rey considère que l’avenir de l’utilisation de ces produits alternatifs repose probablement sur des stratégies de lutte chimique mixte associant des doses réduites de fongicides conventionnels complémentées en substances SDN.

comparaison_lutte_chimique.jpgL’utilisation des mécanismes de défense naturelle des plantes pour lutter contre l’eutypiose et l’esca-BDA est aussi une piste à ne pas sous-estimer compte tenu du fait que ces maladies sont des parasites de faiblesses. Le fait que les champignons soient souvent présents sur les souches bien avant que le processus infectieux commence à se développer est un constat qui interpelle. Pourquoi la plante devient-elle réceptive à ces maladies au bout de 7, 10, 15 ou 20 ans alors qu’auparavant elle avait la capacité de résister ? Des fluctuations de production de certaines substances de défenses naturelles au cours de la vie des ceps seraient-elles en mesure d’expliquer la sensibilité des souches ?

 

 

Les travaux scientifiques en cours sur la connaissance des mécanismes de défense naturelle restent indispensables pour acquérir des connaissances fondamentales sur le fonctionnement des plantes et leur utilisation judicieuse.

Bibliographie :
− M. Patrice Rétaud, du Sral Poitou Charentes.
− MM. Vincent Dumot et Christophe Valtaud, de la Station Viticole du BNIC.
− Mme Virginie Viguès, de l’IFV Midi-Pyrénées.
− M. Marc André Selosse, de l’INRA de Montpellier.
− M. Patrice Rey, de l’Enita de Bordeaux.
− Mme Laeticia Caillaud, de la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime.
− M. Yoann Lefèbvre, de la Chambre d’agriculture de Charente.

Une démonstration d’entretien
mécanique des sols à Verrières le 6 juillet
Une démonstration de matériel d’entretien mécanique des sols viticoles aura lieu le 6 juillet à 14 heures chez MM. Bernard, Philippe et Laurent Laurichesse à Verrières. Cette manifestation a pour objectif d’aider les viticulteurs à trouver des solutions alternatives au désherbage chimique pour l’entretien de l’interligne et des cavaillons
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mecanique_sols.jpgL’équipe de la Chambre d’agriculture de la Charente a pris en charge l’organisation de cette démonstration qui regroupera les fabrications d’une dizaine de constructeurs, Actisol, Arriza, Avif 33, Belhomme, Boisselet, Braun, Clemens, Egretier, Grégoire & Besson, Rebillier-Rollin, et Souslikoff. Le souhait des organisateurs est de présenter une gamme large de matériels, des décavaillonneurs, des interceps, des outils rotatifs, des tondeuses, des cultivateurs lourds, des disques… L’ensemble des équipements fonctionnera dans les parcelles durant toute l’après-midi.

Présentation du « pool »
de compétences du lec aux journées portes ouvertes

Le LEC avait organisé, il y a quelques semaines, des journées portes ouvertes au cours desquelles le public de viticulteurs et de professionnels a perçu le pool de larges compétences de l’entreprise. En organisant ce rendez-vous, Evelyne Chanson et son équipe ont souhaité renforcer les liens et les échanges autour des réflexions sur la maîtrise qualitative de l’ensemble des productions régionales. Depuis sa création, le LEC s’est engagé dans une approche de fonctionnement associant des actions de conseils pour l’élaboration des vins, des pineaux, des eaux-de-vie, des cognacs commerciaux, de divers spiritueux et des démarches innovantes pour satisfaire toutes les attentes. L’entreprise a construit son développement en s’appuyant sur des compétences en interne complémentaires, œnologue vins et pineau, spécialistes en matière d’analyses complexes, experts dans le vieillissement et l’assemblage des eaux-de-vie, et créations de liqueurs et divers spiritueux. Le LEC privilégie les démarches conseils aidant tous les clients à trouver les itinéraires techniques de travail les plus adaptés à leurs situations. Cette spécificité a amené l’entreprise à tisser des partenariats avec diverses entreprises pour proposer des prestations spécifiques. Le savoir-faire d’origine de ce laboratoire d’œnologie a intégré des volets d’activités comme des analyses spécifiques sur les métaux lourds, des approches d’hygiènes novatrices, une expertise de chai, l’élaboration de lots tests, l’engagement dans la recherche de préparation d’arômes, la mise au point de procédés de fabrication de boisés, la conduite de réflexion en matière de filtration, de vieillissement… Récemment, le partenariat entre le LEC et AAGIL Micro, une entreprise spécialisée dans le développement de logiciels viticoles, a débouché sur la présentation de Labox, un outil informatique convivial de calculs de chais intégrant une table d’alcoométrie, un module de calcul de mutage et de sulfitage. Ce produit d’un prix accessible est en mesure de simplifier considérablement le travail des viticulteurs, des distillateurs, des courtiers et des négociants qui au quotidien utilisent les livres d’alcoométrie. Le logiciel Labox, commercialisé exclusivement par le LEC, a été présenté lors des journées portes ouvertes. Dans l’univers des analyses œnologiques, le LEC est aussi devenu le distributeur pour l’Ouest et le Sud-Ouest de la France des nouveaux modules d’analyses ŒnoFoss. C’est un appareil novateur qui permet de faire du contrôle de qualité instantané de 6 paramètres (TAV, AT, Ac Malique, pH, acidité volatile, sucres) sur des moûts et des vins bruts et finis. Les avantages de cet appareil résident dans sa capacité de réponse instantanée (résultats en 2 minutes), son faible encombrement (se déplace comme une petite valise), sa facilité d’utilisation et son coût relativement accessible pour une coopérative, un courtier, un consultant ou une distillerie

 

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