Les doux délires des amateurs de Cognac

7 juin 2011

Qui sont ces amoureux du Cognac, prêts à commettre quelques folies pour leur spiritueux favori ? Chaque opérateur de Cognac a une ou deux anecdotes à raconter. Ecoutons-les.

Tous ne correspondent pas à l’image du collectionneur névrotique, gagné par la rage d’amasser. Ni à celle du consommateur « bling-bling ». En décrivant ces amateurs de Cognac, Monique Fillioux (Cognac Jean Fillioux de Juillac-le-Coq) communique un souffle de légèreté et d’élégance. Elle évoque un client russe « ou plutôt deux, dit-elle, rigolos, complètement différents ». Le premier est un pianiste, un grand concertiste, versé dans la musique baroque. Pour son art, il parcourt le monde et, partout où il va, se fait livrer par la maison Fillioux quelques bouteilles de Cognac. Les deux dernières fois, ce fut en Slovaquie et en Allemagne. « Oh, ce ne sont jamais de grandes quantités, 3, 6 bouteilles, pas davantage, sans doute pour les amis chez qui il séjourne. » Le pianiste a visité une fois le domaine de Juillac. Avec Monique Fillioux, ils ont communié dans l’amour de la musique, autour du piano familial. « Une jolie rencontre » se souvient-elle. L’autre client russe est un adepte de la montagne. Il possède en co-propriété un appartement dans une station huppée des Alpes. Lui aussi se fait livrer sa demi-douzaine de bouteilles de Cognac à chacun de ses séjours. Pas n’importe quelles bouteilles. « En général, ces personnes nous prennent nos plus belles eau-de-vie, nos plus vieux Cognacs. » Monique Fillioux raconte aussi comment la maison accompagne les célébrations familiales. « Nous fêtons les 50 ans de mariage, les 60 ans et puis un jour, plus de nouvelles, l’histoire s’arrête là, nos vieux amis s’en sont allés. »

Autre ambiance. Nous voici plongés au cœur de la Sibérie, à Krasnoïarsk, ville de presque un million d’habitants à 4 000 km de Moscou. Olivier Blanc (Cognac Gourmel) y vient présenter ses Cognacs dans un grand hôtel. Entre les différents changements d’avions, il n’a pas vraiment cloué l’œil depuis 48 heures. Il n’aspire qu’à une chose : poser sa tête sur l’oreiller. Mais, à la fin de la présentation, quelqu’un le tire par la manche, insiste. « Venez chez moi, je veux vous montrer ma collection de Cognacs. » De guerre lasse, O. Blanc accepte. « Le bonhomme dirigeait une belle PME électrique. Arrivé chez lui, autour d’une heure du matin, il me fait descendre dans sa cave, refaite à neuf, dans le style « chalet suisse ». Sa collection était assez bizarre. Il y avait de tout. Des Cognacs très beaux, très rares, très chers et puis des choses beaucoup plus ordinaires, du style de celles que l’on trouve en supermarché. » Au creux de la nuit sibérienne, les deux compères font bombance de caviar « absolument à la louche » accompagné de Vodka local et de Cognac. Dur, dur d’être un ambassadeur du spiritueux charentais.

A un jet lag près, Olivier Blanc revit à peu près la même histoire, en Californie cette fois. « Le type était jeune, 30-40 ans, passionné de vin mais aussi de Cognac. A une heure et demie du matin, il tient absolument à me montrer sa micro-distillerie, équipée d’un alambic miniature, de cuvons en inox. Propriétaire d’un vignoble de vin blanc – du Sauvignon je crois – il testait l’effet de différentes levures sur sa petite production personnelle de brandy. Qui plus est, ce fou de distillation connaissait bien les maisons de Cognac. »

la deuxième fortune du pays

A Hong-Kong, Olivier Blanc découvrira l’une des plus belles collections de vins au monde, associée à quelques très beaux spécimens de Cognac. L’ensemble appartient à la deuxième fortune du pays, qui vit dans le quartier chic du pic Victoria, sur les hauteurs de la baie. Pour les grandes maisons de Cognac, c’est d’ailleurs la Chine – république populaire ou territoire de Hong-Kong – qui nourrit aujourd’hui le plus grand courant de passionnés extrêmes. Ces acheteurs recherchent qui la dernière version limitée, qui l’édition la plus décoiffante sinon la plus chère. « Ils sont tous sur les starting-blocks » confirme l’attachée VIP d’une maison de négoce. Dans un registre peut-être moins ostentatoire, Olivier Paultes (Cognac Frapin) cite d’autres amoureux du Cognac comme le Slovaque Sadko Mytnik, l’Américain Thomas B. Abruzzini, du TBA Wine Bottle Museum de Manhattan (New-York) ou encore l’extravagant Juozas Kabasinskas, de Vilnius, en Lituanie. Un certain nombre de gens, à Cognac, se souviennent d’avoir vu débarquer le personnage au volant d’une grosse Audi voire d’une Rolls-Royce mais avec toujours, sur la plaque d’immatriculation, le mot « Cognac » se détachant en lettres capitales. « Il venait faire son pèlerinage dans la cité des eaux-de-vie. » Au départ consultant, il deviendra distributeur et importateur de Cognac. C’est un des piliers de la Part des Anges, la vente aux enchères organisée chaque année par le BNIC.

Si quelques rares amateurs sont exclusifs d’une marque, la plupart collectionnent tous azimuts, même s’ils hésitent à l’avouer à leurs interlocuteurs. « Ils sont polis, ils veulent nous faire plaisir commente en souriant Olivier Blanc. Ils nous disent qu’ils sont fans de notre Cognac. Mais en face de M. Camus, ils diront “j’adore Camus“ et en face de M. Meukow, “j’adore Meukow“. En fait, ils sont fans du Cognac en général. »

Tous les collectionneurs ne possèdent pas des moyens extraordinaires, loin s’en faut. « Pour acheter des bouteilles assez onéreuses, certains n’hésitent pas à payer à “tempérament”, en plusieurs fois » confirme Charles Brastaad (Cognac Delamain). La très belle carafe « Le voyage de Delamain », en cristal de Baccarat, édité à 500 exemplaires, a dû en faire rêver plus d’un. D’autres n’ouvrent jamais leurs flacons. « On se demande parfois s’ils sont amateurs » remarque Hervé Gabrielsen qui indique que la région connaît aussi quelques collectionneurs passionnés, restaurateurs, cavistes.

Au fil du temps, le capital d’amateurs se renouvelle-t-il ? Charles Brastaad le croit. Il évoque une récente dégustation organisée chez un « très traditional wine marchant » de Londres. « Une quarantaine de personnes avait réservé pour venir déguster nos Cognacs. Le public se composait pour moitié d’hommes et de femmes, entre 35 et 45 ans. Et pourtant, précise le chef de maison, l’Angleterre n’est pas réputé être un marché de “jeunes”. Quand on pense à de jeunes consommateurs de Cognac, on pense plutôt à la Scandinavie » En France, c’est par le truchement des amateurs de Whisky et de grands vins que s’opérerait le retour vers Cognac. Ch. Brastaad croise les doigts. « C’est notre quête sur le territoire hexagonal. »

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