Les certifications vues de l’intérieur

27 novembre 2019

Les responsables des audits expliquent les accompagnements auprès des viticulteurs

Entretien croisé avec Juliette Tizon et Thibaults Granger, référents en charge des audits pour la certification environnementale respectivement à la Chambre d’Agriculture de Charente et de la Charente-Maritime.

Comment s’organisent les certifications Environnementales Cognac et Haute Valeur Environnementale, HVE ?

 

Thibault Granger : En préambule, je parlerai de trois voies de certification. La certification HVE en individuel, la certification HVE par le collectif porté par la Région Nouvelle-Aquitaine et la certification environnementale Cognac & HVE par le collectif porté par le BNIC.

Concernant la certification environnementale Cognac et HVE, je rejoins les dires de ma collègue, Juliette Tizon, de la Chambre d’Agriculture de Charente. Depuis la création de cette certification, nous avons travaillé de concert pour proposer en tout point les mêmes accompagnements et services.

 

Juliette Tizon : Il s’agit d’une démarche de certification mise en place par la filière Cognac qui comprend les exigences de la certification HVE complétées par celles du cahier des charges de la filière Cognac (désherbage mécanique sous le rang, utilisation de panneaux récupérateurs, prise en compte du voisinage, lutte contre la flavescence dorée, etc.).

C’est une démarche de certification collective. Pour l’obtenir, le viticulteur de la filière entre dans une structure collective, portée par le BNIC qui gère cette certification. Chaque viticulteur doit réaliser un audit dit interne (réalisé par un technicien CA16 ou CA17) qui a lieu entre novembre et avril. En avril, Ocacia, l’organisme certificateur retenu par le BNIC pour cette démarche, réalise l’audit dit externe. Celui-ci se compose de l’audit de la structure collective (vérification du bon suivi de la démarche par le BNIC) complété par l’audit d’un échantillon de viticulteurs appartenant à la structure collective (vérification de la bonne réalisation des audits internes par les CA). À la suite de cet audit externe, l’ensemble des viticulteurs dont les audits ont été validés et qui ont adhéré à la structure reçoivent leur certification.

Cette démarche dans son ensemble a été officiellement lancée début 2019 avec 20 premières exploitations certifiées.

 

Thibault Granger : La certification HVE peut être obtenue à l’heure actuelle par trois processus : la certification en individuel, la certification par le collectif de la Région Nouvelle Aquitaine et le collectif porté par le BNIC (certification environnementale Cognac et HVE donnant la double certification). La certification HVE Nouvelle-Aquitaine est la démarche de certification mise en place par la Région. Elle comprend les exigences de la certification HVE du respect de la réglementation (Directive Nitrates, arrêté phyto, BCAE PAC, …) à la validation des indicateurs de performance sur plusieurs thématiques (biodiversité, fertilisation, lutte phytosanitaire, Irrigation,…).

C’est une démarche de certification collective. Pour l’obtenir, l’exploitant agricole entre dans le collectif porté par la Région. Chaque exploitant doit réaliser un audit dit interne (réalisé par un technicien d’un organisme reconnu par la Région). Ces audits peuvent être réalisés toute l’année avec des dates de dépôt de dossier fixes (généralement 4 par an). L’AFNOR, l’organisme certificateur retenu par la Région pour cette démarche, réalise l’audit dit externe. Celui-ci se compose entre autre, de l’audit d’un échantillon des exploitants appartenant à la structure collective. À la suite de cet audit externe, l’ensemble des exploitants du groupe dont les audits ont été validés reçoivent leur certification. Cette démarche a été officiellement lancée début 2019.

Pour terminer, la certification en individuel peut être réalisée par tout exploitant agricole souhaitant être certifié HVE. Il doit se tourner vers un organisme certificateur agréé par le ministère de l’Agriculture pour obtenir un audit de contrôle. Si ce dernier est validé, l’exploitant possède la certification environnementale.

 

Comment se passent les audits que vous réalisez dans votre département ?

Juliette Tizon : Mes collègues et moi-même sommes auditeurs internes au sein de la structure de certification collective portée par le BNIC. Sur leur demande, nous nous rendons chez les viticulteurs qui ont adhéré à la structure collective et qui s’estiment donc prêts à être certifiés.

L’audit se déroule en trois principales étapes :

– vérification des indicateurs de performance HVE (voie A ou voie B selon le choix du viticulteur) ;

– discussion avec le viticulteur sur l’ensemble des critères de la certification et vérification des différents documents justificatifs. Le viticulteur est encouragé, au cours de son accompagnement à conserver l’ensemble de ces documents dans un classeur qui lui est fourni, pré-rempli, par son accompagnateur technique. L’audit se base donc préférentiellement sur ce classeur ce qui permet de le rendre bien plus fluide ;

  visite de l’exploitation pour vérifier les différents points « terrain ».

 

Il y a plus de 160 critères à passer en revue au cours de cet audit qui peut donc durer jusqu’à 5 heures. L’objectif est de le mener sous la forme d’une discussion, la plus naturelle et agréable possible pour en limiter la lourdeur. Le viticulteur est amené à nous expliquer ses pratiques, la manière dont il gère son exploitation et à nous présenter au fur et à mesure des documents justifiants ses dires.

L’audit se termine par un bilan récapitulant les éventuels écarts majeurs ou mineurs relevés par l’auditeur.

Ces éventuels écarts sont transmis au BNIC et l’exploitant entre dans un processus de gestion de ces écarts.

 

Thibault Granger : Dans le cadre d’une certification en individuelle, la Chambre d’Agriculture ne réalise pas d’audits de certification car elle ne fait pas partie des auditeurs agréés par le Ministère. Si un exploitant est intéressé, il doit se tourner vers les organismes certificateurs. Ce dernier proposera un rendez-vous pour vérifier le cahier des charges de la certification choisie par l’exploitant. Si l’ensemble des critères sont respectés ; l’exploitant sera certifié.

Dans le cadre de la certification collective Nouvelle-Aquitaine, les Chambres d’Agriculture et d’autres organismes du territoire sont reconnus par la Région pour être les auditeurs internes. Nous intervenons donc en amont des audits externes de l’AFNOR, en interne, en trois étapes principales expliquées préalablement. Si nous réalisons une liste non exhaustive des points de contrôle de la certification HVE, nous vérifions le respect des BCAE de la PAC, de la Directive Nitrates, des pratiques liées à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, etc.

L’audit dure une demi-journée et se termine par un bilan récapitulant les éventuelles non-conformités relevées par l’auditeur. Si des non-conformités sont relevées alors l’exploitant ne peut pas être certifié pour l’année N ; il n’intègre pas le collectif de la Région. Son entrée se fera après la levée des non-conformités et à la suite d’un nouvel audit interne.

 

Comment les viticulteurs peuvent-ils mettre en place et financer cette certification HVE ? Quelles aides sont mises en place ? Les viticulteurs doivent-ils (sup)porter en grande partie ces adaptations et investissements de leurs pratiques de production ?

Juliette Tizon : Nous pouvons séparer les critères de la Certification Environnementale Cognac & HVE en deux principales catégories :

– critères réglementaires (gestion des effluents organiques et phytosanitaires, respect des BCAE, respect de l’arrêté phyto, des AMM…) ;

– critères environnementaux supplémentaires (maîtrise des IFT, gestion de la fertilisation, maintien d’un certain taux d’infrastructures agro-écologiques, gestion de la ressource en eau, pratiques alternatives au désherbage chimique, utilisation de panneaux récupérateurs…).

 

Des aides sont disponibles depuis 2015 pour les travaux de mise aux normes de l’exploitation par le biais du dispositif Accord Cadre. Concernant les critères environnementaux supplémentaires, il s’agit majoritairement de bonnes pratiques, déjà en place sur les exploitations. Cependant, il est possible que certains critères comme du matériel de désherbage mécanique nécessitent un investissement. Ces achats peuvent être aidés par les PCAE et notamment le « Plan Végétal Environnement » porté par la région1.

Concernant le processus même de certification, la formation initiale est entièrement prise en charge par le VIVEA. L’accompagnement technique, non obligatoire, est à la charge du viticulteur et son coût varie en fonction du besoin et de la structure d’accompagnement choisie. L’entrée dans la structure collective est à la charge du viticulteur à hauteur de 266€ par an.

 

Thibault Granger : Les programmes d’aides susmentionnés notamment les PCAE sont accessibles à l’ensemble des exploitants agricoles.

Dans le cadre d’une certification individuelle, l’audit réalisé par l’organisme certificateur est à la charge de l’exploitant.

Dans le cadre de la certification collective de la Région Nouvelle Aquitaine, cette dernière prend en charge une partie du coût de l’audit de certification (440€ par la voie A et 200€ par la voie B).

 

Pensez-vous que les négociants aident et soutiennent efficacement les viticulteurs ?

Juliette Tizon : Les maisons de négoces sont aujourd’hui engagées dans la démarche. Elles ont montré l’exemple en obtenant cette certification Environnementale Cognac & HVE pour leur propre vignoble. Elles ont d’ores et déjà facilité l’accès à la démarche à leurs livreurs en organisant de nombreuses formations d’engagement dans leurs locaux et en en assurant la logistique. Certaines maisons ont commencé en parallèle à mettre en place les moyens humains pour accompagner leurs livreurs dans cette démarche.

 

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui s’engagent dans cette voie ? Quelles démarches sont nécessaires ou judicieuses pour les différentes certifications ?

Juliette Tizon : « 1- Participer à une journée de formation qui correspond à l’engagement dans la démarche. Plus de 2000 viticulteurs l’ont déjà réalisée. Pour ceux qui n’y ont pas encore participé, il suffit de se rapprocher de sa Chambre d’Agriculture ou de sa maison de négoce. On l’informera sur les prochaines dates de formation (prise en charge par le VIVEA). »

 

Thibault Granger : Cette journée permet, entre autres, aux viticulteurs d’échanger en groupe sur leurs méthodes de travail, et de réaliser l’autodiagnostic en ligne pour positionner leur exploitation par rapport aux exigences du cahier des charges de la certification. Cet état des lieux est suivi par la création d’un plan d’action en ligne qui, si nécessaire, permet à l’exploitant d’échelonner ses améliorations et d’atteindre à terme la certification.

 

Juliette Tizon : « 2- Si besoin, contacter un accompagnateur technique agréé par le BNIC. Plus de 30 accompagnateurs de différentes structures ont été habilités (liste disponible sur le site vitidurable et sur le compte ebnic de chaque exploitant). Ils sont en capacité de conseiller le viticulteur sur les démarches à mettre en place sur son exploitation, de l’aider à obtenir différents documents nécessaires, de le diriger vers les dispositifs d’aide adéquats et de le préparer au mieux à l’audit interne à l’aide d’outils tel que le classeur d’audit. Les Chambres d’Agriculture disposent de techniciens très impliqués dans la certification, qui en connaissent parfaitement les exigences et qui disposent de plus d’une réelle expertise sur les aspects réglementaires et techniques. Une prestation globale est proposée aux viticulteurs pour les accompagner de façon optimale vers l’obtention sereine de la certification.

3- Adhérer à la structure collective pour se faire certifier. Une fois prêt, il suffit de prendre contact avec Angélique Quéraud au BNIC. La signature d’un contrat d’engagement déclenchera l’audit interne par un technicien de la Chambre d’Agriculture (qui ne sera pas le même que l’accompagnateur technique si le viticulteur a fait le choix de se faire accompagner par la CA).

 

Thibault Granger : Quelle que soit la certification choisie par l’exploitant, chaque audit doit être préparé et peut être accompagné. En amont, la connaissance du cahier des charges à mettre en place est nécessaire.

 

Une certification est-elle obligatoire aujourd’hui ou un vigneron peut-il être tout à fait au point sans avoir de vérification officielle de quelque organisme ?

Juliette Tizon : La Certification Environnementale Cognac & HVE est une démarche volontaire, nullement obligatoire. Bien qu’elle soit impulsée par la filière Cognac qui affiche l’objectif de 50% du vignoble certifié en 2025 (Hennessy souhaite que la totalité de ses livreurs soient certifiés à la même date). En effet, plus il y aura de viticulteurs certifiés, plus la démarche sera visible et reconnue par les consommateurs et plus les résultats des actions engagées seront efficaces.

Quand les investissements éventuels sont réalisés ; que la traçabilité et les pratiques sont compatibles avec la certification alors il ne reste qu’à obtenir le « tampon » permettant à l’exploitant de valider ses efforts et de faire reconnaître ses bonnes pratiques. C’est un investissement de 266€ par an et le passage d’un auditeur interne (technicien CA) tous les 3 ans qui le permet (après échantillonnage un auditeur externe).

Pour les viticulteurs qui commercialisent leurs produits, le logo HVE est aujourd’hui reconnu par les consommateurs et apposer un panneau « Certification Environnementale Cognac & HVE » sur son exploitation peut permettre des échanges plus constructifs avec les riverains.

 

Thibault Granger : Cette certification est avant tout porté par le viticulteur. C’est une reconnaissance de la qualité de son produit et des bonnes pratiques qu’il utilise au quotidien. Chaque exploitant détient les bonnes pratiques mais ne dispose pas de la visibilité d’une certification pour en attester. Pour répondre aux stigmates des médias sur le monde agricole, la certification est un des leviers privilégié.

 

 

1. http://draaf.nouvelle-aquitaine.agriculture.gouv.fr/Plan-Vegetal-Environnement-PCAE

 

Thibault Granger

Conseiller Agro-Environnement à la Chambre d’Agriculture de Charente-Maritime (Antenne St-Jean-d’Angély). Référent pour la CA 17 sur la certification environnementale Cognac et HVE. Accompagnateur technique et auditeur interne pour les certifications environnementales susmentionnées.

 

Juliette Tizon

Conseillère en agro-environnement à la Chambre d’Agriculture de la Charente. Auditrice interne depuis mars 2018, réalisation d’une partie des audits internes des 20 exploitations certifiées en 2019 et les prochains audits en novembre pour la campagne de certification 2020.

Entre autres missions, participation à la mise en place de la certification par la construction du plan de contrôle avec le BNIC et en réalisant des tests chez les exploitants. Accompagnatrice habilitée par le BNIC. En partenariat avec la CA17, mise en place des prestations d’accompagnement proposées par les CA réalisée désormais sur le terrain.

 

 

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