une embellie de quelle durée ?
La question qui taraude tout un chacun : quelle durée dans le temps accorder à cette embellie du Cognac ? Tous les opérateurs présents sur les marchés, même les moins suspects d’autosatisfaction, reconnaissent un intérêt évident pour la catégorie Cognac. Pour eux le déclic majeur réside dans l’émergence d’une classe moyenne chez les nouveaux acteurs de la mondialisation. Que ce soit en Chine, en Russie, dans les pays baltes, des gens qui gagnaient 100 à 200 € par mois en gagnent aujourd’hui 2, 3 ou 4 000 €. Dans ces pays, il s’agit généralement de personnes éduquées, dont la curiosité et l’intérêt sont éveillés par des produits de luxe « accessibles ». « C’est la grande chance du Cognac, professe un opérateur, de cultiver un tel terreau, dont la base s’élargit de jour en jour. On ne parle pas ici de milliardaires mais presque de « M. tout le monde ». « L’autre grande chance du Cognac, souligne-t-il, c’est d’avoir une image historiquement forte, que les grandes maisons de Cognac se sont employées à cultiver. » « En permanence, dit-il, elles ont semé, semé et encore semé. » Le propriétaire d’une petite marque de Cognac, connue pour la qualité de ses produits, relève avec envie l’efficacité redoutable de ses grands confrères sur tous les marchés clés. « Ils sont bons, c’est effrayant ce qu’ils sont bons ! Une maison comme Hennessy affiche une ambition illimitée mais en trois ans, elle a conquis en volume ce que la région tout entière avait mis la même durée à gagner. Martell mène une politique de grand groupe, très efficace dans son réseau de distribution. Rémy Martin a retrouvé son agressivité commerciale et Courvoisier, malgré les changements, fait du “bon boulot” et conduit beaucoup d’actions. Cet environnement nous oblige, nous petites marques, à passer à la vitesse supérieure. Nous ne pouvons plus nous contenter de cultiver la sympathie de notre réseau de prescripteurs. nous devons développer des actions de soutien de marché. » Cette agressivité commerciale des Cognacs, la presse internationale spécialisée s’en fait l‘écho. Le numéro d’octobre/novembre d’Impact international titrait sur le boom du Cognac aux Etat-Unis et en Chine. Pour expliquer la réussite du Cognac, le journal pointait le tiercé gagnant du prix élevé, synonyme de luxe, de l’image moderne et urbaine du Cognac ainsi que sur sa « mixabilité », c’est-à-dire sa consommation en cocktail. Ce qui semble très favorable à l’industrie des spiritueux aujourd’hui, c’est que la mixabilité du produit, c’est-à-dire sa consommation « décomplexée » et ludique, n’interdit pas sa « premiumisation », c’est-à-dire son positionnement haut de gamme. Elle joue même de pair. En Chine, la consommation du Cognac allongé n’a plus rien à prouver. Elle est culturelle. Les mariages du Cognac et du thé vert ou du ginger ale tiennent le haut du pavé. Sur le marché américain, non seulement le Cognac se consomme sans vergogne avec du Coca-cola mais il a su prendre le train de la déferlante Cocktail. « Aujourd’hui le Cognac s’impose comme l’une des boissons favorites des bars branchés » signalait la journaliste d’Impact qui ajoutait : « Le Cognac Hennessy est devenu le Grey Gosse des alcools bruns » (question : qui, des deux, doit être le plus flatté ?). En s’associant a des figures de la scène hip hop ou du rapp – Pharell pour Hennessy, Jermaine Dupri pour Courvoisier – les marques de Cognac ont accompli un bond dans la modernité. Un maximum de moyen est consacré aux « Concerts Tour » et autres soirées musicales exclusives, sans parler du pilonnage publicitaire sur les chaînes commerciales TV et l’internet. Si, à une époque, l’agressivité commerciale des Whiskies avait pu sembler submerger les Cognacs, notamment en Asie, rien de tel aujourd’hui. En Europe, face à des marchés arrivés à maturité, le Cognac réussit à sauver une progression moyenne, voire même à « souffler sur les braises » dans des pays comme la Norvège, le Danemark, les pays baltes, la Russie bien sûr. A noter que ce marché connaît une évolution contrastée : des marques se taillent la part du lion, au détriment d’autres. Mais globalement, l’ensemble de la catégorie en profite. Le même phénomène se retrouve d’ailleurs en Chine. L’expansion des ventes profite principalement à trois marques. Mais « booste » le Cognac en général. Toutes ces raisons font que les opérateurs ne voient pas « de risques immédiats de retournement de tendance ».
l’euphorie n’est pas de mise
Pourtant, dans la région délimitée, l’euphorie n’est pas de mise. Ou du moins la circonspection règne, comme pour conjurer le sort. Tout le monde garde en mémoire le dérapage fatal des années 90, « gravé dans l’inconscient régional » et chacun y va de sa propre relecture. Un syndicaliste viticole se souvient : « En 1990, une grande marque de Cognac avait retiré ses VSOP des magasins Duty free pour conserver ses comptes 4 dans l’espoir de les vendre en XO aux Japonais. Le jeu qui consistait à “compter les œufs dans le cul de la poule” s’est révélé dramatiquement dangereux. Lever le pied, c’est vachement facile. Réaccélérer s’avère un exercice bien plus délicat. » La région en est-elle là aujourd’hui ? Pour ménager l’avenir, lève-t-elle le pied sur certains marchés ? Des rumeurs de contingentement circulent et tout porte à croire qu’elles sont fondées. Mais dans quelles proportions, pour quels opérateurs et sur quels marchés ? A l’évidence, les PME du Cognac – qui représentent peut-être 20 % des ventes de Cognac – sont confrontées à un manque criant de marchandise (voir interview de Philippe Coste, pages 13 à 16). Dans un langage fleuri, un petit négociant relate ses tribulations d’acheteur éconduit par des viticulteurs peu pressés de vendre. « Nous avons les marchés mais pas la “gnole” en face. Mes fournisseurs habituels me “baladent” d’une date de clôture de bilan à une autre date de clôture. Après avoir réalisé quelques opérations, ils n’ont pas envie de payer d’impôt. Pendant ce temps, je “sabe du bec”. » Il affirme renoncer à certains marchés, faute de marchandise. Le représentant d’une maison moyenne, bon connaisseur du marché américain, relativise pour sa part les dangers du contingentement. « Cela m’étonnerait beaucoup que les grandes maisons de Cognac contingentent un marché de référence comme celui des Etats-Unis. Maintenant, qu’il y ait des allocations de caisses pour des marchés de moindre valeur, pratiquant des prix bas, ce n’est pas impossible et c’est même probable. » Commentaire de ce même négociant : « Ce serait terrible de perdre des parts de marchés par manque de marchandise. On a beaucoup reproché aux décideurs des années 60-70 l’attribution de droits nouveaux de plantation. Mais sans cette garantie, peut-être les négociants de Cognac n’auraient-ils pas investi aussi massivement en Asie et ailleurs. »
une tendance à l’augmentation des prix
la perplexité
« Prends l’oseille et tire toi » (take the money and run) incite le titre d’un film de Woody Allen. D’autres alternatives existent sans doute. Quid par exemple des débouchés autres que le Cognac ? Faut-il les immoler sur l’autel du Cognac sans autres formes de procès ? Peut-on compter sur le plan d’adaptation de la viticulture charentaise pour les sauver du naufrage ? (voir les interviews de Pierre Guyot et Jean-Michel Naud, pages 17 à 21).
Après la petite récolte 2007 « qui a appuyé là où ça fait mal », la perplexité est dans tous les esprits, une perplexité encore avivée par des changements vécus en accéléré. En à peine quelques semaines, les cours du marché contractuel des vins Cognac ont grimpé au minimum de 7 % tandis que certains contrats de bonne fin en jeunes comptes s’enlevaient 20 % au-dessus du cours précédent. Dans le même temps, le prix des eaux-de-vie vieilles sur le marché spot semblait se stabiliser, après des mois de hausses ininterrompues. C’est avec ces signes parfois contradictoires, propre aux périodes de transition, que le viticulteur va devoir composer. Se présente à lui un nouveau challenge : l’art de ne pas gâcher les opportunités. Ce serait trop dommage. Mais gérer une certaine opulence ne se révèle pas toujours une sinécure, surtout quand on en a perdu l’habitude.
Plantation anticipée L’exploitation ne perd pas ses DPU
Le mécanisme de la plantation anticipée consiste à planter une jeune vigne alors que la vieille vigne génératrice des droits de plantation correspondants n’a pas encore été arrachée. Le viticulteur a jusqu’au 15 juin de la deuxième campagne suivant la plantation pour procéder à l’arrachage, ce qui lui procure un « bonus » de production d’environ un an et demi. Question : est-ce que les DPU (droits à paiement unique) existant sur la parcelle nouvellement plantée sont perdus ? Non. La PAC versus 2003 prévoit que les DPU puissent être conservés « dormants » – sans être activés – pendant une durée de trois ans, sans pour autant remonter à la réserve départementale, voire nationale. Cette période de trois ans dépassant largement le délai prévu, dans le cadre de la plantation anticipée, pour procéder à l’arrachage, l’agriculteur conservera donc ses DPU. Reste que la parcelle arrachée, jusqu’alors en vigne, va devoir faire l’objet d’une demande de transfert d’éligibilité, pour bénéficier de l’aide couplée qui s’appliquait précédemment à l’ancienne parcelle en culture, plantée depuis. Cette demande de transfert d’éligibilité répond à un certain formalisme : elle doit être faite auprès de la DDAF au moment de l’arrachage de la vieille vigne, accompagnée de la déclaration d’intention d’arrachage. Date limite de dépôt des dossiers : le 1er février de la deuxième campagne suivant la plantation anticipée. Pour procéder au transfert d’éligibilité, la DDAF vérifiera que la parcelle ayant été plantée en vigne de façon anticipée était bien éligible aux aides PAC (qu’elle nétait pas occupée précédemment par des bois, cultures pérennes ou surfaces non agricoles).
Scotch Un Prix De La matière première qui décolle
Le grain, une matière inépuisable et peu chère… on aurait pu le croire. Mais une faible récolte de céréales associée à une demande alimentaire mondiale véloce et de bonnes performances commerciales des Whiskies a accouché d’un cours de la matière première qui grimpe, qui grimpe.
Ce qui se passe pour le Cognac se passe aussi pour le Whisky écossais. Les habitants des pays émergents ont envie de boire des alcools « exotiques ». C’est en Asie, en Amérique latine et en Inde que le Scotch Whisky rameute ses plus gros bataillons de primo-accédants aux alcools importés de qualité. Car, quitte à se faire plaisir, ces nouveaux consommateurs choisissent des produits statutaires, où la marque et le prix servent de repères. Bonne affaire pour les marques de Scotch Whiskies qui ne rechignent pas à hausser leur prix mais piochent aussi davantage dans les stocks, montée en gamme oblige. Si on y associe la grimpette du prix des céréales (orge, blé) pour cause de petite récolte et la recrudescence de la demande alimentaire mondiale, on a quelques-uns des ingrédients qui expliquent l’emballement des prix d’achat sur l’ensemble des blends et des malts, de + 30 à + 70 % sur certaines qualités. Conséquence : les robinets sont moins abondants, voire se ferment pour les Whiskies de premiers prix, les producteurs et distillateurs préférant réserver leur « jus » à des produits à forte marge. Si les grandes marques conservent une valeur ajoutée intéressante, la marge s’effrite sur les entrées de gamme. « Est-ce le début d’une vague spéculative pour le Whisky “made in Scotland” ? » s’interroge-t-on d’Edimbourg à Paris. Pour les marchés d’entrée de gamme, la parade pourrait venir des Whiskey américain ou canadien qui bénéficient de coûts de production très compétitifs et de durée de vieillissement plus courte : deux années au lieu de trois pour le Scotch. Les Écossais gardent l’espoir d’obtenir dès l’an prochain de nouveaux stocks. Sans assurance sur le prix.
(Sources : « Rayon Boissons » – mensuel – septembre 2007)