la part des anges – vente aux enchères de cognacs

3 novembre 2009

Que la culture des uns rayonne sur la culture des autres. C’est le pari de cette vente aux enchères 2009 qui a lancé un pont entre le Cognac, emblématique d’un savoir-faire pluri-centenaire et l’Institut de France, incarnation du prestige culturel français.

L’Institut de France regroupe sous sa coupole cinq Académies : l’Académie française, l’Académie des inscriptions et belles lettres, l’Académie des sciences, l’Académie des beaux-arts, l’Académie des sciences morales et politiques. Ce beau et ancien vaisseau, qui plonge ses racines au 17e siècle (l’Académie française fut fondée en 1635), est ancré quai de Conti, dans le très classique « Collège des quatre Nations », fondé par Mazarin et construit sur les plans de Le Vau. En son sein, se niche la bibliothèque Mazarine. L’Institut de France, qui abrite une centaine de fondations, se pique « de n’avoir de compte à rendre qu’au président de la République. » Et avant la République, rois et empereurs furent ses protecteurs. Grâce aux dons et legs, l’Institut a la haute main sur une palette de lieux culturels, aussi riches que variés : musée Marmottan, musée Jacquemart-André, le château de Chantilly, la maison du peintre Claude Monet à Giverny, le château d’Abbadia à Hendaye, le château de Langeais en Touraine, la villa Ephrussi sur la Côte d’Azur… Pour entretenir ce patrimoine et les collections qu’il abrite, l’Institut de France s’appuie régulièrement sur le mécénat. C’est dans ce cadre que s’est forgé le lien entre Cognac et l’Institut. Les fonds récoltés lors de la soirée la « Part des Anges » du 17 septembre 2009 serviront à restaurer trois toiles accrochées aux cimaises du musée Condé de Chantilly : deux tableaux de Philippe de Champaigne (1602-1674) – portraits de Richelieu et de Mazarin – et un portrait de Louis XV par Prévost (1735-1804). Avec un tour d’esprit vif et léger, qu’il doit peut-être à ses origines pyrénéennes (il est né à Lourdes), Jean-François Jarrige, membre de l’Institut, président du collège des conservateurs de Chantilly, ancien directeur du musée Guimet, a rendu hommage au Cognac : « Si le château de Chantilly n’est pas directement lié à Cognac, Richelieu et Mazarin ont joué un rôle important dans cette région. Qui plus est, Cognac est l’un des produits les plus prestigieux qui soit, incarnation d’un savoir-faire, d’une tradition d’excellence. S’il y avait un lien à établir entre nos deux institutions, ce serait un lien d’élégance. » Arnaud d’Hauterives n’a pas désapprouvé ces propos. « Monsieur Le Perpétuel » – nommé ainsi en sa qualité de secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts – est l’archétype de la politesse à la française. Devant la gente féminine, surprise de le voir se ployer dans l’ébauche d’un baisemain…

la part des anges en son château

C’est devant le château de Bourg-Charente, propriété de la famille Marnier-Lapostolle, sur la prairie longeant la Charente, que s’est tenue la quatrième édition de la « Part des Anges ». Le choix du lieu résonnait en parfaite cohérence avec le thème culturel. D’ailleurs bon goût et raffinement donnèrent le ton de la soirée, sans l’ombre d’une fausse note. La date anniversaire des cent ans de l’appellation aura été fêtée dignement. En 2006, 200 personnes avaient participé à la première vente aux enchères de Cognacs. Le 17 septembre, ils étaient 500 à fouler la pelouse du château, négociants, viticulteurs, distillateurs, représentants des industries annexes du Cognac, collectionneurs… Pratiquement toutes les maisons de négoce de la place avaient investi l’événement, en réservant une ou deux tables à leurs invités. Si la cooptation est un genre qui se porte bien dans ce genre de manifestation, plusieurs personnes s’étaient inscrites en solo, histoire d’apprécier et de voir. Bloquée à 500, la liste des convives a été bouclée au mois de juin. Cette année, le prix du repas, concocté par Thierry Verrat (restaurant La Ribaudière) s’élevait à 100 €, dont 10 € destinés à l’Institut de France. La vente aux enchères mit en lice 24 Cognacs. La somme récoltée s’est élevée à 46 450 €, reversée en intégralité à la fondation. Dans une vente aux enchères de type caritatif, il est toujours difficile de tirer des indications des niveaux de prix atteints. De multiples éléments se mêlent : mise à prix de départ, surenchères du cercle d’amis de la marque, visées caritatives… Des Cognas ont toutefois recueilli de très belles enchères, tels l’Or de Jean Martel (5 500 €), la Très Vieille Grande Champagne Frapin (5 000 €), le 40 ans d’âge de Delamain (3 500 € avec une mise à prix de départ de 400 €), le Cognac Thomas Hine Grande Champagne 1975 (3 200 €), l’assemblage unique Hennessy (2 900 €), le Cognac Hardy (2 500 €), le Meukow (2 400 €)… La Fée du Paradis, l’objet fétiche de la vente, a atteint quant à elle 4 000 €. La statuette a été réalisée par une artiste colombienne, française d’adoption depuis 1990, demeurant à Chateaubernard (Charente).

Portrait d’Un Collectionneur

A La Chapelle-Bâton, petit village de la Gâtine niortaise, Michel Chasseuil est un grand collectionneur de vins devant l’éternel. A son trophée de chasse, il épingle aussi quelques très beaux flacons de Cognac et d’alcools de toutes origines. A l’invitation de Jérôme Durand, il assistait à la « Part des Anges », le 17 septembre dernier.
Michel Chasseuil, 67 ans, répugne au terme de collectionneur, un peu trop mercantile à son goût. S’il pouvait choisir, il s’inscrirait davantage dans la veine de ces encyclopédistes ou de ses bibliophiles, amoureux fous de l’objet livre. Lui, son dada, sa lubie, sa passion, c’est le vin et les alcools en général, de tous les pays du monde. Cette monomanie, il en hérite par hasard. Petit garçon, les pionniers de l’aviation le font rêver, Guynemer, Berlioz. Fidèle à ses premières amours, il monte à Paris où il vendra des Mirages pour Dassault. Dans les grands restaurants de la capitale, c’est honorer le client que lui offrir un grand vin, Château Petrus, Romanée-Conti. Michel Chasseuil se pique au jeu de l’œnophilie et devient artisan de sa propre collection. Les débuts de l’aventure remontent à quarante ans. En tant que collectionneur, il vivra une époque bénite de vingt années, à un moment où le vin ne fait pas tournée la tête de grand monde. « En 1975, j’ai acheté un Mouton-Rotschild 1945, un Cheval blanc 1947 – deux des plus grands vins du monde – 1 000 F la bouteille. Aujourd’hui ces vins valent 10 000 € la bouteille. » Entre-temps, le phénomène Parker sera passé par là. Au début des années 80, l’avocat américain Robert Parker a l’idée de noter les vins. D’un coup d’un seul, il aiguise les appétits de tous les magnats de la planète qui se toquent d’engranger des grands vins… à tout prix. « Les tarifs se sont trouvés multipliés par dix. Les milliardaires américains, canadiens, japonais passent leurs ordres d’achat à leurs directeurs de cabinet, qui assèchent le marché… Aujourd’hui, il n’y a plus grand-chose à acheter. » M. Chasseuil s’en console assez facilement. « Ma chance à moi fut de commencer vingt ans avant eux. » Aujourd’hui, il règne sur une collection de 30 000 bouteilles, parmi les plus rares et les plus belles au monde. Son souhait ! Créer un conservatoire où ces flacons seraient traités un peu à l’égal d’un « patrimoine mondial de l’humanité ». Ce conservatoire, il le verrait bien camper dans un lieu prestigieux, comme Saint-Emilion par exemple. « Des vins ont disparu à jamais, comme les vins de Syracuse, en Sicile ou les vins de Constantia en Afrique du sud. Autrefois, les vins pouvaient vieillir 100 ans. De nos jours, leur capacité à se bonifier ne dépasse pas 30 ans. En conservant ces grands témoins du passé, nous faisons œuvre de traçabilité. Nous travaillons pour les générations futures. » Et les alcools dans tout cela ? Michel Chasseuil s’avoue bien volontiers collectionneur de vin, d’abord et avant tout. « Mais, dit-il, je m’intéresse aussi aux alcools et, dans une vente aux enchères consacrée à 99 % au vin, j’ai la part belle d’acquérir la bouteille de Cognac ou d’Armagnac. » C’est ainsi qu’il détient un Cognac de 1789, un autre de 1790, des Cognacs de 1805, 1811, des bouteilles de Bisquit-Dubouché de 1858, à l’époque plus importante maison de Cognac. Parmi ses trésors, il possède aussi une carafe Louis XIII Rémy Martin du début du siècle, la Rabelais de Frapin… en tout environ 200 bouteilles de Cognac. C’est Jérôme Durand, directeur du service communication du BNIC, qui l’a invité à la « Part des Anges ». Michel Chasseuil n’a rien acheté – « en tant que collectionneur, je ne suis pas très riche. J’achète au plus bas prix, sans possibilité d’ajouter une prime au caritatif » – mais il s’est dit ravi de participer à la soirée. « J’ai rencontré Philippe Forbach, meilleur sommelier de France. Je serais très heureux que des maisons de Cognac pense à moi quand elles organisent des dégustations. » En homme qui s’intéresse plus au contenu qu’au contenant, il a relevé, parmi les belles pièces de la vente, le n° 9 d’A.E Dor, le Cognac Frapin, d’autres bouteilles encore. Par contre, il a regretté que des bouteilles atteignent dix fois leur prix inscrit au catalogue. « C’est un peu consubstantiel des ventes caritatives mais de tels écarts de prix brouillent le message et peuvent même gêner les maisons qui en sont les pseudo bénéficiaires. Il s’agit d’une perte de cohérence. »
En avril 2010, aux éditions Glénat, va sortir un livre sur la collection de Michel Chasseuil. Son titre, en forme d’hyperbole : « Les 100 bouteilles mythiques de la cave la plus belle du monde. » Pour l’heure, le sexagénaire reçoit chez lui, dans son petit village, journalistes et équipes de télévision. Et communique quotidiennement aux antipodes à l’aide de son fax. « Je ne veux pas d’internet. Sinon je resterai rivé à mon bureau, comme tout le monde. »

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