L’entretien des sols redevient un sujet de préoccupation important dans la région de Cognac et les méthodes de travail actuelles, désherbage chimique du dessous des rangs associé à de l’enherbement ou à du travail mécanique superficiel, risquent d’être remise en cause dans les années à venir. Le renchérissement du désherbage chimique, un choix de plus en plus limité de matières actives résiduaires et foliaires, un contexte sociétal et réglementaire incitant à limiter l’utilisation des intrants phytosanitaires, la montée en puissance de contraintes environnementales et la succession de printemps et d’étés secs pénalisant les parcelles totalement enherbées sont des éléments qui risquent de « bousculer » les habitudes de travail du sol dans le modèle vignes larges charentaises.
L’entretien des sols viticoles en pleine évolution
Les pratiques d’entretien des sols en Charentes reposent actuellement sur deux approches à la fois distinctes et associées, l’une concernant l’interligne des rangs et l’autre le cavaillon. Plus de 90 % des vignes de la région délimitée sont désherbées sous le rang avec des stratégies reposant généralement sur deux traitements, l’un au printemps et un second en juin- juillet pour assurer un rattrapage sur une diversité d’herbes devenues difficiles à contrôler. La pratique du désherbage chimique en plein durant toute l’année est en nette régression depuis une quinzaine d’années. Le désherbage en plein n’est plus mis en œuvre que de façon ponctuelle pour faire face à une situation exceptionnelle de mauvaise portance des sols et de flore devenue trop envahissante et difficile à détruire avec d’autres moyens. Il arrive qu’au printemps un désherbage en plein avec un herbicide foliaire utilisé à dose réduite soit réalisé dans des terrains sensibles à la chlorose pour retarder la reprise mécanique des sols d’un bon mois. Cela permet de cultiver la terre en conditions sèches et de limiter les risques de chlorose ferrique. L’enherbement des interlignes couvre environ 60 % des surfaces mais avec de fortes disparités selon la nature des sols. Dans les doucins, la présence d’un enherbement spontané dans toutes les allées reste largement dominant alors que dans les terres de champagne, cette pratique a connu une régression depuis les années sèches 2003 et 2005. Beaucoup de propriétés se sont remises à cultiver de façon superficielle une allée sur deux à partir de fin mai pour limiter les phénomènes de concurrence en eau liés au couvert végétal si l’été est ultérieurement sec. Dans les terres de groie, une majorité des interlignes est entretenue mécaniquement à partir d’avril-mai car les réserves hydriques sont faibles et la réalisation d’interventions mécaniques superficielles est facile à mettre en œuvre. Dans ce type de sol filtrant, l’utilisation d’outils à dents, à disques assurant un travail superficiel sur 5 à 10 cm maximum donne d’excellents résultats.
Est-il possible d’aller plus loin dans la remise en cause des pratiques de désherbage chimique ?
Les méthodes d’entretien des sols actuelles sont adaptées au fonctionnement des propriétés de la région qui recherchent en permanence des gains de productivité. Le désherbage chimique du dessous des rangs tout au long de l’année permet aux viticulteurs de gérer ensuite très facilement l’entretien des interlignes. Tenir propre l’interceps des rangs toute l’année en mettant en œuvre deux applications d’herbicides par an réalisées rapidement (20 à 30 minutes/ha en vignes larges en traitant 2 rangs complets) et avec une certaine souplesse dans le temps ont permis de libérer les responsables des propriétés d’une charge de travail importante au printemps. Le désherbage chimique du dessous des rangs est une pratique qui reste très « rentable » même si le coût des herbicides a augmenté ces dernières années. Dans de telles conditions, est-il envisageable dans la région de Cognac d’aller plus loin dans la remise en cause du désherbage chimique ? Cette question est de pleine actualité au vu des récentes conclusions du Grenelle de l’environnement. L’objectif de réduction de 50 % de l’utilisation des intrants phytosanitaires aura inévitablement des conséquences sur les pratiques d’entretien des sols d’ici 5 à 10 ans. Minimiser l’utilisation des herbicides est d’ores et déjà une piste de réflexion à travailler. Ne faut-il pas réduire les largeurs désherbées sous les rangs ? Ne pourrait-on pas envisager d’aborder l’entretien du dessous des rangs en associant une intervention ponctuelle de désherbage chimique au printemps à du travail mécanique ou de la tonte le reste de la saison ? L’implantation au niveau du cavaillon d’un couvert végétal non pénalisant sur le plan des réserves hydriques est peut-être aussi une alternative à étudier dans les sols plus profonds ? Certaines exploitations conventionnelles de la région envisagent et essaient déjà de ne plus utiliser d’herbicides au niveau de l’interceps. Elles ont fait le choix de revenir au tout mécanique sous le rang. Les viticulteurs bio le font depuis longtemps mais généralement sur des propriétés de surfaces ne dépassant pas 20 ha, ce qui permet de prendre les sols au bon moment à partir de la mi-mars pour ne pas se laisser déborder par l’herbe. Le retour du travail mécanique permanent au niveau de l’interceps ne risque-t-il pas de faire augmenter les coûts de production ? Les disponibilités limitées en main-d’œuvre permanente sur de nombreuses propriétés permettront-elles d’avoir une capacité d’intervention suffisante au printemps pour cultiver toutes les parcelles au bon moment ? Travailler les sols de début mars à fin mai reste beaucoup plus complexe car certaines années la fréquence des périodes pluvieuses limite les plages d’interventions et le risque d’être débordé par l’herbe sur des propriétés de 30 à 50 ha est réel. L’apparition de nouvelles générations de matériels permettra-t-elle de reprendre les sols au printemps plus facilement et en étant moins dépendant des conditions d’état du sol ? Combien d’interventions mécaniques faudra-t-il réaliser pour « tenir » le dessous des rangs correctement sans rechercher l’absence totale d’herbe ?
Plusieurs interventions d’experts du travail du sol le 21 mai
L’objectif de la Rencontre Viticole de Cognac du 21 mai est d’alimenter les réflexions sur tous ces sujets grâce à plusieurs interventions de techniciens et d’ingénieurs experts dans ces domaines, et ensuite par la présentation d’un essai d’équipements de travail mécanique. La manifestation commencera en début d’après-midi par des communications en salle d’intervenants qui proposeront au public des pistes de réflexions autour des différentes pratiques d’entretien des sols. M. Lionel Dumas Lattaque, conseiller viticole à la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime, présentera une analyse détaillée des pratiques d’entretien des sols dans la région délimitée. Le contexte de production vignes larges a engendré le développement d’itinéraires culturaux spécifiques, le développement de l’enherbement depuis une quinzaine d’années dans les terres de champagne et les doucins, le recul du désherbage en plein, le désherbage sous le rang de 90 % des surfaces, des spécificités de méthodes de culture dans le Pays Bas, dans les groies légères…
La gestion de l’enherbement des interlignes est aussi devenue un sujet de préoccupation avec la succession d’étés secs. Vincent Dumot, de la Station Viticole du BNIC, consacrera son intervention à cette thématique en s’appuyant sur des résultats d’essais régionaux. L’utilisation des herbicides est aussi devenue un sujet sensible à la fois sur le plan réglementaire et technique. Cécile Bernard et Grégory Martonnaud, les deux conseillers viticoles de la Chambre d’agriculture de la Charente, présenteront le contexte réglementaire de l’utilisation des herbicides et différents résultats d’essais de stratégies de lutte visant à utiliser de façon raisonnée et raisonnable les spécialités foliaires et de pré-levée. La piste de réflexion visant à associer au niveau du dessous des rangs une application de désherbage chimique au printemps à deux ou trois passages de lames au cours de l’été fera aussi l’objet d’une communication. Le dernier sujet qui sera abordé est bien le travail mécanique de l’interceps des rangs qui connaît depuis dix ans une profonde évolution à la fois au niveau des équipements utilisés et de l’approche agronomique de culture. Christophe Gaviglio, l’ingénieur de l’IFV Sud-Ouest spécialiste national de cette thématique, fera une intervention sur la mise en œuvre du travail mécanique dans les vignes larges en s’appuyant sur des travaux menés dans le vignoble de l’Armagnac.
Présentation de l’essai et démonstration du matériel au Domaine de Gallienne
La deuxième partie de cette après-midi sera consacrée à la présentation d’un essai de reprise des sols après 15 ans de désherbage chimique sous le rang avec divers équipements de travail mécanique interceps. Ce test a été mis en place sur le vignoble de Gallienne par Matthieu Sabouret, conseiller en machinisme de la Chambre d’agriculture de la Charente, et Grégory Martonnaud, technicien viticole à la Chambre d’agriculture de la Charente. L’idée de départ était en quelque sorte de se placer dans les conditions de la pratique pour construire une expérimentation visant à évaluer l’efficacité technique et les coûts de diverses stratégies de reprise mécanique des sols. Une évaluation de la flore dans la parcelle a eu lieu avant l’essai et ensuite le niveau de repousse des herbes sera suivi au bout de 30, 45 et 60 jours après le passage des différents outils.
Le test a eu lieu le 5 mai dernier en présence de différents constructeurs diffusant des équipements dans la région, les sociétés Arriza, Boisselet, Boisumault, Clemens et Egretier. Différents types d’équipements, des lames, des décavaillonneurs et des outils rotatifs ont été testés sur le même site et un jury de quatre personnes constitué de techniciens et de viticulteurs a réalisé des observations sur la qualité immédiate du travail, la mesure de la vitesse d’avancement, l’état de dégradation du couvert végétal, la profondeur de travail, le taux de blessures au niveau des ceps, la qualité de l’effacement au niveau des souches, le degré d’ameublissement du sol… Les deux tondeuses interceps des sociétés Avif 33 et Boisselet ont été également testées dans le cadre de cet essai. Par la suite, les observations de qualité de destruction de la flore se poursuivront au cours du cycle végétatif et cela débouchera sur un compte rendu d’essai complet en fin de saison. Les résultats de ces premières observations seront présentés lors de la journée du 21 mai et le public pourra aussi voir fonctionner l’ensemble des équipements sur le vignoble de Gallienne.
Rencontres Viticoles De Cognac
Le point sur l’entretien des sols : Désherbage chimique, enherbement et travail du sol
− Accueil des participants à partir de 13 h 30.
− Ouverture des débats à 14 heures par M. Bernard Guionnet, le président du BNIC.
Les thèmes de la conférence de 14 heures à 16 heures :
– Les pratiques actuelles d’entretien des sols dans le vignoble de Cognac. Lionel Dumas Lattaque, de la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime.
– L’enherbement utile ou nuisible : jusqu’où peut-on aller ? Vincent Dumot, de la Station viticole du BNIC.
– Le nouveau contexte réglementaire de l’utilisation des herbicides lié au plan Ecophyto. Cécile Bernard, de la Chambre d’agriculture de Charente.
– Présentation d’essais herbicides foliaires, de pré-levée et de stratégies alternées herbicides + entretien des sols mécaniques de l’interceps.Grégory Martonnaud, de la Chambre d’agriculture de la Charente (à confirmer).
− Le travail du sol interceps : stratégies, mise en œuvre et coût. Christophe Gaviglio, de l’IFV pôle Sud-Ouest.
– Discussion avec la salle.
− Présentation d’un essai au vignoble d’équipements d’entretien mécanique du cavaillon et démonstration des matériels : Grégory Martonnaud, Chambre d’agriculture de la Charente (à partir de 16 heures).
− Comparaison d’utilisation de divers principes de matériel après 15 années de désherbage chimique, un décavaillonneur (Egretier), un outil polyvalent de décavaillonnage et de travail superficiel (lame et rotatif) (Boisselet), une lame interceps (Clemens), deux outils rotatifs (Arriza et Boisumault) et deux tondeuses (Avif 33 de type roto-fil et Boisselet à couteaux).
Renseignements et inscriptions : accès gratuit à la manifestation. Pour les inscriptions, prendre contact avec l’IREO de Richemont : 05 45 83 16 49.
Les organisateurs de la journée : la revue « Le Paysan Vigneron » et l’IREO de Richemont.