L’étude des conditions d’utilisation des tunnels de pulvérisation

30 août 2016

                

        Les ventes de tunnels de pulvérisation ventilés connaissent un fort développement depuis quelques années dans la région de Cognac qui est à relier à la montée en puissance des problématiques de respect de l’environnement. L’utilisation de ces pulvérisateurs nécessite des approches différentes des réglages qui ne sont pas encore réellement formalisées. Quelles sont les conditions idéales d’utilisation de ces appareils ? La maison Hennessy a conduit au cours du cycle végétatif 2 015 une étude pour mieux appréhender le pilotage de ces pulvérisateurs innovants en s’appuyant sur les retours d’expériences de propriétés viticoles.

L’utilisation des tunnels de pulvérisation confinés connaît dans la région de Cognac un réel développement depuis trois ans ce qui traduit une évolution profonde des pratiques de protection du vignoble. Les viticulteurs Charentais qui regardaient avec circonscription ces équipements jusqu’en 2012 en sont devenus des promoteurs. Les recoupements de diverses informations auprès des constructeurs et des concessionnaires de la région ont permis d’estimer les ventes au cours de la campagne 2015-2016 autour de 100 modèles pour un marché total de 140 à 150 pulvérisateurs. Au cours du cycle végétatif 2016, 200 tunnels de pulvérisations confinés sont utilisés durant toute la saison pour assurer la mise en œuvre des programmes de traitements. L’importance des surfaces traitées avec ces équipements se situerait autour de 5000 à 6000 ha et réellement, ces équipements suscite de plus en plus d’intérêt. Des viticulteurs qui disaient ouvertement il y a peu, que ces appareils leur paraissaient totalement inadaptés aux vignes Charentaises, les utilisent et leur trouvent de véritables vertus.

 

 

 

  La notion « du bon traitement » en pleine évolution

 

        La montée en puissance des débats sur les conséquences néfastes de l’utilisation des pesticides est entrain de renforcer la dynamique de sensibilisation au niveau sur l’amélioration des conditions de pulvérisation. Dans l’univers viticole, la technicité des conditions d’application des traitements est un sujet récurant qui ne représentait pas un centre d’intérêt majeur pour beucoup de viticulteurs jusqu’à ces dernières années. La notion du bon traitement se limitait souvent à une recherche de performances du pulvérisateur pour « couvrir large et vite » 20, 30, 50 ha dans la journée avec un seul appareil. Cette culture de la productivité dans l’organisation des chantiers de pulvérisation a souvent occulté les aspects qualitatifs.

 

Des protocoles précis pour apprécier la qualité de la pulvérisation

 

        Le développement par les techniciens viticoles depuis 15 ans de beaucoup d’initiatives pour créer une sensibilisation sur le sujet qualité de la pulvérisation a commencé à faire évoluer les choses doucement. Indéniablement, le développement par l’IFV, L’IRSTEA, les chambres d’agriculture de protocoles techniques d’évaluation des performances des pulvérisateurs permettant de quantifier précisément les quantités de matière actives réellement appliquées sur la végétation, les pertes dans l’atmosphère et au niveau du sol représentent des données essentielles pour optimiser les conditions de réglages des appareils. Depuis 5 à 6 ans, le contexte a véritablement changé dans l’ensemble des régions viticoles. La mise en œuvre du plan Ecophyto 1 qui avait fixé des objectifs de réduction de traitements très difficiles à atteindre  dans les vignobles de la façade Atlantique a eu le mérite de formaliser une nouvelle dynamique de la conduite de la protection du vignoble. Des moyens financiers ont été débloqués pour développer de nombreuses initiatives de recherche techniques fondamentales et de terrain.

 

La mise en œuvre des traitements de plus en plus réglementée

 

        Les débats de plus en plus étayés et aussi parfois polémiques sur le sujet pesticides montent en puissance au fil des années et des problèmes de santé publique commencent à être « pointés du doigt » au cœur de nos régions production. La généralisation des procédures de dosage des résidus de pesticides dans l’air  dans les régions viticoles est une étape supplémentaire qui vient nourrir ce débat. Indéniablement, la mise en œuvre des traitements rentre dans une aire plus complexe qui commence à être réglementée. Au printemps dernier, des arrêtés préfectoraux ont été pris en Charente, en Charente Maritime et en Gironde pour encadrer la mise en œuvre des traitements autour des lieux publics (notamment à proximité des écoles). Traiter de façon plus efficace en conciliant les enjeux de production aux respects de l’environnement et aux problématiques de santé devient une préoccupation de premier plan.

                                                                           


       

Le forum pulvérisateurs a validé la qualité de pulvérisation des tunnels confinés

 

        L’organisation du forum pulvérisateurs tous les deux ans par les chambres d’agricultures de Charente et de Charente Maritime et L’IFV Aquitaine a permis de tester depuis 10 ans plus de cinquante appareils différents, des pneumatiques, des jets portés et des tunnels ventilés. La synthèse de ces essais en conditions de plein champs dans des vignes hautes et larges Charentaises a révélé l’importance d’optimiser les réglages des appareils. Cela a débouché sur la définition de paramètres d’utilisation des diverses familles d’équipements. La notion très importante de qualité de la pulvérisation est désormais mieux appréhendée dans un contexte de vignoble très végétatif. Les acquisitions de connaissances ont permis aux viticulteurs de bien prendre conscience que chaque « famille » de pulvérisateurs donne satisfaction dans la mesure où certains paramètres sont respectés (vitesse d’avancement maximum, buses adaptées au type de végétation, volumes d’eau hectares modulées selon les conditions climatiques lors des applications, …). Par exemple, des pulvérisateurs face par faces pneumatiques ou à jets portés très bien réglés ne positionnent que 60 % de la bouillie dans la végétation en pleine saison. Des pertes aux sols et dans l’atmosphère atteignant 40 % représentent un élément à ne pas sous-estimer vis-à-vis de la qualité des traitements et du devenir des quantités de produit perdues. L’offre actuelle de tunnels de traitements ventilés a été testée sur le site de Juillac-Le-Coq ce qui a permis d’apprécier de façon juste les performances et les spécificités d’utilisation de ces équipements. Les résultats ont confirmé la qualité de pulvérisation, la limite des dérives et des conditions de fonctionnement bien différentes des autres catégories d’appareils.

 

Le vignoble De La Bataille utilise avec succès depuis 4 campagnes un tunnel confiné

 

        L’intérêt des viticulteurs Charentais est sans aucun doute lié à deux éléments principaux, une forte limitation des dérives de pulvérisation lors des 4 à 5 premiers traitements et le taux de récupération de bouillie. Ce dernier permet de réaliser des économies de produits substantielles en début de saison et qui n’excèdent pas 10 à 15 % maximum lors des dernières applications. La maison Hennessy utilise depuis 2012 un tunnel de pulvérisation confiné Bertonisur le vignoble de La Bataille. Me Sandrine Weingartner, la responsable recherche, audit et conseil en viticulture et les responsables du vignoble, ont conduit une étude approfondie pour apprécier les performances de cet appareil par rapport à la référence de cette propriété, un pulvérisateur pneumatique KWH face par face. L’étude a porté sur différents aspects, le taux de récupération (à chaque traitement et au cours de la saison) les réductions de doses et l’efficacité de la protection. Un suivi biologique au vignoble a été mis en place sur les deux principales maladies, le mildiou et l’oïdium. Les résultats durant les cycles végétatifs 2 012, 2 013, 2 014 et 2 015 ont mis en évidence la bonne efficacité de la pulvérisation avec les deux appareils. L’utilisation du tunnel Bertoni a permis de réaliser une réduction des IFT fongicide variant de 28 à 42 % selon les années.

 


 

Capitaliser sur le savoir-faire en matière d’utilisation des tunnels de pulvérisation

 

        La maison Hennessy forte de son expérience sur son propre vignoble a souhaité pousser plus loin la réflexion sur les tunnels de pulvérisation confinés en matière de connaissances et de maîtrise de l’utilisation de ces équipements. Mikaël Anneraud, le responsable des visites techniques en viticulture et œnologie (audit ODG, Sécurité alimentaire, transmission de données techniques, activité de conseils) auprès des livreurs qui travaille sur différents sujets d’expérimentation et sur la mise en œuvre de nouvelles pratiques dans le cadre d’études de terrain a été chargé de travailler ce dossier au cours du cycle végétatif 2 015. Le souhait des équipes d’Hennessy était de capitaliser sur les conditions d’utilisation de divers tunnels de pulvérisation par des viticulteurs différents. Les propos de S Weingartner et M. Anneraud permettent de comprendre la finalité de l’étude conduite au cours du cycle végétatif 2015 : « Nous avons voulu regarder comment les gens utilisaient les tunnels chez eux. Les références en termes de réglages, d’efficacité, de niveau de récupération acquises avec le tunnel Bertoni dans la propriété de la Bataille devaient être confirmées dans d’autres exploitations viticoles Charentaises . Notre objectif a été de capitaliser sur le savoir-faire en matière d’utilisation des tunnels de pulvérisation en s’appuyant sur les retours d’expériences d’un groupe viticulteurs ».


Un test d’utilisation au champs sur 7 propriétés en 2015

 

        Un groupe de 6 partenaires a été constitué avec en plus le domaine de La Bataille pour réaliser un suivi complet de différents tunnels durant tout le cycle végétatif 2015.   Les exploitations utilisaient des tunnels de pulvérisation de 5 marques différentes (Bertoni, Duhgues, Friuli, Grégoire et Lipco), dans diverses zones de la région (dans 5 crus), dans des conditions de sols différentes et sur des vignobles de surfaces allant de 20 à 90 ha. Les vignes de ces exploitations étaient représentatives du standard Charentais, des vignes hautes et larges palissées vigoureuses (de 2,50 à 3 m d’écartement). Toutes les propriétés sauf une (celle de 20 ha) utilisaient aussi un autre matériel de pulvérisation traditionnel ce qui a permis d’avoir des références. La méthodologie de l’essai qui a été mis en place sur chaque exploitation a permis d’une part de suivre et d’enregistrer tous les paramètres d’utilisation des matériels et d’autre part de mettre en place un suivi biologique dans deux parcelles, l’une traitée avec le tunnel et l’autre avec le pulvérisateur traditionnel. Un stagiaire en master d’agronomie a assuré le suivi de cette expérimentation de plein champ de la mi-avril au début des vendanges. Le jeune étudiant a passé beaucoup de temps pour effectuer les suivis d’efficacité biologiques des stratégies de traitements dans les 13 parcelles (au niveau des quatre maladies principales de la vigne, le mildiou, l’oïdium, le black-rot et le Botrytis).

 

Des stratégies de traitements différentes

 

        Dans chaque propriété, les viticulteurs ont mis en œuvre leur propre stratégie de traitements en termes de choix de produits, de cadences d’application et de gestion des doses. S Weingartner et M. Anneraud expliquent que dans cet essai, l’objectif était justement de ne pas demander aux viticulteurs de modifier leurs méthodes de conduite de la protection du vignoble : « Notre souhait était justement de laisser les viticulteurs mettre en œuvre la protection selon leurs principes habituels. Le retour d’expérience des gens devait incarnait leur approche du pilotage de la protection et sans le savoir au départ, nous avons eu la chance d’être confronté à des philosophies de travail bien différentes. Une propriété a piloté l’emploi des produits en se référant aux doses homologuées modulées uniquement tout au long de la saison par le taux de récupération de bouillie. Deux exploitations ont choisi de moduler les doses de produits en intervenant à la fois sur le taux de récupération et le volume de végétation. Enfin quatre viticulteurs ont considéré que compte tenu de la meilleure qualité de pulvérisation avec les tunnels, ils pouvaient moduler les concentrations de produits en réduisant à la fois, les doses de produits au départ, puis en tenant compte du volume de végétation et du niveau de récupération de bouillie. Ces différences d’approches qui traduisent la réalité de la mise en œuvre des stratégies des traitements, ont représenté des conditions pertinentes pour notre étude ».


Des tests de la qualité de la pulvérisation en début de campagne

 

        Avant le début de la campagne de traitements, la qualité de pulvérisation de chaque appareil (les tunnels et les pulvérisateurs traditionnels) a été testée avec le système Qualidrop développé par la société Syngenta. Le dispositif se compose d’un kit comportant des plaques verticales noires rigides qui représentent les plans de la végétation. Ensuite, une pulvérisation de bouillie est effectuée avec un mélange d’eau additionnée d’argile blanche (ou de talc) sur les plaques qui font office de récepteur. Cela permet de visualiser instantanément la répartition et la taille des gouttelettes. Le nettoyage des plaques très faciles avec de l’eau et une éponge permet de renouveler le test sans aucunes contraintes. Les résultats des contrôles dans les 6 exploitations ont été parfois encourageants et d’autres fois décevants. Cela a permis d’optimiser les réglages des appareils afin que les traitements soient ensuite réalisés dans les meilleures conditions. Les observations du suivi biologique du développement des maladies ont été effectuées à quatre périodes, la floraison, la fermeture de la grappe, la véraison et juste avant la récolte. Le jeune étudiant a réalisé des comptages précis de fréquence et d’intensité d’attaque sur 200 feuilles et 200 grappes dans les 13 parcelles.

 

      

De bonnes performances en termes de qualité de la pulvérisation et d’efficacité des traitements

 

        À l’issue du cycle végétatif 2015, les conclusions de l’étude n’ont pas révélé de différence d’efficacité de la protection vignoble entre les deux familles d’appareils durant toute la saison sur 12 sites sur 13. Un seul bloc traité avec un tunnel a été touché par une attaque foliaire de mildiou en sommet de végétation début juillet suite au bouchage d’une buse. Le viticulteur s’était d’ailleurs aperçu de cet incident à la fin du traitement par la présence d’un volume de bouillie restant inhabituel. Les performances en termes de qualité de pulvérisation et d’efficacité des stratégies de traitements avec les tunnels se sont avérées équivalentes aux appareils traditionnels tout en ayant réalisé des économies de produits significatives. Le taux de récupération de bouillie des 7 appareils a été calculé à chaque traitement et ensuite sur l’ensemble de la campagne. Pour l’ensemble des 7 tunnels, il se situe en moyenne entre 35 à 40 %. Cette donnée confirme les résultats observés avec le tunnel Bertoni durant 4 ans au domaine de La Bataille ou le niveau de récupération moyen était de 36 %. La notion de taux de récupération est très dépendante des conditions d’utilisation de l’appareil et tout particulièrement du nombre de buses ouvertes (selon la hauteur de végétation) et de la vitesse d’avancement.

 


Le raisonnement des stratégies de lutte génère des économies de produit supplémentaires

 

        Il n’a été observé aucuns phénomènes de phytotoxicité mêmes lorsque les traitements ont été effectués en conditions chaudes. Les risques d’effets de concentration de bouillie en fin de cuve liés au recyclage des volumes récupérés ne semblent pas avérés. L’étude a démontré l’efficacité des panneaux récupérateurs vis-à-vis des phénomènes de dérives au niveau du sol et dans l’atmosphère. La récupération de bouillie représente une part significative des économies de produits mais certains viticulteurs en poussant les réflexions de raisonnement de la lutte ont réduit plus fortement les consommations de fongicides. Les réductions d’utilisation de produits les plus importantes sont intervenues dans les exploitations ou le raisonnement de la lutte est le plus optimisé.

 

Attention à la qualité des réglages qui sont complexes et essentiels

 

        L’étude a aussi mis en évidence que les tunnels de pulvérisation ventilés sont des équipements complexes à utiliser. En moyenne, les 7 utilisateurs ont traité une vingtaine d’hectares en 8 à 9 heures de travail dans les vignes. L’intervention de réglages des pulvérisateurs en début de saison a permis d’améliorer les performances des équipements. La plupart des viticulteurs ont fait part de l’insuffisance d’informations sur les conditions de réglages des appareils par les concessionnaires et les constructeurs au moment de l’acquisition des tunnels. Leur retour d’expérience a permis d’observer que les modalités des réglages et leur évolution au fil de la saison selon le volume de végétation doivent être abordées d’une façon bien différente des principes utilisés avec des pulvérisateurs traditionnels. La maîtrise des débits, la qualité de la filtration et le choix des buses nécessitent beaucoup d’attention et la mise en œuvre de nouvelles études devrait permettre d’avancer sur ces sujets.

                                                                  


 

        Les éléments clés de l’étude Hennessy sur les tunnels de pulvérisation :

 

– Une étude réalisée en 2015 dans 7 propriétés utilisant marques différentes de tunnels de pulvérisation Bertoni, Duhgues, Friuli, Grégoire et Lipco)

– Des vignobles représentatifs des conditions culturales Charentaises et répartis dans des sols de natures différents

– Un suivi des conditions d’utilisation des tunnels comparé à un pulvérisateur classique dans 6 exploitations sur 7

– Une étude commencée au mois d’avril et terminé en octobre

– La qualité de pulvérisation de tous les appareils a été testée avec le système Qualidrop en début de campagne.

– Un suivi concernant les conditions d’utilisation des matériels et l’efficacité biologiques des stratégies de traitements (mildiou, oïdium, Black rot et botrytis).

– Les stratégies de protection du vignoble mises en œuvre correspondent aux méthodes de lutte habituelles des viticulteurs.

– Le suivi biologique de parcelles par propriété, celle traitée avec le tunnel et une seconde protégée avec un pulvérisateur traditionnel

– Des résultats qui démontrent l’efficacité des tunnels de pulvérisation et l’importance des démarches de raisonnement de la lutte

– Un taux de récupération moyen de bouillie de 35 à 40 %

– La bonne maîtrise des réglages (vitesse d’avancement, type et nombre de buses ouvertes, débit s/ha, ….) est déterminante.

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