C’est l’histoire d’un avatar annoncé. Dès l’an dernier, chacun savait, entre Saintes et Rouillac, que des rendements excessifs sur les « autres débouchés » allaient se traduire par un « clash ». Pas manqué ! Les vins du Sud-Ouest, du Gers voire du Muscadet se sont transformés en Torquemada de la région délimitée, accusée selon eux d’avoir « savonné » pour ne pas dire saboté le marché des vins de table. En ligne de mire, les « rendements aberrants » perpétrés par une poignée de viticulteurs charentais. Si l’accusation de déstabilisation des marchés mérite sans doute d’être tempérée (voir réactions d’Hervé Pogliani, président du Syndicat des vins de table page 11), elle n’en recèle pas moins une part de vérité. Par ailleurs, aux yeux de beaucoup, le discrédit jeté sur la région de Cognac justifierait à lui seul de « redresser la barre ».
D’où « l’appel du 16 juin ». Réunie à cette date en assemblée plénière, l’interprofession du Cognac a adopté un accord régional. Elle demande qu’un rendement maximum de 250 hl/ha s’applique aux vignes « autres débouchés » dès les prochaines vendanges. Certains auraient peut-être souhaité un rendement un peu plus élevé (les négociants en vins), d’autres un peu plus faible. Finalement, un consensus s’est réalisé sur le chiffre de 250 hl vol./ha. Cette position, Bernard Guionnet, président de l’interprofession, et Catherine Le Page, directeur du BNIC, l’ont exprimée lors de la conférence de presse qui a suivi l’assemblée plénière du 16 juin. Ils l’ont fait en présence de Philippe Guélin, président du CIMVC, l’interprofession des vins de table et autres débouchés de la région des Charentes. « Nous ne pouvons pas cautionner des niveaux de rendements qui ne reflètent pas la réalité » a confirmé Ph. Guélin. « Ce genre de pratique discrédite la région. » Une délégation charentaise doit se rendre fin juillet au ministère de l’Agriculture pour présenter de manière officielle la demande régionale. « Le chiffre de 250 hl vol./ha est celui que nous défendrons auprès des instances parisiennes a signalé B. Guionnet. Les Douanes et les Fraudes sont déjà au courant, puisque leurs représentants assistaient à l’assemblée plénière ».
une solution juridique
L’interprofession du Cognac a souhaité communiquer suffisamment tôt sur le chiffre de 250 hl vol./ha, afin que les viticulteurs puissent prendre leur disposition, dans le cadre de la déclaration d’affectation de surfaces, à rendre avant le 1er juillet. Restent aux fonctionnaires du ministère de l’Agriculture à se mettre en quête d’une solution juridique auprès de leurs homologues de la Commission de Bruxelles. L’objectif consiste à adapter au cas présent la règle européenne de déplafonnement du rendement des vignes produisant des vins sans IG (vins sans indication géographique, autrement dit vins de table). Gageons que la démarche charentaise et son résultat seront suivis de près par les autres régions françaises. Elles ne sont pas loin d’y voir un test de la volonté française de s’interposer aux dégâts de la dérégulation. Propos entendus au congrès de la CNAOC : « Dès le départ, nous avons dit que la libéralisation du rendement des vins sans IG se traduirait par des dérives. Les faits nous donnent raison. Maintenant, il faut que le ministère trouve les outils d’encadrement du rendement des vins sans IG et qu’il prenne les devants sur les droits de plantation. » Le président du BNIC a indiqué que la région délimitée n’hésiterait pas à solliciter, s’il le fallait, l’aide des Douanes et des Fraudes. « Il serait peut-être intéressant qu’un inspecteur des Fraudes vienne voir comment est faite une vigne produisant 700 hl vol./ha. »
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