La journée du courtier : Voir large pour envisager l’avenir

4 novembre 2016

Le 20 septembre dernier s’est tenu à Cognac la Journée du courtier. Une réunion d’information qui, au fil du temps, s’est imposée dans le paysage charentais comme un moment de dialogue et d’ouverture. Cette année, les courtiers ont souhaité donner une nouvelle dimension à leur rendez-vous. Plus prospective. Ils ont donc ouvert la focale. Dans le viseur, les aspects réglementaires toujours mais aussi un regard porté sur la Viticulture durable, le changement climatique, les processus d’adaptation. Plusieurs témoins sont venus à la barre.

« Voilà peut-être 20 ou 25 ans que ces rencontres ont lieu. Au lieu d’être uniquement tournés vers l’actualité, nous avons voulu proposer cette année un « stop-and-go », pour nous poser les bonnes questions et envisager le temps long. » Voilà comment Patrick Béguin, le président du syndicat régional des courtiers en vins et spiritueux a justifié un format peut-être plus ambitieux pour sa rencontre, ambitieux non par la qualité des intervenants, toujours au rendez-vous, mais par les sujets abordés. Au périmètre habituel  – marchés, réglementation, actualité –  fut ajouté un volet plus technique et prospectif, un domaine où les courtiers sont peut-être moins attendus. Encore que. En 2016, la région des Charentes a payé un lourd tribut aux accidents climatiques – grêle, sécheresse – des aléas qui, on peut le penser, ne sont pas totalement étrangers au processus de changement climatique. Ainsi est-il légitime que les courtiers, relais d’information, se saisissent de ces sujets. Seul regret rétrospectif de Patrick Béguin : la gestion du temps. La réunion du matin, commencée à 9 h s’est terminée à 13 h 30. Un marathon. « Nous ferons mieux l’an prochain » a-t-il promis en souriant.

 

Janine Betagne et Céline Rayer, du BNIC (Département Production, ODG) ont présenté les chiffres de production 2015/2016. Surtout, elles ont fait le point des dernières évolutions en cours : pour la Déclaration de récolte, plus de dépôt en mairie, une date limite de dépôt reportée au 10 décembre, quel que soit le type de support (démat. ou papier) ; rappel du dispositif de libération de la réserve climatique, un dispositif à coup sûr très sollicité cette campagne .

 

Dématérialisation

 

Le directeur régional des Douanes de Poitiers, Jean-Noël Navarro a-t-il manqué une journée des courtiers ces dernières années ? Pas sûr. Ce nouveau converti à la cause Cognac est devenu un fidèle d’entre les fidèles. Souvent l’accompagne Béatrice Deharbe (Seguinot), grande spécialiste de la législation douanière vitivinicole.   Cette dernière étant en vacances – pour cause de Journée des courtiers  avancée dans la saison – le directeur régional des Douanes est venu en personne apporter les dernières nouvelles sur le front de la dématérialisation des titres de mouvement. Un sujet tout particulièrement intéressait l’assistance : la dématérialisation du DAA (Document d’accompagnement administratif) – ex acquit- qui accompagne sur le territoire national la circulation des produits en suspension de droits entre entrepositaires agréés. Dis autrement, il s’agit du document douanier qui suit le camion de vin ou d’eau-de-vie du chai du viticulteur au chai du bouilleur  de profession ou du négociant. Cette dématérialisation des DAA mais aussi des DSA (pour les produits embouteillés vendus en droits acquittés) s’appliquera de manière obligatoire le 1er juillet 2017. Exit les anciens DAA. On ne parlera plus que des DAE (Documents administratifs électroniques) et c’est la plateforme dématérialisée de la Douane- GAMMA – qui les accueillera. Jean-Noël Navarro ne l’a pas caché ! La dématérialisation ne rendra pas les choses plus faciles  sur les deux « exceptions charentaises » que sont les enlèvements à la propriété et les retours à façon des bouilleurs de cru. Par rapport au papier, le système va s’avérer moins souple, plus rigide. Malgré tout, il a indiqué qu’en ce qui concerne les enlèvements à la propriété, la Direction générale des Douanes, à Paris, cherchait à alléger le système – « vous n’aurez pas toutes les cases à remplir ». Si les choses semblent aller dans le bon sens pour les enlèvements à la propriété, pour les retours à façon, le fonctionnaire s’est montré plus circonspect. « Les enjeux fiscaux sont d’importance. Pour l’instant je n’ai aucun élément à vous apporter. Le groupe de réflexion continue son travail. » J.N Navarro est revenu sur le sujet du n° d’accise lié au statut d’entrepositaire agréé ( bouilleur de cru comme  négociant). Dorénavant, pour aller sur le site Pro douane (la plateforme dématérialisée de la Douane), tous les opérateurs ayant le statut d’entrepositaires agrées doivent être détenteurs d’un numéro d’accises, y compris les détenteurs de stocks dormants. Le directeur régional de la Douane a indiqué que ses services allaient communiquer au BNIC tous les n° d’identification des viticulteurs, afin que le Bureau national du Cognac les communique lui-même aux opérateurs  qui ne se seraient pas déjà identifiés sur Pro Douane. A la fin de son intervention, Jean-Noël Navarro s’est vu solliciter par Patrick Beguin au sujet…du contrôle de ses services. «En termes d’évaporation, la peur existe toujours que vos services passent un ou deux mois après le retour des eaux-de-vie dans les chais, à un moment où l’évaporation est maximale. » Message reçu. A voir pour la suite.

 

les autres filières

 

Comme à l’ordinaire, la Journée du courtier a consacré un temps aux filières Vin de pays, Vins « autres débouchés », Pineau, Cognac avec l’UGVC. Après avoir précisé l’état de maturité des différents cépages, Thierry Jullion, le président du Syndicat des Vins de pays a plaidé sa cause. Il a demandé au BNIC de citer la vraie surface des Vins de pays – « 1 500 ha et des brouettes » – sans s’arrêter aux seuls 33 ha « Vins blancs Cognac ». Une présentation selon lui réductrice. « Il y a des propriétés qui vivent  peu ou prou du Vin de pays Charentais». «Nous allons y remédier » a acquiescé sans difficulté Janine Bretagne.

Au sujet des Vins de base mousseux, Julien Nau (par ailleurs président du Syndicat des marchands en gros de la région de Cognac) a signalé que le CIMVC ( Comité des Vins et moûts des Charentes) travaillait beaucoup sur un cépage vraiment dédié à la filière. « Car nos clients Vins de base nous attendent et la confiance s’étiole au fil du temps. » Dans un marché vin de base où les « pure players » – les opérateurs spécialisés – sont rares voire inexistants , il a confirmé toute la difficulté qu’il y avait « à avancer tous dans le même sens. »  Titillé par Th. Jullion sur la question de la valorisation, il a défendu une approche « non dogmatique ». « Le but n’est pas d’abandonner complètement la valorisation. Par ailleurs je livre à votre sagacité une interrogation – Au plan stratégique, a-t-on intérêt à laisser aux autres pays et notamment à l’Espagne le soin d’alimenter seuls le marché des vins de table ?» 

 

Si le CIMVC travaille sur les cépages, le Syndicat du Pineau travaille, lui, sur son cahier des charges pour l’adapter, entre autres, à la nouvelle segmentation créant une catégorie supplémentaire de Pineau. Et cela prend du temps. « Nous avançons doucement » a confirmé Philippe Guérin, président du Syndicat des producteurs tandis que Jean-Marie Baillif, président du Comité évoquait les espoirs mis dans l’export, notamment en Chine et aux Etats-Unis.

 

Statut du vin

 

Alexandre Imbert, directeur de l’UGVC, le syndicat Cognac, est intervenu, lui, sur le statut du vignoble Cognac ou plus exactement sur le statut du vin et même du vin apte à la distillation. Ou le retour d’une vieille connaissance. Évidement, il a aussi été question des transferts.

En ce qui concerne le contingent de plantations 2017 – de combien d’ha la région délimitée pourra s’agrandir l’an prochain – Christophe Forget, Président de la Fédération des interprofessions du Bassin viticole Charentes-Cognac, s’est montré prudent. Il n’a pas livré de chiffre mais s’est borné à indiquer que la demande, objet de discussions dans chaque filière, serait portée en Comité de Bassin le 25 octobre prochain. Par contre, il a tenu à préciser que le Conseil de Bassin Charentes-Cognac du 4 juillet dernier avait demandé que les parcelles issues d’autres régions par voie de transferts soient non éligibles aux aides à la restructuration, individuelles comme dans le cadre du Plan collectif. Décision qui, pour s’appliquer, devra recevoir l’aval du Conseil spécialisé de FranceAgriMer d’octobre mais à priori, la région a reçu des assurances dans ce sens.

 

Aide aux investissement

 

Sur fond de Grandes régions, FranceAgrimer a réorganisé ses services. Sophie Quillet, responsable du pool vin à Poitiers est partie à FAM Grand Est. Elle a été remplacée dans ses fonctions par Valérie Laplace, à Bordeaux, puisque la capitale bordelaise centralise dorénavant les activités vitivinicoles. Après avoir fait un point des autorisations de plantations et évoqué les critères de priorité, en cours de discussion, V. Laplace a exposé la réforme des aides aux investissements. A la règle du « premier arrivé, premier servi »,  va se substituer dorénavant un système de notation et de points. Et, sur injonction de l’Europe, les critères liés à l’environnement y tiendront la plus grande place (12 points sur 20). D’autres changements sont à l’œuvre : taux d’aide, dématérialisation des dossiers sur une plateforme intitulée Vitiinvestissement, Validité liée à date d’arrivée et non plus à la date d’envoi…

 

On en parlait. C’est fait. Le référentiel Viticulture durable de la filière Cognac est sorti. Laetitia Four, responsable Développement durable à la Station viticole du BNIC, l’a  présenté ainsi que les attentes qui lui son attachées : qu’il fédère le maximum de viticulteurs, qu’il devienne un outil de masse au service des bonnes pratiques agro-environnementales. Objectif, certes ambitieux mais objectif tout de même : que dans 5 ans, 80 % des viticulteurs soient rentrés dans la démarche. Un accompagnement est à la clé.

 

Si, sous un intitulé ayant valeur de programme – « Environnement, productivité, climatologie, qualité » – le thème de la Journée des courtiers 16/17 était bien celui du Développement durable, les organisateurs avaient souhaité « donner du grain à moudre » à la réflexion. Comment ? En se raccrochant à de vraies connaissances. Sébastien Julliard (Conservation du vignoble charentais) fut chargé de dire d’où l’on partait (présentation de la diversité variétale de la grande famille des vitacées) pour mieux comprendre où l’on voulait aller. Cette partie prospective  a été confiée à Jean-Pascal Goutouly, ingénieur de recherche au pôle vin de l’INRA de Bordeaux. Il a fait toucher du doigt l’intérêt de la recherche et des connaissances fondamentales sur la physiologie de la vigne pour s’adapter au changement climatique et notamment au stress hydrique. Il a déminé certaines idées reçues et, plus généralement, rappelé quelques fondamentaux. Eclairant.

 

Avec Catherine Le Page, le directeur du BNIC qui a présenté les chiffres de ventes du Cognac, Jean-Bernard de Larquier, président de l’interprofession du Cognac, a clôturé la réunion des courtiers. « La situation du Cognac est toujours bonne, a-t-il dit. Notre mission est d’accompagner la filière tout en vaillant aux équilibres. Nos grandes missions sont au nombre de trois : assurer l’approvisionnement du négoce, d’où une priorité donnée aux travaux sur le dépérissement de la vigne mais aussi à la problématique évoquée par Jean-Pascal Goutouly, celle de l’alimentation et de la fumure de nos vignes ; veiller à bien s’intégrer dans un univers qui bouge, notamment au plan environnemental et sociétal ; s’assurer de la protection de l’appellation. » Au sujet du statut du vignoble, il a parlé de la nécessité de mettre place un outil « pour gérer notre filière nous-même, y compris, a-t-il ajouté, les bordures (comprendre la dérive attachée aux transferts). » « Si nous ne sommes pas capables de gérer les « bordures », nous ne serons pas en capacité de gérer le cœur du réacteur. » Il a évoqué la nécessité de « redonner un statut au vin Cognac ». En insistant sur la nécessité de jouer collectif. « On ne s’en sortira pas tout seul, ni sans les autres bassins, ni sans le négoce. Nous sommes dans l’obligation de travailler ensemble. »

 

Le président de l’interprofession Cognac a également lancé un appel à l’allégement des procédures européennes. Il a pris l’exemple de l’homologation des cahiers des charges. Un dossier lourd, soumis à des pesanteurs de délais. « Nos appellations ont besoin d’évoluer sinon elles sortiront du viseur. »  Il a terminé par un sujet purement Cognac, l’outil de calcul du rendement. « Il faut affiner cet outil de calcul pour le rendre bien plus en relation avec le Business Plan, car nous avons besoin de réactivité. »

 

 

Référentiel « Viticulture durable de la filière Cognac » : Fédérer le maximum de viticulteurs

 

Fruit d’une réflexion collective, le référentiel « Viticulture durable de la filière Cognac » est en phase de lancement. Listant les bonnes pratiques pertinentes pour le vignoble, il a pour ambition d’être «un « outil de masse » au service de la région. Objectif ! Que 80 % des viticulteurs rentrent dans la démarche à l’horizon des cinq années à venir.

 

Laetitia Four, responsable Développement durable à la Station viticole du BNIC, a évoqué la philosophie générale du projet – « préserver l’environnement tout en assurant un développement économique pérenne ». Car, a-t-elle dit «l’environnement ne peut être préserver que si les performances économiques sont maintenues. » Dont acte.

Elaboré par le « Groupe projet Développement durable » regroupant des membres du BNIC, des Chambres d’agriculture 16 et 17 et de l’IFVV (Institut français de la vigne et du vin ), le référentiel Cognac a pour but de « partager les bonnes pratiques ,  dire ce que l’on fait de bien (volet communication) et favoriser la certification environnementale. » Il s’appuie sur un socle de six engagements : pérennité du vignoble, protection du milieu naturel, réduction des intrants phytosanitaires, gestion des effluents vitivinicoles, formation à la gestion, la santé, la sécurité au travail, tout cela accompagné d’un sixième point – « les relations entre les viticulteurs et le voisinage ».

Le référentiel a été conçu pour être « un outil de masse, simple, efficace, capable de fédérer le maximum de viticulteurs ». L’objectif avoué est que 80 % des viticulteurs rentrent dans la démarche à l’horizon des cinq ans à venir.  Naturellement, tout un programme d’accompagnement entoure le dispositif avec, pour porte d’entrée principale, un outil d’autodiagnostique environnemental de l’exploitation, à réaliser seul (site ebnic) ou en groupe (journée de formation Chambre d’agriculture).

Pour élaborer son référentiel, la filière Cognac a choisi de partir des  spécificités Cognac plutôt que de se couler dans le moule d’un référentiel existant. Pour ne considérer que la certification HVE (Haute valeur environnementale) du Ministère de l’agriculture, la région s’est inspirée de certains points du niveau 2, de certains points du niveau 3, a intégré d’autres critères …Dès le départ, la feuille de route consistait à construire une certification Cognac indépendante, propre à la filière. Malgré tout, la région souhaite faire reconnaître son référentiel « Viticulture durable de la filière Cognac » par le Ministère de l’agriculture  comme le niveau 2 de la certification HVE. Si elle est actée, cette reconnaissance ne vaudra qu’à l’échelle de la région. Elle ne pourra pas se décliner au niveau des exploitants individuels, pour la bonne et simple raison que seul le niveau 3 de la certification HVE peut faire l’objet d’une communication (avec logo etc…).

Le référentiel Cognac sera présenté dans son intégralité et lancé officiellement au prochain salon Vinitech qui se tiendra à Bordeaux du 29 novembre au 1er décembre.

 

 

 

 

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