La fin des néonicotinoïdes a sonné !

28 mars 2023

Alors que les planteurs de betteraves s’apprêtaient à semer la campagne 2023, une décision d’arrêter l’emploi des néonicotinoïdes, appelés aussi NNI, par la Cour de justice de l’Union européenne, a eu l’effet d’une bombe dans la filière sucrière française, jeudi 19 janvier dernier. Ces NNI étaient utilisés contre la jaunisse virale de la betterave transmise par deux espèces de puceron (le puceron vert du pêcher et le puceron noir de la fève), responsables de la baisse de rendements. Vent debout, les betteraviers ont manifesté à Paris, le 8 février dernier, afin d’interpeller le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau.

Mais de quoi s’agit-il exactement lorsque l’on parle de NNI ? Les agriculteurs planteurs de betteraves utilisent ces produits, à base d’insecticides, pour traiter les semences avant les semis afin de les protéger contre les différents pathogènes de la culture. Or, ces traitements de semences sont aussi responsables de la mortalité des abeilles.

La France a arrêté l’utilisation de cinq NNI en 2018. Mais des dérogations à cette interdiction ont été accordées à la filière betteravière, le 1er juillet 2020, pour une durée de 3 ans. Début 2023, la Cour de justice de l’Union européenne en a donc décidé autrement. Et c’est cette situation qui prévaut désormais en France.

La vapeur plutôt que les pesticides

L’utilisation des pesticides en agriculture reste l’un des premiers facteurs de mortalité des abeilles, en commençant par les traitements de semences avant le semis. Certains de ces pesticides utilisés pour traiter les semences transitent dans tous les organes des plantes, et se retrouvent sous forme de résidus dans les pollens des fleurs qui perturbent les abeilles dans leurs colonies et finissent par mourir. Ce sont les plus nuisibles pour les abeilles. Si les lobbies de l’agrochimie ne cessent de prôner que les pesticides sont nécessaires pour produire davantage et augmenter les rendements, leurs utilisations montrent des situations dramatiques pour les abeilles, les insectes pollinisateurs et la biodiversité. Pourtant, il existe d’autres solutions pour le traitement de semences en agriculture conventionnelle comme en agriculture bio. Elles seraient plus efficaces et plus respectueuses de l’environnement et des populations d’abeilles. La thermothérapie, par exemple, est un procédé de traitement à la vapeur des semences mis au point dans les années 2000 par Gustaf Forsberg, expert et responsable de projets de recherche et développement à Thermoseed Global AB, une société suédoise qui développe et commercialise ce procédé dans le monde pour traiter les semences potagères et céréalières.

Un non-sens

En France, depuis des années, des coopératives céréalières et de lin se sont dotées de ce procédé à la vapeur pour traiter leurs semences (exemple de la coopérative Terre de Lin, en Seine-Maritime, et de la société Épilor, en Meurthe-et-Moselle, qui fédère trois coopératives lorraines). Toutes se réjouissent de l’efficacité de ce dispositif naturel et inoffensif pour les insectes pollinisateurs, en particulier les abeilles.

Alors, a-t-on essayé ce dispositif pour les semences de betteraves depuis l’arrêt des NNI en 2018 ? « À ma connaissance, il n’y a pas eu d’essais menés par la filière betteravière en France comme dans l’Union européenne avec ce dispositif de traitements de semences à la vapeur », assure Samuel Jenni, gérant du Centre betteravier suisse (CBS), à Aarberg. Mais pour quelles raisons ? Par ailleurs, sachant que la filière avait des dérogations sur ces traitements de semences, comment se fait-il que la recherche agronomique sur la création de nouvelles variétés de betteraves n’ait pas anticipé ?

Surtout que l’arrêt des premiers NNI remonte aux années 2000, avec les affaires du Gaucho et de la mortalité des abeilles par colonies entières d’abeilles ! Le comble, sur les 47 variétés de betterave sucrière déposées par le GEVES (Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences), en janvier 2023 au CTPS (Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées), aucune n’est résistante à la jaunisse de la betterave ! Pour finir, chaque agriculteur planteur, qui aura semé des betteraves en 2023, pourra utiliser des insecticides par voie aérienne pour lutter contre les pucerons, vecteurs de la jaunisse de la betterave.

D’un côté on interdit des insecticides employés comme traitements de semences, ces fameux NNI, et de l’autre on autorise les planteurs à utiliser des insecticides par voie foliaire. C’est un non-sens ! Alors, veut-on véritablement sauver et préserver les abeilles et les insectes pollinisateurs, vitaux pour notre agriculture, notre écosystème et notre humanité ? Toutes ces questions méritent d’être posées.

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