Jean-Marie Baillif, nouveau président du comité du pineau

29 juillet 2015

Le 24 juin dernier, le Comité national du Pineau des Charentes, réuni en assemblée générale, a élu à l’unanimité Jean-Marie Baillif comme président. Une désignation qui est tout sauf une surprise, tant elle s’inscrit dans la logique des choses. De 2007 à 2014, adoubé chaque année par ses pairs, J.-M. Baillif exerça sans discontinuer le mandat de président du Syndicat des producteurs de Pineau. Depuis deux ans, il était pres-senti pour occuper la présidence du comité, au moment de l’alternance négoce/viticulture. « Nous sommes un peu staliniens au Pineau » s’amuse un pilier de la filière.

Le vigneron, dont le siège d’exploitation se situe à Saint-Palais-de-Phiolin en Charente-Maritime, succède à Patrick Rague-
naud (maison Marnier-Lapostolle), élu le 26 juin 2012 pour un mandat de trois ans. Lui-même avait pris la suite de Jean-Bernard de Larquier.

Comme toujours, c’est un peu le hasard – sans doute guidé par un certain déterminisme – qui décide d’un parcours syndical et professionnel. Dans le cas présent, ce déterminisme revêt les traits de Jean Doussoux. En 1993, après une première tranche de vie comme enseignant à Saint-Antoine (école d’agriculture proche de Saint-Genis-de-Saintonge), J.-M. Baillif s’installe à 34 ans hors cadre familial sur l’exploitation de Jean Doussoux et de sa femme Marie-Jo (d’où la SCEA Doussoux-Baillif, nom auquel il tient). Jean Doussoux est un personnage. Un de ses comparses se souvient : « Il était de ces anciens viticulteurs peu favorables au compromis. Très ouvert certes mais entier, avec des convictions solidement ancrées. » C’est Jean Doussoux qui conseille à Jean-Marie Baillif de devenir administrateur stagiaire de la coopérative agricole de Saint-Genis-de-Saintonge. Jacques Caillet, alors président du Syndicat des producteurs de Pineau, le repère et l’engage à rejoindre les rangs du Pineau. Après, « la mayonnaise prend ou ne prend pas. » En l’occurrence, elle prend. Assez vite, le viticulteur devient vice-président du syndicat des producteurs puis président, à partir de 2007. J.-M. Baillif s’y révèle tel qu’en lui-même, « bouillonnant, créatif, doté d’un très bon relationnel ». « Il a deux ou trois idées nouvelles chaque jour. Il faut suivre ! » témoigne un proche.

Désordonné, Jean-Marie Baillif ! Pas tant que ça. « A partir du moment où il a bien consulté, bien testé ses idées, c’est un teigneux. Il ne lâche jamais. Il amène ses dossiers jusqu’au bout. » Il va le prouver à plusieurs reprises. Il y a d’abord l’épisode de la réserve de production du Pineau (équivalente à la réserve de gestion du Cognac). Avec diplomatie mais fermeté, il défend, au niveau interprofessionnel, le principe d’une régulation de la mise en marché. Alors que certains pensent que la dérégulation peut servir leurs intérêts, le président du syndicat trouve des alliés dans la famille du négoce. Son argumentaire l’emporte. Un autre temps fort tient au lancement du Plan de contrôle Pineau en 2009, suite à la réforme des AOC amorcée en 2006. Prenant le contre-pied de la position dominante, le Pineau joue les francs-tireurs. L’ODG annonce son intention de se servir du suivi interne non comme d’un élément de coercition mais comme d’un outil pédagogique de progrès au service de la filière. Philippe Guérin, alors président du Conseil de suivi interne, s’investit fortement. L’idée ! Replacer le syndicat au cœur du conseil aux opérateurs. Cette exclusivité nationale, jugée quasi iconoclaste par le monde des appellations, fait des vagues, à l’INAO comme en régions. Pourtant, aujourd’hui, l’initiative du Pineau a fait école. Même des poids lourds de la viticulture sous signes de qualité s’en inspirent. « Un petit cocorico pour le Pineau » relève un acteur proche du dossier. Enfin, il y a les 400 ha de droits de plantation décrochés en avant-première par le Pineau, de 2013 à 2015. De ce « Plan de sauvegarde de l’appellation », J.-M. Baillif en sera la cheville ouvrière, tant dans la construction du projet de filière et sa vision long terme que dans l’approche technique du dossier, en quatre fois 100 ha. Une vraie réussite qui mobilise les producteurs. Un bon observateur témoigne : « Sur trois sujets majeurs, le Pineau s’est retrouvé à l’avant-garde. On dit souvent que la filière Pineau sert de laboratoire au Cognac. Ce n’est pas faux. »

Pour faire passer les messages, susciter l’adhésion, Jean-Marie Baillif peut compter sur sa faculté à créer du liant mais aussi sur son excellente connaissance de la filière et le côté « transversal » de son parcours. Il a été coopérateur, il est toujours vraqueur, vendeur direct, vigneron indépendant, négociant. Il est allé à l’export, il a poussé des palettes, animé des rayons de supermarché. « Il sait de quoi il parle. » « Du Pineau coule dans sa veine, il est totalement convaincu par son produit » ajoute un autre. D’où son entière légitimité à occuper un poste de responsabilité au sein de la filière.

Au Comité du Pineau, le chantier actuel est totalement centré sur la création de valeur. Avenue Victor-Hugo, on parle d’une stratégie de « montée en gamme », préférant ce terme à celui de premiumisation, plus réducteur. Pourquoi une telle approche ? Elle découle de la nature même du Pineau, mutage de jus de raisin avec une eau-de-vie chère, le Cognac, dont le prix a grimpé au cours de ces dernières années. Mais elle doit aussi beaucoup à la personnalité du « past président », Patrick Raguenaud. En homme pénétré des valeurs de la marque, il en connaît les arcanes et les leviers : différenciation, perception de l’image, communication, explication du produit… « Cette stratégie de création de valeur prend du temps mais il faut absolument la conduire » dit-il. Ainsi place-t-il sa mandature sous le sceau d’un brainstorming permanent (appel à des consultants, études…). Ce gros travail est en passe de se concrétiser aujourd’hui. Le 10 juillet prochain, le syndicat des producteurs et, avec lui, l’ensemble de la filière, va se prononcer sur les grandes orientations : meilleure segmentation de l’âge… La nouvelle campagne de communication a déjà enclenché le mouvement avec sa signature « Le Pineau des Charentes, singulièrement pluriel ».

Le Pineau, une AOC de caractère ! C’est ce que retient Jean-Marie Baillif qui parle des hommes « et des femmes » de
caractère qui habitent l’appellation. « La maison Pineau attire les jeunes et ça, c’est bien » ajoute-t-il. On l’aura compris. Le nouveau président du comité est tout sauf un solitaire. « Seul dans mon coin, non, je n’aurais pas pu. Cela m’aurait vite
agacé. J’ai besoin de bouger et de bouger avec les autres. A titre individuel, on peut faire de belles grandes choses. Mais s’il
n’y a pas le collectif qui accompagne, c’est beaucoup plus difficile. »

Chez J.-M. Baillif, une autre clé de compréhension passe par le cru Bons Bois. « Il vient des Bons Bois, cela vous forge une expérience » souligne un compagnon de route. Lui-même revendique son origine. « J’ai dit un jour que chez moi, il y avait plus d’ha Cognac que d’ha Pineau. C’est d’ailleurs le cas de tous les producteurs de Pineau. Ils sont tous producteurs de Cognac. » Et de rajouter : « Il y a de très bons Cognacs en Bons Bois. Certains commencent à en être convaincus. »

 

 

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