Interprofession du Cognac : « Mettre les choses en perspective »

25 février 2014

Après plusieurs mois d’une silencieuse réserve, reprise de parole du BNIC, l’interprofession du Cognac, auprès des médias locaux à l’occasion d’une conférence de presse un peu hors normes, le 15 janvier dernier. Président et vice-président y ont détaillé les chiffres du Cognac, parlé de « consolidation » plutôt que de baisse des ventes puis ont effleuré le thème du Businnes plan et du « dimension-nement de la zone de plantation ». Le tout avec une extrême prudence.

Cette conférence de presse à l’étage d’un restaurant cognaçais, à l’adresse de tous les journaux locaux et régionaux, avait comme une allure de refondation : renouer le fil d’un dialogue rendu plus difficile par quelques soubresauts médiatiques en début d’année 2013. Mais, à tout prendre, il vaut mieux maîtriser la communication plutôt que de la subir. C’est peut-être ce que se sont dit les professionnels du Cognac à un moment où le produit phare de la région connaît un « petit coup de mou ». Surtout relativiser la baisse, remettre les choses en perspective.

Ce fut tout le sens du discours de Jean-Marc Morel, président de l’interprofession. Certes les expéditions de Cognac connaissent un ralentissement, de – 4 % en volume (étales en valeur). Mais surtout, c’est le chiffre des expéditions en Extrême-
Orient qui inquiète : – 10 % en volume, – 4 % en valeur. C’est là où Jean-Marc Morel s’est voulu pédagogue.

« Avec 450 000 hl AP de sorties et un peu plus de 40 000 h AP d’utilisations autres, notre produit signe tout de même sa troisième campagne historique. Je ne suis pas du tout inquiet pour l’avenir. C’est normal qu’il y ait une consolidation. Ces dix dernières années, nous étions sur un rythme de développement extrêmement fort en Extrême-Orient. Qu’un correctif s’exerce ne me surprend pas. Quand on regarde sur le temps long, le Cognac suit une courbe qui oscille autour d’une pente faible. »

Ciblant la Chine qui, au fil des ans, est devenue le premier marché du Cognac, le directeur adjoint de Martell a évoqué le ra-
lentissement du train de vie de l’Etat chinois. « Il faut comprendre, a-t-il précisé, qu’en Chine existent beaucoup d’entreprises d’Etat. C’est ce secteur économique lié à l’appareil d’Etat qui a été invité par le gouvernement chinois à revoir à la baisse ses achats de produits de luxe. » « Mais, reprend le négociant, cela ne remet pas en cause le modèle de développement de notre catégorie, fondé sur l’émergence d’une classe moyenne aisée, non seulement en Chine mais aussi dans tout le Sud-Est asiatique. » Quant au dynamisme économique de la Chine, « il correspond à quelque chose que nous ne connaissons plus depuis très longtemps en Europe. Il y a peu, la Chine a déclaré fermement être la première puissance économique mondiale. » Dernier conseil de Jean-Marc Morel : « Ne sous-estimez pas la consommation de nature privée en Chine. »

« Garder le cap »

On l’aura compris ! A Cognac, le mot d’ordre est de « garder le cap » même si le président de l’interprofession concède que les statistiques d’expéditions à fin mars 2014 auront valeur de test. « Nous pourrons
alors juger de l’impact du Nouvel An chinois sur les ventes (1). »

La conférence de presse avait débuté par une longue digression sur l’état du vignoble. « Le vignoble charentais est un vignoble vieillissant : 14 % des ceps sont improductifs, morts ou ne portant plus de récolte. Qu’observons-nous aujourd’hui ? Une décroissance structurelle de la productivité. Alors que le vignoble cognaçais avait l’habitude de produire 11-11,5 hl AP, la productivité est descendue à 88 %. Si nous continuons à ce rythme sans réagir, nous tomberons sous une productivité de 75 %, soit les trois quarts de la productivité normale. »

Jean-Bernard de Larquier, vice- président de l’interprofession a conclu à la nécessité d’accélérer le taux de renouvellement du vignoble. « Nous devons passer à un taux de renouvellement annuel de 4,4 %. Nous en sommes aujourd’hui à 3,3 % (replantation et complantation comprises). C’est la seule possibilité d’améliorer à court terme la productivité de la surface plantée. »

Des choix stratégiques

Et le Business plan ? Un thème très attendu que Jean-Marc Morel s’est résolu à aborder en toute fin de rendez-vous.

En 2009-2010, l’interprofession du Cognac a fait appel au cabinet Eurogroup Consulting pour lancer une étude prospective. Objectif : aider le Cognac a formalisé ses choix stratégiques à l’horizon des quinze prochaines années. Dans une phase 1, le cabinet s’est d’abord intéressé au marché, en interro-
geant les négociants. De cette enquête, conduite en 2010-2011, il tira la projection sui-vante : une hausse des ventes de 52 % à horizon 2026. Cette prévision s’accompagnait d’une recommandation de base : « ne pas sur-réagir en cas de crise ». En 2012-2013, dans une phase 2, le cabinet a fléché le vignoble, en interrogeant cette fois une trentaine de viticulteurs, recrutés parmi les délégués de l’UGVC. En est sorti un « rendement d’objectif » de 11,66 hl AP, dont on ne sait pas très bien s’il s’agit d’un rendement jugé atteignable par les viticulteurs ou d’un rendement calibré pour répondre aux besoins à terme du Cognac. Quoi qu’il en soit, le cabinet s’attaque aujourd’hui à la phase 3, phase finale qui consiste à proposer des « scenari » à la région.

« Quelle dimension de la zone plantée, à quel rythme ? » s’est interrogé en direct le président du BNIC. « Comment mettre en œuvre une vision partagée des deux familles ? Voilà le travail qui nous attend dans les prochaines semaines, les prochains mois » a déclaré J.-M. Morel.

Il a expliqué que, de toute façon, la région privilégierait une vision pluriannuelle. « Nous allons piloter tout ça en fonction de la variation des ventes, de la production, des replantations, afin de prendre en compte l’ensemble de “l’écosystème”. Le but, c’est bien que ça soit supportable par tout le monde, afin de s’inscrire dans une vision durable ; performante et durable. »

Il a poursuivi : « Mettons que l’on se dise qu’il faille x ha supplémentaires. Eh bien nous regarderons chaque année les indicateurs, pour savoir s’il faut accélérer, décélérer. » « D’ici l’été, a-t-il promis, nous reviendrons vers vous avec une communication chiffrée. »

Avant sa déclaration, le président du BNIC avait signalé « que la réglementation actuelle n’autorisait pas les plantations nouvelles de vignes pour les vins sans IG (2). « Rien n’est insurmontable mais tout ceci demanderait quelques modifications supplémentaires » a-t-il rajouté mezzo vocce.

(1) Fixé cette année le 31 janvier, le Nouvel An chinois est une période propice aux cadeaux, dans les entreprises comme au sein des familles.

(2) Le 1er janvier 2016, le régime actuel de plantation laissera la place à un nouveau dispositif, fondé sur le système d’autorisation. Ce système s’appliquera aussi bien aux vins avec IG (indication géographique) qu’aux vins sans IG, catégorie à laquelle appartiennent les vignes Cognac. Pour l’heure, les vins sans IG n’ont toujours pas droit aux plantations nouvelles.

Cognac – Les chiffres clés de l’année 2013
Affectation, récolte, rendement, sorties, chiffre d’affaires… Tour d’horizon des chiffres clés de l’année civile qui vient de s’écouler.

En un an, le nombre d’exploitations viticoles charentaises a encore chuté de 2,5 %, portant la superficie viticole moyenne à 16,39 ha (+ 2,8 %). A ce jour, la région délimitée Cognac compte 4 714 exploitations. La surface du vignoble « Vin blanc Cognac » s’élève à 74 743 ha. L’an dernier, l’affectation Cognac a porté sur 98,5 % de la surface globale (73 406 ha).

Chiffres de la récolte 2013 : un rendement volumique de 104,74 hl/ha associé à un TAV de 8,57 % vol., ce qui donne un rendement en alcool pur de 8,98 hl AP/ha. En degré comme en alcool pur, la récolte 2013 se classe comme la deuxième plus petite récolte de ces vingt dernières années.

Sur la campagne en cours, le potentiel de production Cognac représente 659 000 hl AP. Par rapport aux besoins prévus par l’outil de calcul interprofessionnel, « manqueraient à l’appel » environ 200 000 hl AP (pour mémoire, rendement libre Cognac fixé à 11,61 AP ha cette campagne).

Des viticulteurs, au nombre de 2 068, ont manifesté leur intention de débloquer de la réserve climatique (sur 2 500 ressortissants à détenir de la réserve climatique). Potentiellement, il pourrait s’en débloquer 110 000 hl AP, même si ce chiffre ne sera sans doute pas atteint (rappel : la réserve climatique peut servir à abonder le rendement libre mais aussi la réserve de gestion soit, sur cette campagne, 13,21 hl
AP/ ha).

Sur l’année qui vient de s’écouler, les sorties Cognac ont porté sur 450 000 hl AP. Avec un peu plus de 40 000 hl AP voués aux autres utilisations (Mutation Pineau, liqueurs…), c’est donc près de 500 000 hl AP qui ont été commercialisés. Au chapitre des expéditions pures, un gros tiers des volumes de ventes a concerné l’Extrême-
Orient (35 %), un autre tiers l’ALENA (États-Unis, Canada) et 27 % pour la zone Europe. En valeur, la part de l’Extrême-Orient fut plus proche des 46 %, un peu moins d’un tiers pour l’ALENA et 20 % pour la zone Europe. Toujours en valeur, seule la catégorie VSOP progresse (+ 7 %) alors que toutes les autres qualités connaissent un ralentissement, y compris l’XO. Sur 10 ans, les expéditions en Extrême-Orient ont progressé de 120 %.

Sur l’année mobile arrêtée à fin novembre 2013, le Cognac a signé un nouveau record. Avec un chiffre d’affaires de 2,4 milliards d’€, il arrive en tête des exportations de Vins et Spiritueux français, devant le Champagne et ce pour la deuxième année consécutive.

 

 

 

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