Incendie – Alcool : Le feu détruit une distillerie Et un chai de vieillissement

12 février 2010

Dans la nuit du 8 au 9 janvier 2010, un incendie d’une grande ampleur a détruit une distillerie et un chai de vieillissement au village de la Ronce, commune de Saint-Martial-sur-le- Né en Charente-Maritime. Un sinistre qui rappelle la dangerosité d’une matière inflammable comme l’alcool.

lizot.jpgC’est une voisine qui a prévenu la famille Barron. A minuit trente, réveillée par les bruits d’explosion, elle a vu des flammes s’échapper du toit de la distillerie. Pendant que Monique Barron prévenait les pompiers, son mari Jean-Claude se précipitait à la ferme, distante de son domicile d’à peu près 500 m. Un temps, il a pu redouter que son fils Jean-Marc soit sous les flammes car il lui arrivait de dormir à la distillerie pour surveiller le déroulement des coulages. Mais l’alambic était arrêté depuis le début d’après-midi. Le jeune homme ne se trouvait donc pas à l’intérieur. Après quelques problèmes d’accès, dus à l’étroitesse de la petite route conduisant à la ferme, les pompiers purent attaquer le feu, d’une ampleur assez exceptionnelle dans le contexte d’une exploitation viticole. Le chai de vieillissement s’étant embrasé, des écoulements d’alcool se produisirent, pouvant faire craindre une propagation du sinistre aux bâtiments proches. Des flammes de 5-6 mètres commençaient à lécher les murs et risquaient d’atteindre les toitures. Le sort du chai de vieillissement ayant été malheureusement scellé, les pompiers concentrèrent leurs moyens à protéger les bâtiments et maisons d’habitation alentour. Deux heures trente plus tard, l’incendie était maîtrisé. Les hommes du feu restèrent sur place jusqu’à 8 heures du matin afin d’exercer une surveillance. Furent mobilisées sur le sinistre six casernes de pompiers (Archiac, Jonzac, Saintes, Gémozac, Barbezieux et Cognac, les deux dernières casernes ayant été engagées mais pas utilisées). Participèrent à la lutte cinquante hommes et une douzaine de véhicules. Présent sur le feu la nuit du 9 janvier 2010, le capitaine François Thèves, chef du service prévention du SDIS 17 (Service départemental d’incendie et de secours) relate les circonstances de l’incendie. « Le feu a été découvert très tardivement. Il devait couver depuis assez longtemps. Sans doute ne connaîtrons-nous jamais son origine exacte. C’est assez rare qu’un incendie d’une telle ampleur se déclare en viticulture. Sur les chais et distillerie, on ne dénombre pas plus d’un incendie par an voire un tous les deux ans. Et encore s’agit-il le plus souvent de petits départs de feu dus à des problèmes électriques. Ceci dit, les pompiers des deux départements sont très bien préparés à lutter contre un feu d’alcool. Dans ce genre d’incendie, les écoulements de liquide enflammé constituent l’épisode le plus spectaculaire et aussi le plus dangereux. » Le capitaine François Thèves a relevé le manque d’eau à proximité, qui a retardé la mise en place du dispositif. « Nous avons dû tirer des lignes à 800 m pour rejoindre la borne incendie installée dans le village. » Car si les camions à mousse étaient bien présents – deux sur les neuf remorques de dosage que possède le département de Charente-Maritime – il faut de l’eau pour diluer l’émulseur. « C’est comme pour le liquide vaisselle. Vous utilisez 3 % d’émulseur et 97 % d’eau. » Le responsable du service prévention a rappelé la prescription qui s’applique ou va s’appliquer aux installations classées soumises à déclaration, distilleries et chais de vieillissement : disposer d’une réserve incendie (d’une réserve d’eau) de 120 m3 à moins de 200 m du bâtiment ou d’un poteau incendie d’un débit de 60 m3/heure. Les installations existantes disposent d’un délai de mise en conformité jusqu’au 1er janvier 2012. « Mais si les exploitants pouvaient anticiper, ce ne serait pas plus mal » a glissé le responsable prévention.

Bernard Lizot, inspecteur des installations classées chargé du dossier Cognac à la DRIRE Poitou-Charentes, s’est rendu sur l’exploitation courant janvier. Lui aussi a constaté les dommages subis par la famille Barron et l’impossibilité d’identifier l’origine du sinistre. A l’occasion du grand recensement de 1998, l’exploitation avait fait l’objet d’une procédure de déclaration. Elle était donc en règle vis-à-vis des prescriptions administratives. Bernard Lizot a tout de même profité de sa visite pour rappeler à grands traits les règles s’appliquant aux chais et distilleries soumis à simple déclaration. « Pour ces installations, nous avons accepté que de petits chais puissent être attenants à la distillerie (ce qui était le cas sur le site de Saint-Martial-sur-le-Né – NDLR). Mais, pour ce faire, des règles d’isolation doivent être respectées : mur coupe-feu 4 heures, porte coupe-feu 2 heures ainsi qu’un seuil de rétention. Ces moyens simples permettent de limiter les risques de propagation du feu et notamment les risques d’écoulement, les plus préjudiciables. » Par mur coupe-feu 4 heures, l’inspecteur entend un mur traditionnel en moellons ou un mur en matériau aggloméré ou en brique, de 20 cm d’épaisseur avec un revêtement. « Les maçons savent ce que c’est. » La porte coupe-feu 2 heures est une porte spéciale, dotée du certificat « qui va bien ». Quant au seuil de rétention, cela peut être tout simplement un rang d’agglomérés. L’exploitation Barron présentait la particularité d’utiliser pour la distillation une source d’énergie renouvelable, les granulés de bois, avec une alimentation automatique du foyer à l’aide d’une vis sans fin. Sans imputer l’origine du sinistre à ce mode de chauffage, l’inspecteur des installations classées a tout de même indiqué que le « retour d’expérience » l’inciterait à exercer une vigilance accrue. « Ce genre de système se caractérise par une continuité du matériau combustible entre le feu sous l’alambic et le lieu de stockage. Le feu peut couver et remonter toute la chaîne. Beaucoup de chaudières à bois fonctionnent de cette façon mais prévoient des trappes coupe-feu, des systèmes de protection contre les remontées de flammes. Il faudra sans doute revoir certaines prescriptions, afin que s’exercent les conditions d’une vraie sécurité. »

Quand un tel accident arrive sur une exploitation, comment réagir ? Baisser les bras ou continuer ? Monique Barron avoue son désarroi. « Si nous n’avions pas un fils derrière, je ne sais pas si nous serions repartis. Mais Jean-Marc est là. On continue. » L’exploitation, qui pratique la vente directe, a perdu ses vieilles eaux-de-vie ainsi que pratiquement toute la récolte de l’année. L’assureur est passé et l’expertise est en cours. Dans un premier temps, les maçons-couvreurs ont mis les murs hors d’eau. La reconstruction n’en est qu’à ses prémices, à tous points de vue.

Contrat incendie : l’alpha et l’oméga de l’Assurance
Comme les pompiers, les assureurs notent la rareté des dommages incendie sur les chais et distilleries. C’est peut-être cette rareté qui, dans l’univers agricole, les enclin à ne pas exiger de normes particulières style Apave. Un « laxisme » dont ils ne font pas preuve dans d’autres domaines d’activité. Dans l’industrie, même à petite échelle ou dans la restauration, la certification pour la prévention des risques est la règle.
De l’avis même des assureurs, le dédommagement des dégâts incendie se passe généralement bien, dans la mesure où l’incendie constitue l’alpha et l’oméga de l’assurance, la base de tous les autres contrats. David Delporte (Gan assurance à Jonzac) attire cependant l’attention sur deux points : la vétusté et le montant assuré. « Si le bien est assuré “valeur à neuf”, il n’y aura pas de problème. Par contre, s’il est assuré “vétusté déduite”, ce sera une autre paire de manche. » Par ailleurs, la garantie porte sur quelle valeur de stock ? La valeur actuelle où une valeur « historique » ? « Si la valeur du stock n’a pas été revue depuis très longtemps, des déboires peuvent se rencontrer. »

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