Hennessy : entretien avec Bernard Peillon

2 janvier 2019

C’est dans le cadre symbolique de l’Hôtel les Chais Monnet que le président de la Maison Hennessy a donné rendez-vous à la presse lundi 26 novembre dernier. Deux heures d’échanges pour confirmer le dynamisme de la marque et ouvrir sur différents sujets tels que l’accompagnement de la croissance, la viticulture durable, l’innovation ou le dynamisme de Cognac. Retour sur cette rencontre.

Hennessy : de nouveaux records atteints

Avant même que les chiffres de l’exercice ne soient publiés, Bernard Peillon a donné la tendance : croissance sur tous les marchés. Belle année de nouveau aux Etats-Unis sur l’ensemble du portefeuille (VS/VSOP/XO et au delà) en dépit de la géopolitique actuelle. Chine : croissance à deux chiffres, une année record sur un marché de bonne facture. Russie : belle progression à deux chiffres. Afrique : marché dynamique en particulier en Afrique du Sud et au Nigéria. Le reste du monde, à savoir le Canada, le Mexique et les Caraïbes, s’inscrivent dans la même mouvance que les Etats-Unis. Un déploiement mondial et une dynamique qui présagent avant clôture, une belle année toutes qualités confondues. En parallèle sont menées des campagnes de communication ambitieuses et adaptées à chaque marché. En Afrique, la posture de la maison est de mettre en avant le petit quart d’heure d’avance cher aux équipes Hennessy avec comme leitmotiv une accroche : « All I need » (tout ce dont j’ai besoin). Il faut dire que la démographie du continent africain constitue un potentiel de développement non négligeable (population jeune). Aux Etats-Unis, la marque a fait le choix d’axer sa communication sur le thème de la performance et de la persévérance (« never stop, never settle » : ne jamais s’arrêter, ne jamais « s’installer ») en faisant référence aux exploits du pionnier Marshall Major Taylor (premier cycliste noir détenteur de sept records du monde en piste de 1899 à 1904).  On notera par ailleurs, une volonté de remettre au centre de la communication la notion de savoir-faire, de tradition (tendance « craft »). En Chine, le VSOP fait l’objet d’une grande campagne de communication avec un message disruptif invitant les consommateurs à détourner les règles, ceci dans un pays fortement normatif (« find what matters » trouvez ce qui est important). Enfin la distribution en duty-free a également fait l’objet d’investissements conséquents avec l’ouverture d’une boutique de 80 M2 en juillet 2018 au sein de l’aéroport de Hong-Kong qui compte 35 millions de passagers par an. En somme des budgets conséquents qui viennent démontrer la dynamique Hennessy et visent à accentuer la désirabilité de la marque.

 

Ceci dans un contexte très porteur pour le Cognac. Et c’est justement sur l’accompagnement de la croissance que Bernard Peillon a souhaité poursuivre le débat.

 

Un besoin de parfaire la capacité de la filière à se projeter

Au-delà du Business Plan qui apporte une visibilité à 15 ou 20 ans, la demande de contingent de plantations nouvelles exprimée pour 2019 à hauteur de 3474 ha pour le Cognac (et qui reste à confirmer) est un élément de réponse au contexte économique favorable. Sachant que l’entrée en production de ces nouvelles vignes s’opèrera en troisièmes feuilles. De la nécessité d’anticiper les besoins en prenant également en considération le temps de mise en œuvre (pépiniéristes inclus). L’outil de production nécessite une visibilité forte et implique de nombreux sujets. Les ambitions de la filière ont été confirmées par un dialogue de qualité souligne Bernard Peillon. Il faut renforcer la gouvernance ajoute-t-il. Le SMC (Syndicat des Maisons de Cognac ) et le BNIC sont en ordre de marche pour accompagner tout cela.

Sur la récolte 2018, les prévisions tournent autour de 13 hl Ap/ha, c’est une surprise. Là encore, questions : comment se renforcer pour bien anticiper les volumes des vendanges ? L’outil de prévision doit-il être peaufiné ? L’anticipation est nécessaire et il y a là, un travail collectif à mettre en œuvre ajoute-t-il.

Autre élément de projection : les prix d’achat des eaux de vie. La Maison Hennessy, a pratiqué pour cette campagne une augmentation trois fois supérieure au taux d’inflation pour les eaux de vie « 00 ».  A cet égard, la maison se positionne en tant que soutien à une viticulture entreprenante. C’est une posture de responsabilité et d’accompagnement pour une viticulture qui investit et qui se projète conclue Bernard Peillon.

 

Cette posture se vérifie également dans les engagements pris par La Maison Hennessy en terme de viticulture durable.

 

Objectif sous trois ans : « 0 » herbicides au titre du vignoble Hennessy

Une annonce forte et qui concernera également les partenaires viticulteurs de la Maison à horizon 10 ans. Un premier pas a d’ailleurs été franchi avec l’obtention de la certification HVE niveau 3 pour les domaines Hennessy. Le cahier des charges est ambitieux avec une interdiction du désherbage en plein et le recours à une pulvérisation confinée. L’extension du vignoble, poursuit Bernard Peillon, va dans également dans le sens d’une viticulture durable. Au-delà d’augmenter la capacité de production, l’objectif est également de ne pas faire pression sur le rendement.

 

C’est sur un tout autre registre que la discussion se poursuit : l’innovation.

 

Nous sommes satisfaits du cahier des charges tel qu’il existe

Sur le sujet, la position de la Maison Hennessy est claire. « A quel jeu jouons-nous ? » interroge Bernard Peillon. Et de poursuivre : « Le consommateur reçoit beaucoup d’informations, le message est parfois trouble. C’est la singularité d’une idée qui fait toute sa force. Par conséquent, si l’on emprunte les codes d’une autre catégorie, nous nous perdons. Nous sommes sur une « industrie » vieille de trois siècles, pourquoi aller bouger les fondamentaux pour répondre aux consommateurs qui par essence ont des goûts en constante évolution ? Le packaging et la communication sont aussi des vecteurs d’innovation «En fait, toute la question est de savoir comment se définit l’innovation. Avec le mouvement « craft » par exemple, la maison communique sur les fondamentaux du cognac, l’authenticité du produit. La situation florissante actuelle ne justifie pas de sortir de la catégorie. Ceci étant, chacun est libre de jouer comme il le souhaite à l’extérieur précise Bernard Peillon. Enfin, pour revenir sur le sujet du XXO, l’on se félicite d’un accord trouvé en très peu de temps pour inclure cette catégorie dans le cahier des charges. Il y a de la place entre le XO et les très vieux cognacs et par ailleurs le XXO est fortement créateur de valeur. Tout le monde est donc gagnant. Il ne faut cependant pas gaspiller cette opportunité, chaque maison doit jouer le jeu des prix selon Bernard Peillon.

 

Pour clôturer la matinée, retour sur le dynamisme d’Hennessy avec une revue des projets à court et moyen terme.

 

Des investissements qui participent à l’attractivité du territoire et qui renforcent l’appareil de production

 

Première annonce avec le transfert de l’ancienne tonnellerie de la Sarrazine en plein cœur de Cognac, sur les quais. Un atelier ouvert au public qui viendra renforcer l’offre touristique. Au delà, on notera une volonté de la maison de réintégrer en centre ville des métiers traditionnels liés au Cognac et de se recentrer autour du fleuve pour toute la symbolique qu’il représente. L’autre rive est également concernée. Le plan général a d’ailleurs été présenté aux institutionnels. Un projet ambitieux baptisé « Factory » annonce Bernard Peillon qui répondra à terme, d’ici le deuxième semestre 2019, à l’objectif de valorisation du savoir-faire. Au croisement des intérêts publics et privés, la ville se redessine et bénéficie de la prospérité du Cognac. C’est un cercle vertueux fort. Deuxième annonce avec l’installation de la deuxième ligne de mise en bouteilles en fin d’année à Pont Neuf, la construction de 6 chais (haut et bas Bagnolet ) et l’achat de futaille au premier trimestre 2019. Des investissements conséquents à hauteur de 1 milliard d’euros (hors achats eaux de vie) sur 10 ans. Des investissements humains également avec bientôt près de 1000 salariés.

 

Bernard Peillon s’est enfin prêté au jeu des questions/réponses. Sur le ferroutage par exemple, une prise de conscience doit s’opérer de la part de tous les opérateurs afin qu’il y ait les volumes nécessaires au maintien de ce service. Concernant les risques géopolitiques, la marque a une capacité de rebond forte éprouvée d’ailleurs au cours des deux dernières crises. L’assise mondiale apporte une certaine sérénité et puis c’est le métier des négociants que d’anticiper les risques souligne Bernard Peillon. A la question de la concurrence avec les autres alcools, on répond que oui cette concurrence est toujours sujet d’analyse. La montée en puissance de la Téquila Patron est par exemple observée, ainsi que l’engouement pour le Gin. Certaines marques de Whisky servent de repère afin de se positionner en terme de prix notamment. Là encore, le travail de désirabilité de la marque évoqué plus haut se justifie pleinement et permet à la catégorie de se distinguer sur les rayonnages. Enfin sur les allocations pratiquées notamment aux Etats Unis avec le VS et qui répondent à la pénurie de stock, elles engendrent une forme de « rareté » dont l’impact sur la désirabilité (là encore) peut s’avérer très positif, elles peuvent également inciter les consommateurs à se reporter sur des qualités supérieures.

 

Pour résumer: une croissance encore bien aspectée pour cet exercice, un engagement affirmé en terme de viticulture durable, une position claire pour la catégorie et des investissements à dix chiffres. « Never stop, never settle » prend là aussi tout son sens.

 

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