Flavescence dorée : la catastrophe annoncée devient réalité

6 avril 2011

A-t-on pris suffisamment au sérieux le danger flavescence dorée dans la région de Cognac au cours des dernières années ? Malheureusement, la réponse est non au vu de l’expansion de la maladie en 2010. Le constat est terrible et la catastrophe annoncée par quelques techniciens qualifiés d’alarmistes en 2008 et en 2009 est en train de se produire. La maladie progresse vite, apparaît dans des secteurs nouveaux, couvre une aire géographique de plus en plus vaste et la situation en 2011 sera pire. Comment en est-on arrivé à un tel constat d’échec ? Tout simplement en ayant sous-estimé le danger flavescence dorée. Pendant trop longtemps, le discours des instances professionnelles s’est limité à qualifier cette maladie de problème marginal : « On allait maîtriser la situation en misant sur la bonne volonté de quelques techniciens convaincus sans réellement penser à une stratégie de lutte d’envergure. » Dans la région de Cognac, les enjeux économiques au niveau de la production ont trop souvent supplanté les aspects techniques au cours des dix dernières années. Il s’est aussi produit une véritable décapitalisation de compétences techniques au sein de la région délimitée. Le SRPV de Cognac, acteur dynamique sur le dossier FD à la fin des années 1990, a été démantelé au profit d’une structure ayant des missions majoritairement réglementaires : le SRAL. Aucun organisme de la région n’a pallié cette perte de savoir-faire car les préoccupations à court terme étaient ailleurs. Cet ensemble d’erreurs d’analyse se paie aujourd’hui « cash ». La gravité de la situation 2010 va-t-elle servir de déclic pour mettre sur les rails une stratégie de lutte globale et pérennisée contre la FD ? Ce serait indispensable mais cela va demander des moyens qui, jusqu’à présent, n’ont pas été trouvés. Le dilemme est finalement assez simple, soit on investit durablement dans une stratégie de lutte puissante, soit on accepte de voir « le capital ceps » du vignoble être affecté durement par cette maladie.

 

 

La gravité de la situation 2010 confirme que les démarches de lutte initiées depuis plusieurs annnées ont montré leurs limites. L’échec global des différentes stratégies n’est-il pas la conséquence directe de l’insuffisance de l’investissement des responsables professionnels de la région délimitée dans des démarches de lutte collectives puissantes et pérennisées. On ne peut que constater que l’épidémie de flavescence dorée n’était pas, jusqu’à présent, considérée comme une grande cause régionale ! C’est tout de même assez paradoxal quand on sait que la majorité des viticulteurs ne sont pas en mesure d’en reconnaître les symptômes. La bonne volonté évidente des techniciens du SRAL de Cognac, de la FREDON et des Chambres d’agriculture n’a pas suffi pour mobiliser les énergies et contenir le mal. Certains acteurs disent facilement que les viticulteurs doivent se prendre en charge et avoir une attitude plus responsable au sein des périmètres de lutte obligatoire. Facile à dire mais plus délicat à mettre en œuvre quand on est concerné par la maladie. Certes, les arrêtés préfectoraux rendent obligatoires la réalisation des traitements insecticides, l’arrachage des ceps contaminés (ceux qui sont repérés) et la réalisation des prospections, mais comment savoir si réellement tout ce travail est effectué avec rigueur. L’année dernière, un viticulteur touché par un foyer de FD qui témoignait de façon anonyme expliquait simplement qu’il avait bien repéré trois ans auparavant 5 à 6 ceps bizarres fin août mais, faute de connaître les symptômes, il n’a pas eu le réflexe de penser à la FD. Deux ans plus tard, cette même parcelle était bonne à arracher et d’autres symptômes étaient apparus à proximité.

En 2010, la catastrophe annoncée est devenue réalité

fd_dgats_sur_grappes.jpgSébastien Bélis, le technicien de la DRAAF Poitou-Charentes rattaché à l’antenne du SRAL de Cognac, ne cache pas son extrême inquiétude à l’issue de la campagne 2010 : « On avait pressenti à l’automne 2009 que de mauvaises surprises allaient se produire en 2010, mais la situation est pire que celle que l’on imaginait. La catastrophe FD est devenue une réalité avec plus de 11 ha de parcelles entières à arracher et 7 500 ceps isolés contaminés qui sont pratiquement répartis dans toute la région délimitée. Au-delà l’intensité d’expression des symptômes et la découverte de plusieurs nouveaux foyers, l’état des lieux 2010 est très préoccupant car il n’est malheureusement pas représentatif du degré d’atteinte réel. Il n’est pas illusoire de penser que la réalité est pire et en 2011, les désillusions risquent encore d’être nombreuses. A l’automne 2010, chaque fois que les prospections ont été faites sérieusement dans des secteurs sensibles, on a fait de mauvaises découvertes. Malheureusement, toutes les zones n’ont pas été prospectées et des foyers latents non identifiés vont encore prospérer au cours du prochain cycle végétatif. » Bien que les arrêtés préfectoraux ne soient pas encore signés, les résultats des prospections témoignent de la dégradation importante de la situation.

40 nouvelles communes intégrées dans le PLO 2011

La surface totale de vigne concernée par le PLO en 2011 atteint 40 000 ha au lieu de 38 000 ha en 2010. Les observateurs les plus optimistes peuvent tempérer le pessimisme ambiant en faisant remarquer que les surfaces globales du PLO n’ont augmenté que de 2 000 ha. C’est vrai mais derrière ce chiffre se cache la répartition géographique du PLO sur 230 communes au lieu de 190 en 2009, ce qui confirme la montée en puissance de la maladie dans des endroits considérés comme sains jusqu’à présent. La forte extension de certains foyers 2009 et la découverte de nouvelles zones touchées concernent 59 communes supplémentaires alors que 19 communes (représentant presque 7 000 ha) sortent du PLO en 2011. C’est la seule bonne nouvelle de l’année.

Elles concernent en Charente le cœur du vignoble avec les communes de Segonzac, Lignières-Sonneville, Saint-Même-les-Carrières, Gensac-la-Pallue, Bonneuil, Gondeville, Verrières, Graves-Saint-Amant-Jurignac et Pérignac. En Charente-Maritime, 9 communes sortent du PLO : Archiac, Clérac, Léoville, Polignac, Saint-Aigulin, Saint-Bris-des-Bois, Saint-Martin-de-Coux, Saint-Pierre-du-Palais et Vanzac. Souhaitons que les prospections aient été faites avec la plus grande rigueur dans ces zones !

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La majorité des nouveaux foyers est en Charente-Maritime

La plus forte expansion de la maladie concerne la Charente-Maritime dont 70 % de l’aire de production est pratiquement intégré dans le PLO. De Mirambeau à Beauvais-sur-Matha, l’ensemble du vignoble est dans une zone à risque avec la découverte de plusieurs nouveaux foyers annonciateurs de mauvaises choses en 2011. Parmi les 26 nouvelles communes contaminées, 11 sont situées en dehors du PLO 2010. Les arrachages concernent des zones déjà contaminées en 2009, le secteur de Thors – Mons – Matha, celui de Clion (avec 7 parcelles à arracher et plusieurs milliers de ceps isolés à éliminer) et les nouveaux foyers sur Berneuil, Arce-sur-Gironde, Saint-Sauvant, Chaniers, Sainte-Souline et Saint-Ouen-Bresdon. D’une manière générale, S. Bélis considère que la mobilisation des viticulteurs a été bonne dans toutes les communes qui avaient été contaminées en 2009. A Clion par exemple, des prospections exhaustives sur toutes les surfaces, d’où l’importance des découvertes, et, dans le secteur de Matha, l’implication des viticulteurs a été à la hauteur du niveau de risque. Au nord de la Charente-Maritime, un nouveau foyer assez inquiétant à Saint-Ouen-Bresdon a été découvert avec 100 ceps touchés dans trois parcelles, dont 50 dans la même vigne. Comme cette zone n’était pas dans le PLO en 2010, l’absence de couverture insecticide systématique laisse planer de grosses inquiétudes pour 2011. Le foyer du Pays bas connaît une extension sur les communes de Bréville, Brie-sous-Matha et Prignac où de nombreuses souches contaminées ont été marquées. A l’est de Saintes, un nouveau foyer a été découvert à la limite des communes de Saint-Sauvant et de Chaniers. Le secteur de Pons-Gémozac connaît aussi une nette expansion qui se situe dans la continuité du foyer de Saint-Genis-de-Saintonge (découvert en 2009). A Arce-sur-Gironde, un foyer isolé a été découvert en fin de saison, ce qui suscite aussi des inquiétudes pour l’année prochaine. Le secteur de Jonzac-Plassac n’est toujours pas en voie de rémission puisque la commune de Jonzac, qui en 2010 avait été considérée comme assainie (et sortie du PLO), est de nouveau contaminée. Dans le sud, le foyer de Sainte-Souline est toujours préoccupant avec la découverte de symptômes dans une plantation en première feuille. La dernière mauvaise surprise se situe dans l’île de Ré où deux ceps contaminés ont été identifiés dans deux communes, Saint-Martin-de-Ré et La Couarde. La coopérative s’est mobilisée pour réaliser des prospections exhaustives à l’automne dernier, qui n’ont pas permis de trouver d’autres symptômes.
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mettre en place des compétences techniques supplémentaires

La prise en compte de tous ces éléments peut laisser à penser qu’en Charente la situation est beaucoup plus saine qu’en Charente-Maritime. Or, S. Bélis se montre très prudent car à l’issue de l’automne 2010 les prospections ont été nettement moins importantes en Charente et, fatalement, on a moins trouvé de symptômes. La FD doit être cherchée dans le vignoble comme le confirme le vécu de la maladie dans la région. D’une manière générale, les actions de communications au cours de l’été 2010 ont relancé une dynamique d’information autour de la maladie. Les douze réunions d’informations organisées début septembre pour reconnaître les symptômes et mettre en œuvre les prospections ont accueilli 500 viticulteurs alors qu’en 2009 seulement 90 s’étaient déplacés. Les distributeurs se sont également un peu plus investis en formant leurs équipes de techniciens et en incitant les viticulteurs à parcourir leurs vignes. Quel bilan peut-on tirer de toutes ces actions ? S. Bélis tient sur ce sujet un discours lucide : « Les efforts d’informations avec l’édition de documents spécifiques et leur envoi à tous les viticulteurs situés dans le PLO ont eu un impact. On est arrivé à relancer une dynamique de sensibilisation dans les secteurs contaminés. Les 500 viticulteurs qui se sont déplacés lors des réunions avaient la motivation de s’informer et c’est très bien. Par contre dans les communes de sécurité, le discours de sensibilisation a déjà un peu moins d’échos et en dehors du PLO, il est quasiment inaudible. Quand on sait que plus d’un hectare sur deux de la région délimitée est concerné par la FD, on s’interroge sur les moyens qu’il faut mettre en œuvre pour mettre en place une stratégie de lutte globale efficace. Le fait d’avoir réussi à réunir 500 viticulteurs pour lancer les campagnes de prospections, c’est à la fois un net progrès et aussi une déception quand on sait que la région compte 5 000 exploitations. 2011 va être une année délicate où des moyens plus conséquents devront être mis en œuvre pour explorer les vignes. La perspective d’Ecophyto va à l’encontre de la systématisation de la couverture insecticide qui est pourtant indispensable à l’intérieur du PLO. Si l’on veut réduire les IFT, il faudra investir plus sérieusement dans la recherche des symptômes dans les parcelles. Demander aux viticulteurs de prendre en charge une partie de ce travail est bien sûr indispensable mais leur demander d’être les seuls acteurs des prospections serait irréaliste. La gestion dans le moyen terme des foyers nécessite un encadrement technique de surveillance du territoire qui est du ressort des techniciens. Il est indispensable de construire des méthodologies de prospection fiables, de les valider, de diffuser les connaissances nouvelles et d’être à l’écoute des attentes des viticulteurs. Tout ce travail a été effectué jusqu’à présent avec les moyens du bord, en s’appuyant sur la bonne volonté de trois ou quatre techniciens investis presque à plein-temps pendant quelques semaines en août-septembre. En 2011, il y aura 26 communes contaminées de plus à parcourir, plus de mauvaises surprises à gérer dans l’urgence et de nouveaux enjeux techniques à proposer pour amplifier la lutte. Cela va nécessiter des compétences supplémentaires qu’il va falloir trouver. J’espère que les professionnels de la région délimitée ont pris la juste mesure du danger FD pour construire un vaste projet de lutte dans le moyen terme. »

Une maladie récente méconnue et difficile à vivre

belis.jpgL’un des problèmes majeurs de la FD est lié à l’image négative qu’elle engendre. C’est une maladie difficile à vivre que l’on peut presque qualifier de « honteuse ». Son apparition peut être perçue à tort comme un certain manque de professionnalisme des viticulteurs concernés. Or, il est presque normal que beaucoup de producteurs ne connaissent pas les symptômes car la maladie est apparue en Charentes en 1997 et, au début des années 80, elle était pratiquement inconnue en France.

Dans les formations de viticulture, la maladie FD était abordée de façon très succincte jusqu’à ces dernières années. La méconnaissance de cette maladie n’est pas une spécificité charentaise car, dans la plupart des régions viticoles, la FD était considérée comme une maladie secondaire et marginale jusqu’à la fin des années 80. Contrairement au mildiou ou à l’oïdium, un foyer de FD représente un danger persistant dans un environnement large pour toutes les parcelles de vignes situées dans un rayon géographique d’une dizaine de kilomètres. Les viticulteurs découvrant un foyer dans leurs vignes ressentent souvent un sentiment de culpabilité qui n’est pas fondé. Souvent, ils se reprochent d’une part de n’avoir pas identifié les premiers symptômes précocement et d’autre part de n’avoir pas réalisé une protection insecticide systématique contre le vecteur, la cicadelle de la FD.

Toutes ces réflexions traduisent un certain aveu d’impuissance dont il ne faut pas se moquer. Quand on voit quelques sarments ou quelques souches jaunes début septembre au moment du dernier rognage, il n’est pas non plus idiot de penser à tout autre chose qu’à la FD.

Faire le procès des viticulteurs touchés est inconséquent

Cette maladie ne fait pas des dégâts une année à la faveur de conditions climatiques particulières mais s’attaque de façon irréversible à la pérennité du vignoble. Chaque cep touché est perdu et devient une source d’inoculum en mesure d’assurer une diffusion de proximité rapide et spectaculaire. Très discrète au départ, la reconnaissance dans une parcelle de 4 à 5 ceps extériorisant des symptômes n’est pas évidente pour une personne n’ayant jamais vu un foyer de près. Trois ans plus tard, ces quelques souches peuvent se transformer en 500 ceps contaminés et là c’est un vrai drame. Faire le procès du viticulteur qui n’a pas vu « débarquer la FD » dans ses vignes est facile mais il convient de rester modeste dans ce domaine. De tels propos nous paraissent complètement déplacés et inconséquents car, depuis dix ans, un certain nombre de foyers sont apparus chez des gens très biens sans que l’on soit en mesure d’en expliquer l’origine. La FD est en train de devenir avec les maladies du bois une affection majeure dans le vignoble charentais. Le danger local et minuscule qu’elle représentait en 1997 a littéralement explosé en une petite décennie.

La méthodologie de lutte efficace en 1997 ne donne pas pleinement satisfaction en 2010

fd_2.jpgPourquoi la mobilisation collective autour du sujet FD a été aussi faible ? Cette question revient souvent dans les conversations de « bout de vignes ». La réponse est à la fois simple et décevante : « Personne n’avait pris la juste mesure du danger FD ». Pendant longtemps, beaucoup de viticulteurs, de responsables professionnels et même certains techniciens considéraient que la localisation de la maladie à quelques zones ne justifiait pas la mise en œuvre de moyens conséquents. A la fin des années 90, dans les foyers historiques de Vanzac et du cœur du vignoble, le fort investissement des techniciens de la Protection des végétaux de Cognac, des Chambres d’agriculture et des viticulteurs des zones concernés a permis d’obtenir des résultats.

Faute de moyens suffisants pour faire réaliser de manière systématique dans les PLO des prospections avec du personnel formé, les techniciens avaient choisi de multiplier les réunions d’information avec les viticulteurs (dans chaque commune à partir de la fin août) pour les encourager à parcourir leurs vignes. La méthode avait porté ses fruits au bout de trois ans et il a été décidé de l’étendre aux autres foyers plus récemment. Or, la réussite de cette stratégie est devenue très aléatoire ces dernières années. La méthodologie qui donnait satisfaction en 1998 ne semble plus suffisante aujourd’hui, ce qui suscite certaines interrogations. Les profonds changements des structures viticoles expliquent en grande partie cette situation. Au cours des 10 dernières années, les exploitations viticoles se sont agrandies en surface et globalement les disponibilités humaines sur les propriétés se sont réduites. Parcourir tous les deux rangs des vignobles de 20, 30, 50 ha… pour prospecter des symptômes chaque automne est un travail perçu par certains responsables de propriété comme trop lourd. Cette action de prévention pour identifier précocement les ceps contaminés est sûrement moins fréquente dans les zones du PLO et assez rare en dehors. Au final, moins on cherche de symptômes moins on a de chance d’en trouver et quand on découvre un foyer, il est en général plus sérieux et installé depuis plusieurs années.

Pas assez de temps disponible pour prospecter les symptômes

fd_3.jpgLes enjeux économiques et administratifs au niveau des propriétés ont aussi progressivement pris une place importante dans l’agenda quotidien de beaucoup de viticulteurs et, malgré leur bonne volonté évidente, ils n’ont plus suffisamment de disponibilité pour réaliser certaines interventions techniques de production. Un viticulteur nous a fait part de ses états d’âme sur ce sujet : « Vous savez, ne pas être en mesure de faire des prospections systématiques sur les 60 ha de vignes est pour moi un crève-cœur. J’ai toujours été très attentif à l’entretien de la pérennité du vignoble. Depuis maintenant plusieurs années, j’avoue humblement que je n’y arrive plus. Le temps consacré à l’administratif devient trop lourd et en plus la recherche permanente d’une meilleure productivité dans le court terme nous oblige en permanence à limiter les charges de main-d’œuvre. Les efforts d’organisation que nous avons réalisés depuis 10 ans sont importants et étaient incontournables pour passer les années difficiles. On demande en permanence à nos salariés de faire les travaux vite et bien, ce qui nuit sûrement à l’observation du comportement des vignes. Je me demande si on n’est pas allé trop loin dans la recherche de productivité avec nos équipes. Pour pallier nos déficiences en matière d’observation du vignoble, peut-être faudrait-il faire appel à des prestataires compétents mais, réalisme économique oblige, il ne faudra pas que cela coûte trop cher ! ».

Le déficit de prospection au niveau des viticulteurs n’a pas été compensé par celui des techniciens qui parcourent aussi le vignoble chaque automne. Les moyens n’ont pas été plus importants. Comme les équipes de techniciens qui parcourent eux aussi le vignoble ne sont pas étoffées, beaucoup de petits foyers n’ont pas été détectés précocement et l’expansion de la maladie s’est nettement amplifiée depuis deux ans. La conclusion est simple, les moyens mis en œuvre au cours des dernières années n’ont pas été suffisants pour endiguer le mal incurable FD qui est désormais installé dans tous les cantons de la région délimitée. L’état d’urgence est proclamé, reste maintenant à se doter de moyens de lutte puissants et coordonnés.

Repenser la stratégie de lutte globale avant de réduire la protection insecticide

L’une des principales interrogations liées au développement de cette maladie concerne l’origine de sa diffusion. La cicadelle de la FD est l’insecte qui assure la dissémination de la maladie en se nourrissant de la sève des souches infectées par la FD. L’un des volets importants de la lutte contre la maladie concerne la maîtrise de cet insecte dans les zones où la maladie est implantée. Dans l’état actuel des connaissances, la seule solution réaliste est d’appliquer une protection insecticide systématique pendant plusieurs mois en été pour empêcher les vols d’insectes. Cette solution est-elle satisfaisante sur le plan environnemental ? Bien sûr que non, d’autant que la perspective d’Ecophyto incite à réduire l’utilisation des intrants phytosanitaires. Des viticulteurs, des techniciens, des chercheurs s’interrogent à ce sujet. L’application d’une lutte systématique ne satisfait personne mais, actuellement, c’est un mal nécessaire. Peut-on envisager d’autres solutions pour maîtriser les vols de cicadelles ? Le débat est ouvert mais il paraît plus complexe à aborder que certains ne l’imaginent. S’interroger sur le bien-fondé de remettre en cause le principe de la stratégie de protection insecticide systématique à l’intérieur des PLO ne peut être envisagé que si l’ensemble de la démarche de lutte est complètement repensé. Dans d’autres régions viticoles, plusieurs initiatives de lutte globale contre la FD ont débouché sur une réduction maîtrisée des couvertures insecticides, mais cela repose à la base sur un travail technique de terrain qui demande des moyens beaucoup plus importants que ceux qui sont investis en Charentes.

Les résultats concluants du GEDON du Libournais : plus de techniques pour raisonner la protection insecticides

Dans le Libournais, une vaste stratégie de lutte a été mise en œuvre pour endiguer la maladie depuis plusieurs années par le biais du GEDON. Les résultats semblent séduisants car, au bout de quatre ans, la FD a nettement reculé tout en ayant limité considérablement la couverture insecticide. L’origine de cette initiative repose sur une évolution des connaissances sur le comportement des cicadelles qui a été conduite par M. Marteen Van Helden, enseignant chercheur à l’ENITA de Bordeaux. La gestion du risque FD a pu être abordée avec beaucoup plus de finesse à l’intérieur du PLO, en misant à la fois sur des prospections exhaustives (réalisées par du personnel compétent) et une observation fine des vols de cicadelles dans toute la zone.

Une stratégie de fond a été mise en place en investissant dans une équipe de techniciens présente sur le terrain pratiquement toute l’année. Le maillage technique des hommes permet de réaliser des observations hebdomadaires tout au long de la saison, qui débouchent sur des messages d’information personnalisés en tenant compte de la proximité des foyers. Chaque exploitation viticole est tenu informée tout au long de la saison de l’évolution du risque FD dans les différents îlots parcellaires de leur vignoble. Au final, l’opération est une réussite car, au bout de trois ans, la FD a régressé fortement tout en ayant fortement limité les applications d’insecticides. La stratégie de couverture insecticide à trois traitements est concentrée à proximité des foyers et à l’extérieur de ce secteur à haut risque, une modulation du nombre de traitements est effectuée en suivant de près les vols de cicadelles. Concrètement cela a permis de réduire sur les 13 500 ha du PLO 70 % de la couverture insecticide. L’initiative paraît donc intéressante dans la mesure bien sûr où l’investissement économique reste abordable. Au cours des dernières années, le coût/ha a été facturé entre 22 à 25 € ht/ha, ce qui correspond à peu près à la valeur d’un traitement insecticide. Cette initiative est donc intéressante mais la méthode de travail ne pourra être extrapolée avec réussite à d’autres secteurs viticoles contaminés que si elle est adaptée au niveau de risque réel de chaque zone. Dans les pages suivantes, nous allons présenter une synthèse des avancées scientifiques sur le comportement de la cicadelle de la FD et l’initiative du GEDON du Libournais. n

Bibliographie :
− M. Sébastien Bélis, le technicien de la DRAAF Poitou-Charentes détaché auprès de l’antenne du SRAL de Cognac.
− M. Marteen Van Helden, enseignant chercheur à l’ENITA de Bordeaux.
– M. Antoine Verpy, responsable technique du GEDON du Libournais.

 

 

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