Fiscalité Pineau : La stratégie de l’escargot

7 juin 2011

L’escargot avance lentement mais ne recule jamais. Un peu à l’image du Pineau qui poursuit un combat miné de chausse-trappes, d’espoirs bafoués, d’attentes trompées. La lutte fiscale continue, pour une taxation plus juste.

La loi de finance sur la fiscalité du patrimoine (impôt sur les grandes fortunes), examinée en juin, sera-t-elle le réceptacle d’un épilogue heureux, la baisse des taxes du Pineau ? On n’ose trop y croire, tant la dernière rebuffade, si près du but, fut cuisante et douloureuse (voir Le Paysan Vigneron n° 1113). Pourtant, la famille des vins de liqueur ne désarme pas. A vrai dire, le temps joue pour elle. La grève partielle des taxes, engagée depuis des années, se poursuit. Au fil des versements des opérateurs, le trésor de guerre, sagement déposé sur un compte bancaire, s’arrondit de mois en mois. L’issue favorable du conflit fiscal conditionne son déblocage. « Le Budget aimerait bien que ça se règle, ne serait-ce que pour récupérer son argent. Nous savons que cette affaire les dérange et même les dérange beaucoup » affirme Christian Baudry, président de la CNVDLAOC, la Confédération nationale des vins de liqueur d’appellation. Le même admet cependant qu’au sujet de la réforme fiscale, le ministère se montre aujourd’hui « discret, très discret ». Il fait profil bas. Récemment, les représentants des vins de liqueur ont rencontré leurs collègues des spiritueux, pour dégager des points de convergence et bâtir, éventuellement, une stratégie commune. En décembre 2010, lors du dernier rendez-vous manqué, l’absence de concertation entre spiritueux et vins de liqueur fut fatale à ces derniers. Les spiritueux firent le forcing auprès des parlementaires pour conserver en l’état leur fiscalité, sans changement, ne serait-ce que d’un iota.

Le récent dialogue avec la FFS (Fédération française des spiritueux) fut positif. Si les spiritueux campent sur leur position initiale – « toutes les boissons doivent être taxées au degré d’alcool » – les vins de liqueur ont émis une proposition qu’ils estiment potentiellement rassembleuse : qu’il existe à l’avenir une taxation de base pour chaque catégorie fiscale mais, qu’à l’intérieur des familles de produits, on évolue vers une taxation au degré. Ce que les vins de liqueur rejettent absolument, c’est l’effet de seuil trop discriminatoire entre les différentes catégories de boissons. « C’est insupportable » assène Ch. Baudry. « Quand le seuil est énorme, ceux qui le peuvent se débrouillent pour s’extraire de la catégorie la plus lourdement taxée. Ceux qui ne peuvent pas bouger, comme les produits traditionnels, sont les dindons de la farce. » Bien sûr, quand les vins de liqueur disent cela, ils lorgnent vers les vins aromatisés (Martini et autres apéritifs), qui sont passés d’une fiscalité « vin de liqueur » à 223,5 € l’hl vol. à une fiscalité « vin » à 3 € et des poussières, par le miracle de la cryoconcentration ou de l’ultrafiltration par osmose inverse. Avec leur proposition, les vins de liqueur souhaitent faire « combat commun » avec les spiritueux. Une solidarité qui avait cruellement fait défaut en décembre 2010.

aides compensatrices

Un autre problème assaille les vins de liqueur : le versement du solde des aides compensatrices. Lors de leur déblocage, dans les années 2004, ces aides avaient vocation à compenser la surcharge fiscale des vins de liqueur, en attendant une révision en profondeur de la taxation. L’enveloppe initiale, dûment notifiée à la Commission européenne, avait été fixée à 12 millions d’€. Puis les pouvoirs publics français ont décidé de limiter le « droit de tirage annuel » à 2 millions d’€ sur cinq ans. Dans les faits, en cinq ans, les vins de liqueur n’ont touché qu’un peu moins de 7,5 millions d’€, limités qu’ils furent par la règle communautaire qui veut que pour chaque euro d’aide, la filière investisse la même somme. Aujourd’hui, ministère de l’Agriculture et FranceAgriMer considèrent que les cinq versements ont bien eu lieu, « pour solde de tout compte ». Evidemment, les vins de liqueur ne l’entendent pas de cette oreille. « Si, pour FranceAgriMer, 5 fois 2 font 12, pas pour moi ! » lance un Christian Baudry outré. Non seulement il manque à l’appel 4,5 millions d’€ sur les 12 millions promis mais la solution palliative proposée par Montreuil (siège de FAM) frise, selon Ch. Baudry, la provocation. FranceAgriMer ne suggère-t-elle pas aux vins de liqueur de s’adresser aux autres régions viticoles pour décrocher quelques subsides. Raison invoquée : « Les caisses de l’Etat sont vides. » « Niet, niet, niet ! » s’insurgent les vins de liqueur. « Nous n’allons tout de même pas “taxer” nos collèges de 100 ou 200 000 €. C’est hors de propos. » Début mai, Christian Baudry a reçu un message de Bruno Le Maire, le ministre de l’Agriculture, lui signifiant « que l’enveloppe de 9,5 millions d’€ notifiée à la Commission européenne était arrivée à son terme ». « Sauf que le précédent courrier du précédent ministre parlait d’une enveloppe de 12 millions d’€ notifiée à la Commission. Tout ceci n’est pas très correct » note avec âpreté le président de la CNVDLAOC.

Cotisation ODG
La règle ! Que les ODG (Organisme de défense et de gestion de l’appellation) s’autofinancent, sans compter sur les syndicats ou autres financeurs pour boucler leurs budgets. En 2010, le Syndicat des producteurs de Pineau aura cependant contribué pour 22 900 € à l’équilibre du budget de l’ODG, somme à laquelle il faut rajouter les 31 000 € apportés par les collectivités territoriales 16-17 et la Région. Lors de l’assemblée générale du syndicat, il a été proposé de faire évoluer la cotisation ODG de 0,65 € l’hl vol. à 0,75 € l’hl vol. et de faire passer la cotisation forfaitaire de revendication de 20 à 30 €. « A terme, il faut que l’ODG devienne totalement autonome, expliquent les responsables syndicaux. Autant planifier les augmentations, sans attendre la dernière issue. » Le syndicat a prévenu : « Il y aura deux autres augmentations dans les années à venir. » Ceci dit, l’augmentation 2011 de la cotisation ODG ne représente qu’un peu plus de 3 € de l’ha, sur un prélèvement total d’environ 26 € de l’ha. Une charge encore supportable. Sur la dernière campagne, l’ODG a procédé à environ 140 visites au titre du suivi interne et à une trentaine de contrôles externes par Qualisud.
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