Financement de la Sécurité Sociale : Projet de loi 2012

17 novembre 2011

Au nom de la santé publique et pour contenir le déficit de la « Sécu. », le Gouvernement propose, dans son projet de loi 2012, un relèvement de 9,6 % des taxes sur les spiritueux, dont le Cognac. Le même projet de loi prévoit une baisse de la fiscalité des produits intermédiaires, catégorie à laquelle appartient le Pineau des Charentes. Il n’y a pas de lien de cause à effet entre les deux.

En août, François Fillon annonçait la couleur : « Nous cherchons à infléchir la progression des dépenses d’assurance maladie par le renforcement de nos outils de santé publique. Nous prévoyons de majorer, via la fiscalité, le coût du tabac, de l’alcool et des boissons contenant des sucres ajoutés. » Présenté le 5 octobre dernier, le projet de loi de financement prévoit une hausse de 9,6 % sur les spiritueux de 40 % vol. Les accises passeraient de 1 514 € l’hl AP à 1 660 €, soit 58 cents de hausse par bouteille. Pas une paille ! En outre, la cotisation de Sécurité sociale ne se calculerait plus au volume mais à l’alcool pur. Elle s’élèverait à 533 € par hl AP. Pour le Cognac, cela équivaudrait à une augmentation de la cotisation de S.S. de 50 %, avec un effet encore plus significatif sur les spiritueux compris entre 18 et 25 % vol. (liqueurs, cassis…).

Une douche froide

Au sein de la filière alcool, ces propositions ont fait l’effet d’une douche froide, y compris parmi les viticulteurs vendeurs-directs qui vendent majoritairement leur Cognac, leur Armagnac ou leur Calvados sur le marché français. L’an dernier à même époque, la FFS (Fédération française des spiritueux) s’était insurgée contre l’application d’une hausse d’1,3 % (6 cents par bouteille). Elle avait réussi à remporter la bataille. Cette année, toujours dans le contexte de la loi de financement de la Sécu., la filière alcool se trouve confrontée à une nouvelle hausse, bien plus massive. « Peut-on parler d’équité et de santé publique quand une seule catégorie de boisson est visée, celle des boissons alcoolisées », martèle l’organe de défense. Pour la FFS, l’équité consisterait à taxer toutes les boissons au degré d’alcool pur, vin, bière, produits intermédiaires.

Du nouveau pour le Pineau

Justement, au sujet des produits intermédiaires, il y a du nouveau. Le projet de loi prévoit un aménagement de la fiscalité… à la baisse. Un bref retour en arrière s’impose. Fin 2010, toujours dans le même cadre fiscal, un amendement parlementaire déposé par les sénateurs de Charente-Maritime (mais rédigé par le ministère du Budget) prévoyait de ramener la fiscalité des produits intermédiaires (dont le Pineau des Charentes) de 223 à 180 € par hl vol., soit une baisse des taxes de 20 %. Après avoir passé avec succès le cap du Sénat, le projet avait finalement capoté en commission mixte paritaire Assemblée nationale/Sénat. Cette année, il est repris mais de façon différente. Il ne fait plus l’objet d’un amendement parlementaire mais s’inscrit directement dans le projet de loi concocté par le ministère du Budget. Cette manière de faire présente au moins deux avantages : elle confère un peu plus de force à la mesure et présente le gros intérêt de ne pas avoir besoin de compensation. Car, en matière fiscale, si le Parlement souhaite amender une proposition gouvernementale par une baisse de recette, cette baisse doit être obligatoirement compensée par une hausse. C’est bien ce qui avait été reproché, avec virulence, au Pineau l’an dernier : d’avoir « négocié » la baisse de 20 % de ses taxes contre une hausse d’accises d’1,3 % sur les spiritueux. Rien de tel cette année. Quand le Gouvernement défend son projet de loi de finance, il n’a pas à justifier des moyens employés pour atteindre son objectif de recettes. Le texte est présenté dans sa globalité. Ainsi serait-ce une erreur que de chercher un lien de cause à effet entre fiscalité des produits intermédiaires et fiscalité des spiritueux. Ce que personne ne songe à faire d’ailleurs.

Un texte « tricoté mains »

Si, de Charentes, on a tendance à regarder le projet de loi (dans sa partie alcool) au prisme des seuls Cognac et Pineau, le texte fiscal recèle bien d’autres dispositions. A cet égard, certains n’hésitent pas à parler d’un texte « tricoté mains », avec le souci manifeste de ne pas attiser les braises mais, au contraire, de « mettre de l’huile dans les rouages ». Ainsi, dans le projet de loi, les VDN (Vins doux naturels) héritent eux aussi d’une baisse de leur fiscalité de 20 %. Elle redescendrait à 45 € l’hl vol. Les Portos, comme tous les VDN (Vins de liqueur), bénéficieraient de la même baisse sauf que, dans leur cas, les Portos titrant plus de 18 % vol. se verraient appliquer une cotisation S.S. de 45 € (contre 0 actuellement). D’où une fiscalité qui, au final, ne changerait pas.

En 2009, s’est mis en place le principe d’indexation de la fiscalité des alcools (et produits intermédiaires) sur l’inflation. Une mesure lourde de conséquence, que la filière Pineau avait d’ailleurs dénoncée avec vigueur en son temps. Le projet de loi 2012 introduit une limitation des effets de l’inflation à 1,75 %. Cela signifie qu’au-delà du chiffre d’1,75 %, l’inflation ne pourrait pas être répercutée. Un signe envoyé aux spiritueux.

Pour le Pineau, il est clair qu’une fiscalité revue à 180 € l’hl vol. « irait dans le bon sens », pour ne pas dire plus. Elle permettrait enfin de jouir « d’une vraie fiscalité intermédiaire entre les vins et les alcools. » Ce serait la reconnaissance d’un combat fiscal vieux de près de 30 ans.

Pour autant, à cette étape, la filière Pineau se garde bien de crier victoire. « Je suis comme saint Thomas. Je ne crois que ce que je vois. C’est qu’une fois le texte voté que je dirais que c’est fait » prévient Jean-Marie Bailllif, président du Syndicat des producteurs de Pineau, qui ne saurait oublier l’expérience de l’an passé.

Ouverts en octobre, les travaux parlementaires sur la loi de finance vont durer jusqu’à fin novembre : examen du texte par le Parlement, par le Sénat, navettes entre les deux Chambres, commission mixte paritaire. A la FFS non plus, il n’est pas question de vendre la peau de l’ours, mais pour d’autres raisons. Jusqu’au dernier moment, les représentants des spiritueux espèrent « faire bouger les lignes », même s’ils se montrent très prudents. « Ce sera un combat très compliqué. » La FFS escompte « sur le courage des députés pour qu’ils dénoncent l’iniquité de taper sur un seul produit, l’alcool. » Mais la Fédération sait aussi qu’elle trouvera en face d’elle « des députés viticoles très vigilants, soucieux de protéger leurs circonscriptions en 2012. » Les forces sont en place. Verdict fin novembre.

 

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