Excédents … et s’ils revenaient !

22 juillet 2010

Le spectre de la destruction de récolte s’était éloigné, sous l’effet conjugué de plusieurs paramètres (rendement Cognac élevé, déplafonnement des vignes sans IG, récoltes moyennes…). Et si les excédents revenaient ! Zoom sur une question pas si théorique.

ucva.jpgSouvenez-vous. Quand le régime d’affectation s’est mis en place – « à chaque vigne son débouché » – la gestion des excédents avait agité quelque peu les esprits. Et puis la région s’est assez vite détendue sur le sujet. Il faut dire que la nature y a mis du sien, les fonctionnaires européens et les négociants de Cognac également. Aujourd’hui, la demande régionale de fixer à 250 hl vol./ha maximum le rendement des vignes sans IG ravive un tantinet le sujet ; ou au moins commande de s’y pencher un brin. Comment furent traités les excédents en 2009 ? En vérité, les excédents Cognac ou Pineau – les seuls qui existent – furent portion congrue, en tout cas sous la forme de moût ou de vin (sans préjuger des raisins laissés sur pied ou au bout des rangs). Ces volumes d’excédents, on les estime à environ 200 000 hl vol., sur une récolte totale qui a tout de même frisé les 8 millions d’hl vol. Autant dire un dé à coudre. Que sont devenus ces volumes ? Ils ont rejoint les colonnes de distillation des acteurs régionaux, les Revico, distillerie de La Tour, UCVA, Douence, DVB, SVE… Au total, ils auront occasionné la production d’environ 20 000 hl AP, distillés à plus de 92 % vol., afin de répondre à la commande régionale d’exclure les vignes Cognac de toute fabrication de brandy (eau-de-vie de vin). Après déshydratation dans des usines spécialisées (distillation à 99,9 % vol.), ces 20 000 hl de pur ont rejoint la troupe des biocarburants d’origine vinique, alimentée quasi exclusivement par les distillations de prestations viniques. L’an dernier ces biocarburants d’origine vinique auront représenté quelque 350 000 hl AP.

un modèle économique dégradé

C’est la sica Résinor branche alcool, créée par toutes les distilleries vinicoles françaises, qui se charge dorénavant de mettre en marché ces quantités, après le retrait de FranceAgriMer. Mais alors qu’en 2008-2009, le modèle économique avait été calculé sur un prix de rachat de l’alcool carburant à 40 € l’hl AP sur le marché mondial, le prix oscille aujourd’hui entre 28 et 30 € l’hl AP, sous la pression du Brésil et de l’Inde. Et les acteurs économiques sont bien incapables de prédire l’évolution des cours du bio-
éthanol dans les années qui viennent. Un jour, la filière viticole ira-t-elle « dans le mur » ? En d’autre terme, devra-t-elle « payer pour détruire » si les prix de vente descendaient trop bas ?

En tout cas, d’ores et déjà, les distillateurs assurent « ne rien gagner sur cette distillation ». Jusqu’à maintenant, ils ont effectué cette prestation à un coup zéro pour le viticulteur et disent « tout faire pour continuer ainsi. » Nicolas Pouillaude, directeur de Revico, « tire son chapeau aux transporteurs qui, dit-il, ont accepté des conditions de rémunération bien moins intéressantes en ce qui concerne l’acheminement des vins en destruction. Ils ont vraiment joué le jeu ». Michel Létourneau, directeur de la coopérative de distillation UCVA, estime pour sa part que la distillation reste encore le meilleur moyen pour débarrasser les chais de leurs excédents ; le moyen le plus respectueux de l’environnement, surtout quand l’énergie qui sert à distiller est déjà « verte » et peu coûteuse.

du bioéthanol plus « green »

La filière viticole, via Résinor, est en train de se battre pour faire reconnaître le bioéthanol d’origine vinique comme étant un peu plus « green » que l’alcool de betterave, de colza ou de canne à sucre. « Nous ne concurrençons pas les filières agro-alimentaires » expliquent ses représentants. Ainsi Hubert Burnereau, président de la sica Résinor branche alcool (et président de l’UCVA), participe-t-il à toutes les commissions nationales et européennes pour tenter de bénéficier du label « origine autre ». « Certains de nos clients, groupes pétroliers, sont sensibles à cet argument. »

Dans l’hypothèse où le volume d’excédents gonflerait en Charentes, les outils de distillation pourraient-ils y faire face ? En terme de capacité de distillation sans doute. Les butoirs risqueraient de venir davantage de la chaîne de transport et de logistique. « A l’époque où l’ONIVINS gérait la distillation article 28, un camion commandé à 10 h partait à 16 h. Une telle fluidité n’existe plus aujourd’hui. Sica Résinor doit jongler entre capacité de stockage, bateau, moyen de transport ; autant de goulots d’étranglement » explique N. Pouillaude, de Revico. C’est Jérôme Budua, un ancien de FranceAgriMer, qui dirige la sica Résinor.

Si, sur les vignes affectées au Cognac et au Pineau, il est hors de question de faire autre chose que de l’alcool à usage industriel, sur les vignes « autres débouchés » aucune disposition n’empêche de produire des eaux-de-vie de vin. Encore faudrait-il que les opérateurs y trouvent un intérêt économique, ce qui ne va pas de soi. D’un point de vue réglementaire, il n’y a que la Champagne de Reims à avoir obtenu d’être « seule en son royaume. » Le « mousseux » n’a pas droit de cité dans l’aire délimitée Champagne.

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