Europe-Droits de plantation : « le diable se cache dans les détails »

4 juin 2013

C’est une certitude ! Les droits de plantations tels qu’on les connaît aujourd’hui vont disparaître. Mais ils seront remplacés par un système à peu près équivalent : l’autorisation de plantations nouvelles. L’essentiel est donc préservé. Un résultat loin d’être acquis au départ. Cependant, un « détail » reste à régler : la durée d’application du nouveau régime d’autorisation. Si ce régime d’autorisation devait s’éteindre au bout de six ans, la bataille de l’encadrement du potentiel de production sonnerait comme une victoire à la Pyrrhus. Réponse les 24 et 25 juin prochains.

 

 

Que se passera-t-il fin juin ? Va se tenir le Conseil des ministres de l’Agriculture de l’Union européenne qui finalisera la réforme de la PAC. Mais cette « fenêtre de tir législative » va aussi servir de point d’orgue à un autre dossier, celui de l’encadrement du potentiel de production viticole européen (les droits de plantation). Ce sera la fin d’une saga qui, depuis presque trois ans, tient en haleine la planète vigne et vin. A ce moment, on saura donc à quoi s’en tenir. A vrai dire, le mystère n’est pas entier. Il a été défloré voilà quelques mois déjà. Depuis le dernier GHN (groupe à haut niveau) du 14 décembre 2012, on sait que les droits de plantation tels qu’on les connaît aujourd’hui vont disparaître. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’ils seront remplacés par un système à peu près équivalent : l’autorisation de plantations nouvelles. Lors de ces fameux GHN et notamment celui du 14 décembre, Commission et Etats membres se sont mis d’accord pour que soit maintenu un outil d’encadrement du potentiel de production. Cependant, des « points de détail » restent à régler et non des moindres. On n’en citera que deux : la durée de vie du système d’autorisation de plantations nouvelles et le plafond d’autorisation accordé aux Etats membres (voir encadré). En l’occurrence, le « trilogue » du 22 mai prochain va être décisif.

Concernant le système d’autorisation de plantations nouvelles, on connaît assez bien à ce jour les rapports de force en présence, autrement dit les positions des uns et des autres, Parlement, Conseil et Commission. Le 13 mars dernier, le Parlement européen a voté le maintien en l’état du système des droits de plantation et ce jusqu’en 2030. Pourquoi les députés européens défendent-ils le maintien du système des droits de plantation ? Parce que le Parlement européen n’avalise pas l’argumentaire juridique de la Cour de justice de Luxembourg. Cette dernière a déclaré inconstitutionnels les droits de plantation, au prétexte qu’ils portaient atteinte au droit de propriété. D’où, entre parenthèses, le caractère transitoire des droits de plantation durant des années car un système permanent aurait été invalidé par la Cour de justice. Mais les droits de plantation avaient toujours été reconduits, jusqu’au moment où la Commission a proposé d’y mettre un terme définitif. Sur la question des droits de plantation, les parlementaires européens ont pris leurs distances vis-à-vis de la doxa juridique européenne « Les juristes donnent leurs avis, les politiques tranchent » a déclaré sans détour Michel Dantin. Sur la question de la date, il s’est montré encore plus ferme. Au congrès de la CNAOC qui s’est tenu à Reims le 23 avril, Michel Dantin a signalé que ses collègues et lui-même faisaient de 2030 un « point de blocage ». « Pour une raison simple, a-t-il dit, parce qu’un viticulteur ne plante pas sa vigne pour trois ans. Il a besoin de temps pour l’amortir et donc de visibilité. Il est hors de question pour nous de voir s’installer une zone de précarité. » Le 19 mars, sous l’impulsion notamment de la France et de son ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, très impliqué sur le dossier, le Conseil des ministres de l’Agriculture des 27 a voté la mise en place d’un nouveau régime d’encadrement fondé sur le principe de l’autorisation des plantations nouvelles. Il lui a assigné une date – 2024 – pour une mise en place en 2019. Dans l’esprit des négociateurs, le terme de 2024 est envisagé non comme une date de fin mais plutôt comme un point d’étape. Enfin, de son côté, la Commission défend elle aussi la mise en place d’un nouveau régime d’autorisation mais plaide pour une entrée en application le 1er janvier 2016 jusqu’en 2021, soit pour une durée de six ans. Reste à ces trois partenaires à trouver un terrain d’entente d’ici le Conseil des ministres de l’Agriculture des 24 et 25 juin à Luxembourg. Avant, il y aura eu le trilogue du 22 mai.

Autorisation de plantations nouvelles – Discussions sur le plafond

Il n’y a pas que la durée d’application qui pose problème. Il y a aussi le plafond annuel d’autorisation de plantations nouvelles Le Conseil des ministres de l’Agriculture penche pour 1 % de la surface viticole, la Commission préconise 2,5 %.

Si l’on s’en tient à la plate-forme votée par les ministres de l’Agriculture des 27, l’autorisation de plantations nouvelles sera plafonnée à 1 % des surfaces déjà plantées, avec possibilité pour les Etats membres d’adapter ce coefficient mais toujours dans un sens inférieur. Sur les critères d’attribution de droits, il est évoqué les critères environnementaux, l’équilibre économique, l’amélioration qualitative du produit, sa notoriété. Les Etats membres pourront s’entourer des recommandations des professionnels de chaque région, interprofessions, ODG, organisations de producteurs.

Un trilogue conclusif
Que faut-il entendre par trilogue ? Il s’agit d’une procédure de concertation informelle née du traité de Lisbonne instituant la procédure de co-décision Parlement européen-Conseil des ministres. Sur un sujet ou sur un autre, le trilogue peut se réunir. Il organise la concertation, participe à la recherche de compromis entre les trois instances européennes, Conseil, Parlement et Commission. Ces discussions ont valeur de « mandats de négociation » pour les réunions décisionnelles ultérieures. Sur l’OCM unique, il y a déjà eu deux trilogues, l’un plutôt laborieux, l’autre qualifié de « plus productif et constructif ». Vu sa date rapprochée avec le Conseil agricole des 24 et 25 juin, on peut penser que le trilogue du mercredi 22 mai sera conclusif. « Il scellera le sort des droits de plantation » a souligné l’euro-député Michel Dantin, rapporteur pour le Parlement européen de la future OCM unique.

 

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