Et non, les arbres ne montent pas jusqu’au ciel…

5 juillet 2023

« Celui qui croit qu’une croissance infinie peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste »

Nous aurions peut être aimé y croire, mais il n’en est rien. Les anciens le savent bien et le rappellent souvent aux nouvelles générations qui n’ont que peu ou prou connu les périodes de disette ou de  vache maigre.

Les derniers chiffres sont tombés, accompagnés d’une communication de l’interprofession du cognac tendant à leur analyse. Et non, les arbres ne montent pas au ciel : « après un résultat historique en volume et en valeur en 2019, 2021 et 2022, et dans un contexte économique mondial moins favorable, la filière Cognac enregistre un ralentissement de ses expéditions d’environ 15 % en volume sur les 12 derniers mois. Cette tendance n’est pas une surprise, compte tenu du caractère atypique de l’année 2022, qui après un premier semestre de forte croissance a vu les expéditions de Cognac marquer le pas à partir de l’automne. En cause principalement : aux États-Unis, la conjonction de difficultés logistiques, de l’inflation, du surstockage et des augmentations de prix décidés par certains distributeurs indépendants ; en Chine, les mesures sanitaires très restrictives imposées durant des mois. Ces éléments font encore sentir leurs effets sur l’année 2023 mais le travail réalisé sur les marchés vise à permettre un retour de la croissance d’ici début 2024. »

« Nous goûtons le bonheur sans l’économiser, et notre art d’en jouir est l’art d’en abuser. »

Si d’un point de vue macroéconomique et à l’échelle de la filière, tous s’attendaient à cet infléchissement de la dynamique cognac, quid de la situation sur les exploitations viticoles ? Alors que la maturité d’une filière résulte de son passé et des revers de fortune surmontés, dont les exemples sont légion au sein de l’aire d’appellation, les souvenirs de ces revers ont pourtant, au fil des dernières années, peu à peu été remplacés par l’assurance d’un confort – presque – indéfectible, poussant certains à investir sans commune mesure.

Or « l’aisance peut être mauvaise conseillère » et ce n’est parce que la filière va bien qu’il faut consentir à des investissements surdimensionnés ou dispendieux. C’est alors la recherche du bon point d’équilibre qui doit être LA priorité.

Les structures s’engageant aujourd’hui sur plus de 11 hl AP/ha ne font pas preuve de grande résilience.

La résilience d’une exploitation repose à la fois sur des réserves financières bien gérées, des stocks d’eaux-de-vie rassises libres et donc commercialisables rapidement et dont la valeur vénale augmente dans le temps, mais aussi sur des stocks de réserve climatique permettant de palier à un aléa de production.

De même, l’augmentation de la taille des exploitations et de leurs surfaces questionne. Opportunité ou danger ? Divisé par 4 en à peine plus de vingt ans, le nombre d’exploitation se concentre, pour des surfaces moyennes, quant à elles plus qu’augmentées. De la ferme à la firme ? Il ne faut pas exagérer, mais si les viticulteurs resteront à la tête de PME, ces dernières ressembleront de moins en moins à des entreprises familiales. Le travail ne manque pas, le personnel oui. Le manque de main-d’œuvre et d’attractivité du monde paysan étant dans ce cadre des verrous à faire sauter de toute urgence.

« La prévision est difficile surtout lorsqu’elle concerne l’avenir. Mieux vaut s’attendre au prévisible que d’être surpris par l’inattendu. »

Si les crises sanitaire, géopolitique, climatique, économique montrent plus que jamais qu’un changement de modèle est en cours et que les eaux passées ne font plus tourner le moulin, la filière Cognac s’appuie, pour garder le cap sur son outil collectif : le Business Plan Cognac. Il faut s’adapter pour tenir le cap. Non encore officiel au moment où nous bouclons ces lignes le couperet du rendement à passer en chaudière, soit l’objectif de production de la filière, affiche un niveau de 10,45 hl AP par hectare, soit un point de moins que ce qui était prévu (11,61 hl AP par ha). Un signal pour montrer que le contexte économique actuel est considéré, sans pour autant trop inquiéter à date. Il sera réajusté en fonction de la réalité agronomique du vignoble, c’est-à-dire en fonction de la dispersion des rendements au sein de chaque exploitation sur les six dernières années (différence entre le rendement agronomique de l’exploitation et le rendement annuel Cognac), au plus près des vendanges.

Rien n’est dévoilé, à date, sur le niveau des plantations pour 2024 qui devrait être connu fin aout début septembre, mais dont on sait déjà qu’il fera, lui-aussi, l’objet d’un réajustement.

Dans tous les cas, le cap reste pour le moment inchangé. Pour rappel, 26 millions de caisses (soit 300 millions de bouteilles) devraient être expédiées par la filière  horizon 2035 (chiffre présenté en conférence de presse au BNIC le 4 décembre 2020), pour un vignoble de 108 000 hectares. La mise à plat du Business Plan l’année prochaine, dans la suite du renouvellement de mandature, donnera le la pour les trois prochaines années. Affaire à suivre !

A lire aussi

Campagne PAC 2024 : Tout ce qu’il faut savoir 

Campagne PAC 2024 : Tout ce qu’il faut savoir 

Depuis le 1er avril et jusqu’au 15 mai 2024, les télédéclarations de demande d’aides au titre de la campagne 2024 sont ouvertes.Voici tout ce qu’il faut savoir pour préparer au mieux sa déclaration.

La Chine et le cognac : un amour inséparable

La Chine et le cognac : un amour inséparable

Avec plus de 30 millions de bouteilles officiellement expédiées en Chine en 2022, la Chine est le deuxième plus important marché du Cognac. De Guangzhou à Changchun, ce précieux breuvage ambré fait fureur. Plutôt que se focaliser sur les tensions actuelles, Le Paysan...

error: Ce contenu est protégé