Tous les ans, c’est un peu la même chose. La nouvelle loi de finances propose un pot-pourri d’éléments positifs et d’autres qui le sont moins. Dans le cru 2010*, le « bon » tient notamment à la fiscalité des plus-values professionnelles qui facilite les transmissions et les restructurations d’entreprises. Le « moins bon » concerne une tendance au plafonnement des avantages fiscaux. Pour la deuxième année consécutive, le cabinet PriceWaterhouseCoopers de Cognac a procédé au décryptage de la nouvelle loi de finances devant un parterre d’auditeurs réuni salle de la Salamandre à Cognac, le 22 février dernier. En partenariat avec la CCI de Cognac, un autre sujet d’actualité a été abordé, celui de la réforme de la taxe professionnelle.
C’est à partir du 1er janvier 2006 que le régime des plus-values professionnelles a été complètement refondu. Ce grand toilettage inaugurait de changements en profondeur, éminemment favorables aux entreprises. Rappelons les contours de la réforme d’il y a quatre ans. Elle se matérialisait par quatre mesures clés : exonération des plus-values professionnelles lors de la cession globale d’une entreprise, exonération des plus-values pour les petites entreprises, dans le cadre du départ à la retraite et abattement pour durée de détention. Bis repetita en 2010 ? Pas exactement. Le changement est forcément plus restreint qu’en 2006. Mais tout de même. Bruno Richardaud et Vincent Nobileau, les deux experts-comptables associés du cabinet PwC ainsi que Thierry Droulez, avocat fiscaliste, voient dans le dispositif réservé aux plus-values professionnelles au sein de la loi de finance pour 2010 un « facilitateur technique » non négligeable. « Sur certains dossiers, nous étions bloqués. Le nouvel article 151 O octies permet d’enchaîner les opérations de restructuration sans déclencher l’imposition au titre des plus-values. Transmettre, passer de l’IR à l’IS, fusionner, créer une holding… Tant qu’il n’y a pas de mouvement de “cash”, ces étapes se réalisent en sursis d’impôt. Elles bénéficient d’un report d’imposition. Mine de rien, il s’agit d’un outil puissant pour faciliter les transmissions et la restructuration des entreprises. » Le dispositif s’adresse aux sociétés dites « translucides » soumises à l’IR (impôt sur le revenu) à travers les BA (bénéfices agricoles), BIC (bénéfices industriels et commerciaux) ou BNC (bénéfices non commerciaux). En sont exclues les sociétés soumises à l’IS (impôt sur les sociétés).
Si la loi de finances pour 2010 a bonifié le régime des plus-values professionnelles, rien de tel pour le régime des plus-values des particuliers. A partir du 1er janvier 2010, même si les plus-values privées sont inférieures au seuil des 25 730 €, elles seront taxables dès le 1er €. « Pas très sympathique » ont diagnostiqué les trois « mousquetaires » à la barre, B. Richardaud, V. Nobileau et Th. Droulez.
tendance au plafonnement
Dans le même esprit, se profile une tendance au plafonnement des avantages fiscaux et autres niches fiscales. Exemple a été donné du quotient familial. Jusqu’à présent, le parent élevant seul des enfants « à un moment de sa vie » bénéficiait d’une demi-part supplémentaire. Cet avantage disparaît ou, plus exactement, est subordonné à une période minimale d’au moins 5 ans alors que, jusqu’à présent, la durée importait peu (6 mois, un an…). Ceux qui bénéficient actuellement de cette demi-part, sans la condition des 5 ans, conserveront l’avantage fiscal jusqu’en 2011 mais dans des limites restreintes. C’est ce que les spécialistes ont appelé un arrêt en « sifflet ».
En France, s’exercent trois types de déductions fiscales : la déduction du revenu imposable, la réduction d’impôt et le crédit d’impôt. Comme son nom l’indique, la déduction du revenu imposable permet de diminuer la base imposable, par l’imputation de charges. La réduction d’impôt s’attaque directement au montant de l’impôt. Cependant, elle ne joue qu’à condition d’être imposable et dans les limites de l’impôt dû. Ce n’est pas le cas du crédit d’impôt qui, lui, donne droit à remboursement de la part de l’administration fiscale, même en cas de non-imposition. A noter que le crédit d’impôt ne s’adresse qu’aux personnes ayant une activité professionnelle, à l’exclusion des retraités par exemple.
Au titre des déductions du revenu imposable, on peut citer l’emploi d’un salarié à domicile. Sont visés tous les services à la personne, ménage, jardinage, petits travaux… La loi de finance pour 2010 majore le plafond de déduction applicable l’année de la première embauche. Ce plafond passe de 12 à 15 000 €. Mais attention, on parle bien ici d’une embauche, c’est-à-dire d’un emploi direct et non du recours au chèque emploi service. Dans la même veine, la nouvelle loi de finances prévoit un relèvement du plafond au titre des enfants à charge, de 15 000 à 18 000 €. Toujours au titre des déductions du revenu imposable, la nouvelle loi de finances met en place un dispositif, celui qui permet aux salariés, dirigeants ou gérants majoritaires de déduire de leurs revenus les intérêts d’emprunts et autres frais déboursés pour acquérir leurs sociétés ou au moins en souscrire des titres. Attention toutefois ! Cette libéralité est limitée à la fraction de l’emprunt représentant le triple de la rémunération. La mesure est non cumulable avec le système de souscription au capital de PME, donnant droit à réduction d’impôt.
Le crédit d’impôt pour acquisition de la résidence principale diminue. Sur la base de la précédente loi de finances, le crédit d’impôt équivalait à 40 % du montant des intérêts versés au titre de la première annuité (20 % au titre des quatre années suivantes). La loi de finances pour 2010 vient limiter cet avantage, en tout cas pour les logements qui ne sont pas estampillés BCE (basse consommation d’énergie). Les taux vont être ramenés à 30 % et 15 % pour les achats 2010, 25 % et 10 % pour les achats 2011, 15 et 5 % pour les achats 2012. Il n’est pas exclu que l’avantage fiscal soit purement et simplement supprimé à partir de 2013, en tout cas pour les logements non BCE. Les intervenants ont consacré un petit focus aux crédits d’impôts liés aux investissements dits « durables » de la maison (pompes à chaleur..). La matière étant très mouvante, le tableau présenté (voir encadré) se borne à reprendre les éléments qui évoluent avec la nouvelle loi de finances. La volatilité des mesures n’étonne d’ailleurs pas outre mesure les fiscalistes. « C’est le propre des mesures incitatives que de varier au fil de l’eau. » La doctrine change aussi au gré des avancées techniques. Aujourd’hui, les pompes à chaleur classiques (air/air) n’ont plus le vent en poupe. On leur préfère les pompes à chaleur faisant appel à la géothermie. Les personnes potentiellement intéressées par ces crédits d’impôt doivent donc faire preuve de réactivité. Les intervenants ont attiré l’attention sur un point particulier. Le crédit d’impôt au titre d’une année (l’année 2009 par exemple) concerne bien le paiement de la facture au cours de cette année et non le dépôt de devis ou de facture. L’administration fiscale a pu procéder à quelques redressements fiscaux. Bien se renseigner afin d’éviter certains déboires.
bouclier fiscal
Au moment de la campagne présidentielle 2007, le bouclier fiscal avait fait beaucoup de bruit. Instauré depuis lors, il permet de ne pas payer d’impôt au-delà de 50 % de ses revenus. Chaque année, il connaît de petites modifications à la marge. Pour 2010, le législateur a souhaité revenir sur la prise en compte des dividendes et donc, quelque part, sur la définition même du revenu. Au lieu de pratiquer des abattements forfaitaires sur le montant des dividendes, la grande idée consiste à se baser sur les revenus réellement perçus. Un principe qui ne va pas forcément dans le sens du contribuable. Au sujet du bouclier fiscal, Thierry Droulez, l’avocat fiscaliste bordelais (Cabinet Landwell & Associés), a souhaité couper court à d’éventuelles ambiguïtés. « Les directions des services fiscaux ont les noms de ceux qui peuvent prétendre au bouclier fiscal. En Gironde, ce sont 3 000 personnes. La stratégie qui consisterait à dire “je ne demande rien pour que l’on ne me demande rien” est une vue de l’esprit. »
Déjà initié l’an dernier, le plafonnement des niches fiscales devient vraiment effectif cette année. C’est l’exact pendant du bouclier fiscal. Sont concernés par la notion de « niche fiscale » le crédit d’impôt et la réduction d’impôt, avantages fiscaux accordés en contrepartie d’un investissement ou d’une prestation bénéficiant au contribuable (intérêts d’emprunt pour l’acquisition de l’habitation principale, équipement en faveur du développement durable, aides fiscales accordées pour l’emploi d’un salarié à domicile, frais de garde des jeunes enfants…). A peine dans sa première année d’application, le régime connaît déjà des modifications. Le législateur a souhaité abaisser le plafond des niches fiscales. Il le fait passer de 25 000 € à 20 000 €. Sont exclues du plafonnement les dons aux associations, mécénat, les cotisations syndicales, les frais de scolarité des enfants étudiants… En avril-mai, les cabinets comptables procéderont aux calculs, pour voir si leurs clients ne dépassent pas ce plafond.
De l’avis des spécialistes, la loi de finances pour 2010 « se révèle peu prolixe au niveau de la fiscalité des entreprises » sauf sur un sujet, la télétransmission. Depuis plusieurs années, Bercy fait le forcing pour la télétransmission et le télé-paiement. A horizon très court, toutes les entreprises – au moins celles assujetties à l’impôt sur les sociétés – devront s’y soumettre. « Dans deux ans, ce sera devenu un non-sujet. »
réforme de la taxe professionnelle
L’an dernier, la crise mondiale et ses répercussions sur l’économie régionale s’imposaient comme « le » sujet majeur, pour tout dire incontournable. Il avait donc été traité en seconde partie de réunion, à l’instigation de la Chambre de commerce et d’industrie de Cognac. Un même caractère d’évidence est apparu à Christian Coates, le président de la CCI, au sujet de la réforme de la taxe professionnelle. Pour les entreprises, la réforme de la TP ouvre de nouvelles perspectives, appelle de nouveaux comportements. Co mme on ne change pas une équipe qui gagne, les duettistes Bruno Richardaud et Vincent Nobileau, appuyés par leur mentor en fiscalité Thierry Droulez, se sont chargés de la présentation (voir article page 38). Avant cela, Jean-Marie Ordonneau, associé « historique » du cabinet comptable aux côtés de Francis Descubes, Patrick Thomas et Georges Thomas (à la retraite), avait brossé les attendus de la réforme et procédé à un rapide rappel. « Rarement, a-t-il dit, une taxe a été aussi décriée. On l’a appelé « l’impôt imbécile » ou encore « l’impôt délocalisant ». Il y a un peu plus de dix ans, la taxe professionnelle reposait encore sur deux volets, les salaires et les investissements. La partie salaires avait été réglée par Dominique Strauss-Kahn sous le gouvernement Jospin mais restait la partie investissement qui pénalisait les entreprises et attentait à leur compétitivité. Depuis 35 ans, tous les gouvernements s’y cassaient les dents. Grâce à la volonté farouche du Gouvernement, le problème a été réglé en moins d’un an. Lancée début 2009, la réforme a abouti en fin d’année. Hormis un point retoqué par le Conseil constitutionnel, elle est passée en bloc. » L’expert-comptable a dépeint un impôt inéquitable – « 25 % des entreprises acquittaient les 2/3 de la taxe professionnelle » – facteur d’inégalité territoriale, coûtant cher aux entreprises (25 milliards d’€) comme aux pouvoirs publics. Car, au fil de l’eau, l’Etat avait dû trouver des aménagements et était devenu en fait le plus gros contributeur de la TP. « Et l’Etat c’est nous. Une ineptie pour tout le monde ! » La taxe professionnelle disparaît-elle pour autant ? Dans sa forme précédente, oui. Mais elle resurgit sous une autre forme, la CET ou contribution à l’économie territoriale. Après la réforme, la CET est calibrée à 19 milliards d’€, « d’où 6 milliards réinjectés dans l’économie, cela mérite quand même d’être dit ». Les commentateurs ne l’ont pas caché : le nouveau système n’engendrera pas que des gagnants parmi les entreprises. Il y aura aussi des perdants. Mais globalement, les premiers seront plus nombreux que les seconds. Surtout, les écarts vont avoir tendance à se lisser et la recherche naturelle d’optimisation engendrera peut-être moins d’aberration. D’où, au final une réforme largement ressentie par le monde des entreprises et leurs conseils comme positive.
PS La loi de financepour 2010 concerne les revenus 2009, ceux qui feront l’objet d’une déclaration de revenu au mois de mai prochain
Loi de finance pour 2010
Une série de changements
La matière est trop foisonnante pour prétendre en faire un tour exhaustif. En plus des points présentés ci-contre, citation pour mémoire d’un certain nombre d’autres modifications instillées par la nouvelle loi de finance.
− Imputation des déficits agricoles : pour les pluriactifs par exemple, une mesure permet d’imputer sur d’autres revenus non agricoles des déficits agricoles. Toutefois cette libéralité ne peut s’exercer que sous le seuil des 104 648 € des revenus nets non agricoles.
− Indemnités de départ volontaire à la retraite (LF 2010 art. 100) : la nouvelle loi de finances prévoit l’imposition de la retraite dès le 1er euro. L’abattement sur la base imposable de 3 050 € est supprimé. Rappel : depuis janvier 2010, un salarié ne peut plus être mis à la retraite d’office avant l’âge de 70 ans.
− Indemnités pour accidents du travail (LF 10 art. 85) : avant le 1er janvier 2010, ces indemnités étaient non imposables. Elles le deviennent aujourd’hui, y compris pour les maladies professionnelles, à hauteur de 50 % des indemnités perçues. L’exonération totale reste d’actualité uniquement pour les personnes suivants des thérapies prolongées et coûteuses.
− Aménagement du système des revenus différés (LF 10 art. 19) : pour éviter les effets de tranches qui augmenteraient l’impôt, les rappels de salaires bénéficient d’un système de diviseur. Le diviseur est porté de quatre années au maximum au nombre d’années de rappel plus une (régime plus favorable).
− Réforme de la location en meublé (LF 09 art. 90) : le nouveau régime prévoit une évolution de la qualification professionnelle, instaure une série de changements.
Arrêtés Des Comptes
C’est la seconde année que le cabinet PriceWaterhouseCoopers Cognac organise, en partenariat avec la CCI de la ville, une après-midi d’information consacrée à la nouvelle loi de finances, qui paraît en fin d’année. L’occasion de remettre en perspectives les principaux textes sociaux, fiscaux, juridiques et de présenter les points d’actualité. Associé du cabinet PwC Cognac et doté de responsabilités régionales et nationales au sein du réseau d’audit et d’expertise comptable PwC, Jean-Marie Ordonneau précise le contexte de ce rendez-vous : « Nous nous adressons à une clientèle assez élargie, qui couvre l’ensemble du tissu économique, agriculteurs, artisans, commerçants, PME. » Un peu plus tôt dans la saison – la rencontre a eu lieu le 8 décembre 2009 – le bureau propose un autre temps fort, cette fois davantage tourné vers des entreprises plus structurées, « grosses PME », sociétés importantes. Public visé : les chefs d’entreprise, directeurs financiers, chefs comptables, contrôleurs de gestion ; des professionnels qui, pour la plupart, mettent en œuvre la norme d’information financière IFRS (International Financial Reporting Standarts). Le cabinet cognaçais adapte au contexte local la conférence qui se déroule tous les ans à Paris sous l’intitulé « Arrêtés des comptes » (ADC). Organisée par PwC (en partenariat avec DFCG, l’Association nationale des directeurs financiers et contrôleurs de gestion), la conférence réunit 500 à 600 personnes à l’échelon parisien et connaît des déclinaisons régionales, dont Cognac.
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