D’un Pineau à l’autre : le renouveau du voyage ?

24 mai 2019

Cœur de Pineau et Pineau Rosé, les nouveautés tout azimut de l’interprofession

 

Le 18 mars dernier, la réunion de secteur sur le Pineau des Charentes s’est posé à Mirambeau. Occasion de faire le point sur la dernière campagne, mais également pour l’interprofession de présenter les évolutions de l’appellation, avec l’arrivée d’un officiel Pineau Rosé et d’une nouvelle délimitation d’âge, 3-7 ans, baptisée Cœur de Pineau.

Dans la nuit du printemps fraîchement arrivée, à quelques encablures du château éponyme, Mirambeau a accueilli les producteurs de Pineau des Charentes. Le Syndicat, représenté par Philippe Guérin, président, et Cyril Michaud, technicien viticole, a exposé les évolutions de vin de liqueur charentais, présentes pour re-dynamiser l’appellation en consolidant sa base.

Un nouveau venu, le trousseau gris, nommé Chauché en Saintonge et Pays d’Aunis, peut désormais être utilisé dans l’élaboration du Pineau blanc. Il est limité à 10% de l’encépagement total du Pineau (blanc et rouge), sans aucune règle dans l’assemblage. Une approche défendue par Philippe Guérin. « L’INAO voulait 10% pour l’encépagement et l’assemblage. Leur inquiétude  de l’introduction d’un nouveau cépage est que ce dernier devienne très significatif au niveau de l’appellation et en vienne à modifier le profil du produit. » L’interprofession a préféré limiter uniquement l’encépagement, afin d’avoir une note significative dans la bouteille. Effet confirmé par un vigneron, qui a goûté un Pineau entièrement Chauché, « drôlement bon », a-t-il souri. « Les greffes sont déjà disponibles auprès du conservatoire qui l’a redéveloppé. Sébastien Julliard [N.D.L.R. : Directeur Conservatoire du Vignoble Charentais] conduira aux pépiniéristes. »

 

 

Cœur de Pineau, la nouvelle segmentation

Outre ses vignes, le Pineau continue sa mue dans les chais. Une nouvelle pyramide des âges voit le jour, avec l’introduction pour 2020 du segment d’âge 3-7 ans. Le Pineau générique, ou jeune, sera moins de trois ans en fût. Le Cœur de Pineau 3-7 ans, comme marque collective (moins compliquée administrativement qu’une introduction officielle au cahier des charges). Vieux Pineau, 7 à 12 ans. Très Vieux Pineau, plus de 12 ans. Le président du Syndicat Pineau des Charentes s’explique. «  Ce segment intermédiaire va permettre de faire émerger toute une autre catégorie de produits qui sont différents des produits d’entrée de gamme que l’on trouve assez couramment (moins de 3 ans) et avoir un vrai positionnement avec une valorisation adaptée (équivalent VSOP en Cognac). Il va falloir vous l’approprier. L’objectif est de vous donner des outils pour faire évoluer votre offre. Il n’y a pas d’obligation. Ces outils auront une réelle existence si vous construisez une gamme qui tient compte de ces différents segments. Si dans deux-trois ans il n’y a pas un seul de Cœur de Pineau sur le marché, c’est que personne n’y trouve un intérêt, le sujet sera enterré. »

Ce rééquilibre permettra de clarifier l’approche Pineau. « Le créneau 3-7 ans nous paraissait important car il est facile de communiquer auprès du consommateur, qui se situe facilement auprès d’un âge. Pour qu’il se l’approprie, il faut qu’il y ait des offres. Il va avoir un travail au niveau des dégustateurs pour bien identifier cette catégorie. De la même façon, que pour le rosé, ce travail est en cours. » Un producteur dans la salle a renchéri. « Il faut que ce soit des choses les plus simples possibles que ce soit facile à utiliser dans le temps, aussi bien par les producteurs et les consommateurs. Le comparatif avec le Cognac est facile mais malgré tout, le consommateur sait ce qu’il attend d’un VSOP. Il va falloir que ce soit pareil, il faut qu’il sache ce qui va l’attendre pour un Cœur de Pineau. »

 

Positionnement du Pineau, une identité claire à définir

 

La féérie de l’autre AOP des Charentes semblerait à réinventer.« Le Pineau n’est pas juste du jus de raisin et du Cognac : c’est du Pineau. Ce n’est pas le statut qui est responsable de la situation actuelle. La problématique actuelle est la volonté et le positionnement du produit. Le travail du viticulteur est de faire du Pineau, comment et à quel prix le vendre, des perspectives ou des coups. En fonction de la stratégie, les perspectives changent. Même avec une production qui est en baisse, des viticulteurs font du Pineau par habitude et n’ont pas de débouchés assurés. » Le marronnier de l’alternative au Cognac est donc attaqué de front, par les représentants comme les producteurs attachés à leur vin de liqueur. « Il faut dire à ces viticulteurs de ne pas faire de Pineau, ou d’en faire sans vendre à la casse. Le prix du Pineau ne devrait pas baisser. Le produit de base pas cher sabote toute la filière », a-t-on entendu dans la salle. « Il n’y a pas d’avenir pour la filière pour un Pineau à bas prix », reconnaissait le président du Syndicat. « Des alternatives existent : adapter sa production par rapport à ses débouchés, la région n’est pas en difficulté. Si demain nous sommes dans une dynamique de croissance, les viticulteurs sont-ils en mesure d’assurer l’intégralité du portage sur le produit de base Pineau qui est l’équivalent d’un compte 2. »

L’interprofession espérait donc une mise en place d’une force collective. « Une filière fonctionne bien quand les deux syndicats (producteurs et négociants) sont dynamiques. Dans la filière Pineau, le syndicat des négociants est inexistant. Des structures de négoce à proprement parler, comme dans l’activité Cognac, il n’y en a pas, ou très peu ; leur activité est très faible. Il faut que nous aillions chercher des approches qui vont permettre de dynamiser la filière et si cette solution ne génère pas de préjudice pour l’appellation et permet d’encourager un certain nombre d’acteurs, cela mérite au moins d’être étudié », espérait Philippe Guérin .

 

« Un vieux produit avec histoire commerciale jeune »

 

La famille Pineau souhaite s’extirper de l’ombre portée du Cognac, et développer ainsi sa propre logique. « Au niveau des sorties début années 1990, la croissance des ventes Pineau a toujours pour origine une situation Cognac compliquée. Il y a un défi à relever : redresser la barre avec nos propres ressources. Il y a eu une prise de conscience. C’est l’âge de prendre son indépendance au niveau des marchés et d’avoir propre dynamique. C’est à tous les acteurs de la filière à le construire », expliqua M. Guérin. Convaincu que le Pineau va redresse la courbe, l’interprofession a salué « la sagesse des producteurs est de s’être adapté à une situation de marché : la remise en question le produit en terme de consommation, le positionnement, investir sur la commercialisation et la valorisation. L’approche environnementale sera plus coûteuse, va demander de la main-d’œuvre et des investissements. »

 

Le Pineau dans son milieu : morosité et concurrence.

Dans le monde des apéritifs, le Pineau vit comme nombre de ses coreligionnaires une évolution des consommations, plus en qualité qu’en quantité. « Sur les salons, les clients achètent comme des épiciers, une ou deux bouteilles, produits vieux avec valeur ajoutée », expliqua un producteur dans l’assemblée. « Les VDN [Vins Doux Naturels] souffrent. Ceux qui se vendent bien sont les hauts de gamme », reconnut Philippe Guérin, citant Lillet et le Spritz.

Pour avancer dans ce sens, les relations avec le négoce semblaient demeurer délicates, « par manque d’échange entre les maisons de négoce et les producteurs », précisa un vigneron. Quand le négoce n’a « pas de possibilité de mettre leur identité de marque, et vendre le produit au fil de l’eau », quand la production « n’a pas de possibilité de faire un produit à notre image ». Les vignerons craignaient donc de voir « une image artisanale disparaître ».

Dans le « vieillissement » des viticulteurs et des structures de négoce, Philippe Guérin a invité les acteurs de la filière à s’intégrer davantage dans l’interprofession du Pineau. « Beaucoup sont sollicités, mais peu s’investissent. » Au niveau de la stratégie économique, Cyril Michaud a invité les viticulteurs à jouer sur la valeur ajoutée de leur savoir-faire. « Pour des questions de marge, qui se construit lors de la distillation ou du vieillissement, Inciter les viticulteurs à livrer non pas des moûts mais en vin ou en 00. »

Si « l’âme n’est chaude que de son mystère », l’agitation du moût Pineau tente de lui faire retrouver le Nord.

 

Pineau Rosé, mode d’emploi en cours d’élaboration

 

Cyril Michaud a présenté l’état des lieux du Pineau Rosé. « Dans le cahier des cahiers, le rosé sera du Pineau issu de moûts rouges, robe pâle, développant des arômes de baies rouges et de fruits des bois. »

Ainsi, l’interprofession cherche « un rosé bien identifié. Ce qui n’est pas rosé est rouge ou blanc », avec un élevage de huit mois minimum dont six sous bois.

Encore à l’étude, avec les premières dégustations qui eurent lieu le 25 février dernier, maîtres de chai, œnologues, techniciens se penchent sur la définition du Pineau Rosé.

  • couleur sans ambiguïté ;

  • plus frais et fruité ;

  • gamme de 17 premiers échantillons (sur 32) conservés par chacun des deux groupes ;

  • deuxième dégustation avant repositionnement.

     

    Fin avril-début mai, la deuxième dégustation permettra de valider la gamme de couleur et le profil organoleptique du Pineau Rosé. Avec un minimum de huit mois d’élevage sous bois, « l’idée est de permettre et non d’interdire », précise Philippe Guérin.

     

     

     

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