Droits de plantation : Rassemblement des forces au parlement européen

19 avril 2012

La cause du maintien des droits de plantation a fait l’objet d’une belle démonstration de force et d’unité ce lundi 19 mars 2012 à Bruxelles. Etaient présents plusieurs ministres de l’Agriculture (9 annoncés, au moins 7 présents), de nombreux députés européens et nationaux, et un large éventail de tous les représentants viticoles, français et étrangers. En tout, plus de 350 personnes. Si les rangs hexagonaux étaient les plus fournis, les travées du Parlement européen résonnèrent des accents espagnol, italien, allemand, autrichien, hongrois, roumain, portugais, luxembourgeois… Jusqu’à une députée anglaise, membre de la commission agricole du Parlement et… productrice de vin. Un vrai melting-pot de la viticolité européenne. C’est à l’invitation d’Astrid Lulling et de son collègue député européen Michel Dantin (groupe PPE) que le colloque s’est tenu. Pétillante vieille dame de 80 printemps,
Astrid Lulling préside l’Intergroupe vin au Parlement européen. Son collègue député Michel Dantin est rapporteur sur la PAC pour le Parlement européen. Autant dire que ces deux parlementaires pèsent sur le dossier des droits de plantation, surtout en période de renégociation de l’OCM unique. Bien sûr, en coulisse, EFOW et CNAOC, les deux instances viticoles européenne et nationale, contribuèrent puissamment à l’organisation de l’événement. Pascal Bobillier-Monnot en aura été l’un des rouages essentiels.

Si des révélations n’étaient pas franchement à attendre d’une telle « grand-messe », la surprise vint quand même du premier intervenant, le ministre de l’Agriculture français Bruno Le Maire. Il ne resta pas longtemps (appelé par les événements tragiques qui se déroulaient au même moment en France) mais, d’emblée, il plaça la barre très haut. « La viticulture est aujourd’hui l’un des secteurs européens qui fonctionne le mieux, qui traduit le plus la modernisation engagée par les professionnels. En terme de chiffre d’affaires export, la viticulture européenne dégage 20 milliards d’€. L’Europe peut-elle se permettre de faire une croix sur 20 milliards d’€ ? C’est par leur qualité, leur singularité que nos produits se vendent bien sur les marchés émergents. Il y va de l’intérêt général de l’Europe de maintenir ces droits de plantation. Nous devons tout faire pour éviter la banalisation des vignobles européens. Ce serait une énorme erreur que de s’engager dans la recherche du prix le plus bas possible. Ce serait une voie sans issue, une impasse. Nous devons poursuivre sur la voie de la qualité et de la singularité. Il est utile de travailler ensemble. La France ne cédera pas tant qu’elle n’aura pas gain de cause sur le maintien des droits de plantation ! » Le ministre a remercié le Parlement européen pour son « soutien sans faille » et indiqué que les 15 Etats membres soutenant le maintien des droits de plantation représentaient déjà 98 % de la production européenne de vin. « La Commission européenne commence à nous entendre. La nomination d’un groupe de réflexion à haut niveau est un premier pas positif qui va dans le bon sens. Mais nous devons poursuivre nos efforts et notamment nous battre pour obtenir la majorité qualifiée au Conseil des ministres. Nous n’en sommes pas loin. »

Les interventions des ministres, secrétaires d’Etat, députés nationaux et européens, professionnels se sont succédé. Le ministre allemand de l’Agriculture a mis en garde contre « l’industrialisation et la production de masse. Certains pays s’y sont engagés, a-t-il dit, y compris en Europe et l’ont regretté amèrement ». Le ministre italien a évoqué le « modèle européen, fondé sur la culture et l’histoire, à qui la libéralisation des droits de plantation porterait un coup fatal ». Le ministre autrichien a dénoncé l’aberration qui consiste à prôner la libéralisation « alors que l’Europe a consacré 1 milliard d’€ à l’arrachage. Cela n’a pas de sens ! » Le secrétaire d’Etat à l’Agriculture de la Finlande (dont le pays fait partie des 15 signataires) a assuré de son soutien « une viticulture de qualité et compétitive ». Le président de la commission agricole du Parlement hongrois a développé, lui, un argument peu entendu mais qui a fait mouche. « Ce système de libéralisation entraînerait une surproduction et donc, fatalement, une utilisation excessive de l’eau, alors que la lutte pour l’accès à l’eau potable sera l’un des enjeux majeurs de notre futur. » Cette contradiction entre le « verdissement » de la PAC et une vision ultra-libérale de la viticulture, Thierry Coste, président du groupe vin de Copa-Cogeca (1), l’a
retenue. « Il est paradoxal de voir la Commission défendre, d’un côté le “plus propre”, le “plus durable” et, de l’autre, défendre une vision industrialisée de la viticulture. » « Les droits de plantation ne sont pas un handicap mais une force qui accroît notre compétitivité » a soutenu le représentant syndical.

« Qui peut s’opposer à un système de régulation qui ne coûte pas un seul cent ! » a interpellé une députée allemande de la Moselle. Philippe Martin, député français de la région de Champagne, auteur de quatre rapports sur l’agriculture, a évoqué les risques de confusion entre les AOC, de banalisation et d’instabilité. « Il y a urgence à revenir sur la libéralisation. Les jeunes n’osent plus s’installer. » « L’interdiction de planter assortie d’exceptions, qui est notre régime actuel, n’a jamais représenté un frein a l’arrivée de nouveaux acteurs » a souligné la députée Catherine Vautrin, elle aussi de Champagne. Elle a insisté sur le risque qui planait sur la valeur du patrimoine viticole. Albert Dess, député européen de Bavière ainsi que le premier vice-président de l’AREV (Association des régions viticoles européennes), viticulteur dans la Moselle, ont tous deux ciblé un argument fort, celui de la légitimité démocratique. « Où est la légitimité démocratique sinon dans le Conseil des ministres et le Parlement. Les 15 Etats membres qui soutiennent le maintien des droits de plantation représentent à eux seuls 98 % des surfaces viticoles. A 90 % de ses membres, le Parlement européen s’est prononcé dans le même sens. Ces institutions fondent la construction européenne. Surtout qu’il ne s’agit pas d’un débat entre nous pour défendre des intérêts corporatistes mais d’un vrai enjeu de société. »

Les organisateurs n’ont pas masqué les voix divergentes. Les exprimèrent le secrétaire général du Comité européen des entreprises du vin ainsi que la députée de Grande-Bretagne. Le représentant des entreprises du vin a souligné des parts de marché plus concurrencées qu’il n’y paraissait et un besoin de flexibilité pour rester leader, notamment sur les marchés émergents. « C’est le consommateur qui commande et une interdiction absolue de planter n’est pas une mesure proportionnelle et adéquate. Nous avons besoin d’une OCM qui octroie à chaque pays la possibilité de s’organiser, en sachant qu’il n’y a pas que le droit de planter pour gérer l’outil de production. » La députée anglaise s’est déclarée favorable à la libéralisation. « Laissons le marché jouer son rôle. » En Angleterre, les plantations sont libres. Le système des droits de plantation n’existe pas.

La représentante du commissaire Ciolos a présenté le groupe de réflexion à haut niveau. Elle a indiqué qu’il tiendrait quatre réunions (dont la première le 19 avril) et qu’il rendrait son rapport en fin d’année. « Nous allons débattre de cette problématique très complexe de façon ouverte et transparente. » Elle a pointé du doigt les différences d’approche du régime des droits de plantation, dans les pays membres. « Nous allons tenter d’évaluer ces différences de fonctionnement. »

Michel Dantin a conclu le colloque. Il a indiqué que tous les efforts allaient être mis en œuvre pour convaincre la Pologne et la Belgique de rejoindre les 15 pays membres déjà signataires. La majorité qualifiée au Conseil serait ainsi obtenue. Par ailleurs, le député européen a confirmé que son rapport sur la PAC comporterait une disposition prévoyant la réintroduction des droits de plantation. Il a envoyé un signal d’ouverture aux nouveaux pays producteurs ainsi qu’aux candidats viticulteurs. « Il faudra sans doute trouver des solutions pour autoriser des plantations chez les pays qui le souhaitent. De même, il faudra réfléchir à l’accès des jeunes producteurs à la viticulture. » Il a insisté sur la dimension temps. « Nous devons avancer rapidement. »

(1) Comité européen des organisations professionnelles agricoles et de la coopération.

 

 

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