Droits de plantation – menaces de libéralisation : Le parlement européen comme allié

23 février 2011

Pour réintroduire les droits de plantation dans le débat européen, le Parlement de l’UE s’avère un acteur incontournable. Elu de la circonscription Ouest, le député européen Stéphane Le Foll siège à la commission « Agriculture et développement rural » du Parlement. Sur les dossiers agricoles, c’est un homme qui pèse. Son attaché parlementaire à Bruxelles, Jacques Loyau, décrypte la scène parlementaire européenne.

le_foll.jpgD’emblée, l’attaché parlementaire indique que le député européen Le Foll, sur les droits de plantation, est très ouvert et à l’écoute du milieu professionnel. « En 2007-2008, quand le principe de dérégulation fut inscrit dans le texte de l’OCM vin, le Parlement européen avait déjà exprimé des réticences sur le sujet mais le Conseil des ministres de l’Agriculture en a décidé autrement. A l’époque, le Parlement n’était que consulté. La procédure de codécision n’avait pas encore été instaurée. »

Le spécialiste des arcanes bruxelloises le confirme. Aujourd’hui, la première difficulté consiste à réintroduire les droits de plantation dans le débat européen. Pour lui, la meilleure « fenêtre de tir » serait peut-être la discussion sur la réforme de la PAC. « Certes, l’OCM vin n’est pas visé par la PAC mais l’on peut saisir l’occasion pour mettre la puce à l’oreille de la Commission. » Loyau pense expressément à la communication faite par la Commission en novembre 2010 sur la PAC de l’après 2013 et à l’avis que le Parlement est appelé à donner sur ce texte d’orientation de la Commission. Les droits de plantation ne pourraient-ils pas s’inviter au débat ? Une autre manière, qualifiée de « moins forte », consisterait à ce qu’un parlementaire ou un groupe de parlementaires déposent une question écrite à la Commission, une Commission qui, rappelons-le, a seule force de proposition pour initier une loi. Pour interpeller la Commission et les Etats membres sur le sujet, le meilleur moment serait peut-être une session plénière à Strasbourg.

des droits de plantation discrets

Alors que Stéphane Le Foll siège à la commission agricole du Parlement européen, son staff avoue ne pas avoir ressenti une énorme « montée en charge » du terrain sur les droits de plantation. « Nous avons vu passer un travail de Philippe Martin, député de la Marne, et c’est à peu près tout. Par contre, si la profession souhaite déclencher une offensive importante sur les droits de plantation, nous sommes totalement réceptifs. »

Vu de Bruxelles, le projet de libéralisation des droits de plantation initié par la Commission s’explique assez simplement. « La Commission a estimé qu’après restructuration du vignoble européen, l’encadrement des droits de plantations allait devenir inutile. Le Conseil a souscrit à l’idée. Il va sans dire que nous pensons différemment. L’équilibre n’est pas avéré dans le temps et la viticulture, de par la nature de ses investissements à long terme, a besoin de stabilité. »

anticiper

Revenant sur la mécanique décisionnelle européenne, l’attaché parlementaire insiste sur la notion d’anticipation. « Au sein des rouages européens, pour bien travailler, il faut intervenir très en amont. Il est essentiel de faire circuler ses idées le plus tôt possible. » En guise de contre-exemple, J. Loyau évoque le dossier des vins rosés. « Au départ, la France s’est un peu tirée une balle dans le pied. Elle n’a pas bougé quand les pratiques œnologiques sont venues à la discussion. A ce titre, on peut dire que l’Etat fut fautif. Ce n’est pas de cette manière que les relations avec l’Europe se construisent. »

L’attaché parlementaire minimise « l’impérialisme » de la Commission : « Quand la Commission met sur la table des propositions, ce n’est jamais au hasard. Auparavant, elle a pris soin de s’assurer du soutien d’une majorité d’Etats membres. La Commission, ajoute-t-il, ne va jamais dans le mur. »

difficile mais pas impossible

Si le politique guide la Commission, un nouvel accord politique peut-il dénouer ce qui a été noué ? En clair, peut-on revenir sur la libéralisation des droits de plantation ? « Le virage à 27 est toujours très compliqué à prendre mais pas impossible » répond l’attaché parlementaire européen. « Car, explique-t-il, le Parlement européen ne fonctionne pas du tout comme les Parlements nationaux. Ici, il faut avoir des idées avant les autres, les proposer, trouver des majorités. Parmi les sept familles politique, aucune n’a la majorité à elle seule. Cela oblige à aller vers les autres, en sachant que les clivages droite/gauche sont moins prégnants au Parlement européen que dans nos pays respectifs. »

Jacques Loyau évoque le travail de lobby, d’influence, qu’il convient d’exercer non seulement à l’égard des autres députés mais aussi auprès de la Commission, à différentes strates : commissaires, DG Agri, chef d’unité du secteur vin… Il insiste sur la dimension d’échange, pour ainsi dire de troc qui tient lieu de religion à Bruxelles. « Trouver des alliés suppose d’offrir des contreparties. Si vous voulez gagner sur le front des droits de plantation, peut-être vous faudra-t-il lâcher sur l’enrichissement ou les prestations viniques. » A ce sujet, l’attaché parlementaire ne masque pas le risque qu’il y aurait « à ouvrir la boîte de Pandore » de l’OCM vin. « La Commission accepterait peut-être de revenir sur la question des droits de plantation mais ne remettrait-elle pas en cause un point aussi sensible que l’enrichissement ? Des régions comme la Champagne, la Bourgogne ou le Bordelais y ont-elles intérêt ? » Partant de ce constat, l’attaché parlementaire a tenté d’exprimer la position à double détente de Stéphane Le Foll. « Si la régulation pouvait passer par le biais des interprofessions, ce serait sans doute plus facile. Nous n’aurions pas besoin de revenir sur ce qui a été décidé. Reste que nous sommes pour le maintien en l’état des droits de plantation. Nous souscrivons à l’idée qu’il faut essayer de revenir sur leur libéralisation, en sachant que nous ne sommes pas sûrs de gagner. »

Membre du Parti socialiste français, Stéphane Le Foll siège au Parlement européen au sein du S&D, groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates. En tout, le groupe compte 186 élus (1). Parmi les députés français les plus connus du S&D, Catherine Trautman (présidente du groupe), Harlem Désir, Vincent Peillon… Vice-président du S&D, Stéphane Le Foll est élu de la circonscription Ouest. La circonscription recouvre les trois régions de Bretagne, Pays de Loire et Poitou-Charentes et compte 9 députés dont, pour le Poitou-Charentes, Elisabeth Morin-Chartier (Démocrates-Chrétiens) et Bernadette Vergnaud (Socialistes). Stéphane Le Foll siège à la commission de l’Agriculture et du Développement rural (2). Né en 1960, titulaire d’un DEA en économie à l’université de Nantes, il fut enseignant en lycée agricole. Depuis 2001, il est vice-président de la Communauté urbaine du Mans.
(1) Au Parlement européen siègent 736 députés, issus des 27 Etats membres. En terme d’effectif, le PPE (Démocrates-Chrétiens) arrive en tête avec 265 députés, suivi du S&D (186 élus), 84 pour le groupe des Démocrates et des Libéraux (Modem), 55 pour les Verts, 54 pour les Conservateurs…
(2) La commission agricole du Parlement se compose de 44 membres titulaires. Un Italien, Paolo de Castro (S&D) la préside. José Bové est l’un des deux vice-présidents. Au nombre de 4, les Français qui siègent à la commission agricole s’appellent José Bové (Verts), Michel Dantin (PPE), Agnès Le Brun (PPE) et Stéphane Le Foll (S&D), en sachant que ces deux derniers relèvent de la circonscription Ouest.

 

 

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