Réforme de la taxe professionnelle

20 avril 2010

Plutôt que de taxer les boulons (l’outil de production), la nouvelle taxe professionnelle préfère s’intéresser aux euros, c’est-à-dire à la valeur ajoutée. Entre dissemblances et analogies avec l’ancienne TP, la CET (contribution à l’économie territoriale) change les règles mais maintient la pression sur les entreprises.

 

 

Pour bien apprécier les modifications à venir, faisons d’abord le point de la situation passée. L’ancienne taxe professionnelle avait pour caractéristique de taxer surtout l’outil de production, c’est-à-dire les équipements spécialisés intégrés au processus de production (matériels de toutes sortes, agencements…). Ces équipements – biens mobiliers, investissements – avaient beau avoir vingt ou trente ans d’âge, ils participaient toujours à la valeur taxable de l’entreprise. Certes, les biens fonciers classiques (terres, bâtiments), servant de support à l’activité, constituaient une partie de l’assiette (pour environ 17 %) mais le gros de la TP tenait aux équipements. D’où l’accusation faite à la taxe professionnelle de peser directement sur la compétitivité des entreprises en s’attaquant au cœur du process. La nouvelle taxe professionnelle, nommée CET (Contribution à l’économie territoriale) conserve une partie des bases de l’ancienne TP, pour environ 20 %. C’est la partie de l’assiette associée à la valeur locative du foncier (la CFE ou cotisation foncière des entreprises). Elle embrasse le sol lui-même et les constructions fixées au sol (murs, planchers, toitures). Cette valeur locative foncière continue d’être établie par l’administration fiscale, en fonction des déclarations fournies par les entreprises. C’est elle qui va directement dans la poche des collectivités territoriales. Par contre, dans le cadre de la CET, est totalement abolie la référence à l’outil de production (équipement, bien mobilier, investissement). A cette partie d’assiette, se substitue une taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur la richesse dégagée par l’entreprise. De fait, la CET, en tant que telle, n’existe pas. Elle correspond à l’addition de deux cotisations, la CFE (cotisation foncière des entreprises), vue plus haut et la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). Comment se calcule la CVAE ? Partant du chiffre d’affaires comptable, on établit la valeur ajoutée usuelle (différence entre produits et charges) puis on retraite ce chiffre en lui rajoutant certaines redevances (brevets…) ainsi que les plus-values de cessions qui se rattachent à l’activité normale, courante de l’entreprise (la jurisprudence viendra préciser ces notions). A noter que les dépenses de personnel ne rentrent pas dans le calcul des charges. Sur la base de cette valeur ajoutée retravaillée, va s’appliquer un taux progressif, fonction du chiffre d’affaires, afin d’éviter les effets de seuils : 0,5 % jusqu’à 3 millions d’€, 1,4 % de 3 à 10 millions d’€, 1,5 % jusqu’à 50 millions d’€. Une fois la CVAE établie, on la soumet à encadrement sachant que, globalement, la CET (CFE + CVAE) ne peut pas excéder 3 % de la valeur ajoutée de l’entreprise.

Les exonérations qui existaient auparavant pour la taxe professionnelle sont reconduites pour la contribution économique territoriale (CET). Sont totalement dispensés de CET – comme ils l’étaient auparavant de TP – les agriculteurs, certaines coopératives agricoles, les artisans travaillant seuls ou en famille. Des exonérations spécifiques concernent la CFE (cotisation foncière des entreprises) ou la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). Certaines catégories professionnelles – les jeunes avocats lors de leurs deux premières années d’installation, les auto-entrepreneurs… – se voient exemptées de CFE, de manière temporaire ou définitive. En ce qui concerne la CVAE, n’y seront soumises que les entreprises dépassant un chiffre d’affaires de 500 000 €. Autrement dit, les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500 000 € ne sont pas redevables de la CVAE.

Au cours du round d’information organisé par PriceWaterHouseCoopers, le fiscaliste Thierry Droulez a indiqué que quelques questions pratiques restaient en suspens, qui réclameraient « une instruction de commentaires » de la part de l’administration fiscale. Quid par exemple de la valeur ajoutée 2009 pour les entreprises qui clôtureraient leur exercice social de manière décalée, sur 2010 ? Bénéficieront-elles d’un « cadeau fiscal » lié à la neutralisation d’une partie de leur valeur ajoutée 2009 ? « Ne rêvons pas trop à une application littérale de la loi » a tempéré l’avocat bordelais.

Si, après réforme, la CET doit rapporter à l’Etat et aux collectivités territoriales un peu moins que la TP – 19 milliards d’€ contre 25 milliards d’€, d’où un gain de 6 milliards d’€ pour les entreprises – il ne faut pas croire que le nouveau dispositif soit « cadeau ». « Il y aura des gagnants et des perdants » soufflent les hommes du chiffre. Les plus gros perdants sont pressentis dans les secteurs de la finance et de l’énergie. Dans le monde bancaire, la raison prépondérante tient bien sûr au poids des salaires dans la branche d’activité. On a vu que les frais de personnel ne rentraient pas dans le niveau de charges pour la détermination de la CVAE. C’est ce qui fait dire à certains que la CVAE conduit en réalité « à une réintroduction indirecte de la base salaire, éliminée depuis une dizaine d’années ».

des effets « mécaniques » de dégrèvement

Pour mesurer l’incidence de la réforme (avant/après), les intervenants ont passé en revue une série de cas concrets, fondés sur des données réelles. L’enquête prouve d’emblée l’empreinte du chiffre d’affaires sur le niveau de la CET (contribution à l’économie territoriale). Plus le chiffre d’affaires est faible, plus la contribution de l’entreprise à la CET sera modérée. Et inversement. A moins d’un million d’€ de chiffre d’affaires, on peut dire que toutes les entreprises seront gagnantes, à moins de posséder un immeuble de luxe. Et l’on ne parlera pas de celles dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 500 000 €. Chez elles, l’effet mécanique joue à plein dans la mesure où elles sont totalement exonérées de CVAE. Autres grandes gagnantes, les entreprises du monde de l’industrie, qui utilisent beaucoup de matériels spécifiques. Ces matériels sortent du champ de la nouvelle CET et constituent autant d’économies potentielles. Exemple a été donné d’une distillerie charentaise. Elle aussi recourt à beaucoup de matériel spécifique – alambics, cuves, groupe de froid… – développe un chiffre d’affaires assez faible (travail sur 6 mois). Dans le cas précis, là où l’atelier de distillation acquittait 35 000 € de TP sous l’empire de l’ancienne réglementation, il n’en acquittera plus que 9 748 € avec la nouvelle. Economie de 25 252 € soit 72 % de taxation. A l’inverse, les « perdantes » seront les entreprises fortement consommatrices de main-d’œuvre et/ou manifestant des besoins fonciers élevés. Mais, quoi qu’il en soit, l’écart entre celles qui paient le plus et le moins se resserre, grâce à un effet de lissage.

Les conseillers se sont penchés sur les moyens d’optimisation possibles de la réforme. La première traduction consiste à diminuer le chiffre d’affaires. C’est le concept de « small is beautifuf » (ce qui est petit est beau). Dans l’absolu, il faudrait viser des chiffres d’affaires de moins de 3 millions d’€, voire inférieurs à 10 millions d’€. « Vous retrouvez un intérêt à scinder les activités par produit, type de commerce, établissement, site, activité… » a noté Thierry Droulez. « On peut aussi se reposer la question de la création de structures juridiques “one shot”, en mettant en parallèle les coûts de gestion des nouvelles structures. » Attention aux dispositions anti-abus, destinées à limiter ce genre d’exercice. Quant à la diminution de la valeur ajoutée, « ce n’est pas forcément le but du
jeu. »

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