Quels sont les éléments qui vous ont incité à développer la méthode des cercles de lutte ?
Le fait de rendre systématique une couverture insecticide sur une longue période à l’ensemble d’un territoire sans tenir compte des lieux précis où sont présents les foyers, m’a toujours paru incohérent par rapport aux exigences de respect des équilibres biologiques. Ensuite, la cicadelle de la FD est un insecte peu mobile qui se déplace en moyenne de 50 m par semaine. Leur durée de vie n’excède pas 10 semaines, ce qui fait que leur mobilité s’effectue dans un rayon de 500 m autour de leur lieu de naissance. Le principe des cercles de lutte après avoir localisé le cœur du foyer est d’établir des zones de lutte par séquences de 500 m (ou plus pour les 2e ou 3e) à l’intérieur desquels la couverture insecticide est raisonnée. Au sein du premier cercle, dans un rayon de 500 m autour du foyer, la couverture insecticide est maximale, puis, au niveau du deuxième, du troisième cercle, elle diminue. L’implantation de pièges dans toutes les zones permet de suivre les vols tout au long de la saison et d’être sur de la qualité de la couverture insecticide dans les zones à traiter.
La réalisation d’une prospection généralisée des territoires où l’on veut implanter la méthode des cercles de lutte s’avère donc indispensable ?
Il est indispensable de connaître précisément la localisation des foyers et leur intensité avant de mettre en œuvre la lutte. Si ce travail n’est pas fait, l’implantation des cercles de lutte sera aléatoire. La mise en œuvre d’une prospection généralisée d’une zone contaminée représente un gros travail la première année et certains viticulteurs n’en perçoivent pas l’intérêt. En identifiant précocement les foyers, on peut ensuite mettre en place des stratégies de lutte beaucoup plus efficaces et moins contraignantes. Néanmoins, les déclarations de foyers spontanés sont rares du fait de la méconnaissance des symptômes et du caractère honteux que véhicule cette maladie.
Conseillez-vous de prospecter l’ensemble des surfaces d’un PLO tous les ans ?
La prospection totale ne doit être réalisée que la première année mais, ensuite, la recherche des symptômes doit être gérée de manière ciblée. L’idéal est que tous les 3 ans, l’ensemble du vignoble présent dans les PLO soit prospecté. Cela permet d’éviter la découverte de gros foyers et d’adapter rapidement la lutte à la dissémination de la maladie. La réalisation des prospections nécessite du temps et des moyens mais c’est la base de la lutte. L’expérience de certains Gdon nous permet de dire que le coût/ha d’une prospection varie de 22 à 30 € ht selon la densité de ceps et la taille des parcelles.
L’implantation des pièges joue un rôle majeur dans votre méthode de lutte ?
Les piégeages permettent de suivre les vols de cicadelles de manière très précise au cours de la saison et aussi de valider l’efficacité de la lutte insecticide. C’est le plus de notre méthode. Quand, dans un cercle de lutte soumis à une couverture insecticide, on trouve des cicadelles, cela signifie qu’il s’est produit un incident. Les techniciens peuvent intervenir sur le terrain pour explorer le problème. Les pièges ne sont pas posés au hasard dans les parcelles. Leur implantation tient compte du gradient de risque FD. Au cœur d’un foyer, la densité est de 1 piège pour 5 ha ; et plus on s’éloigne plus elle diminue. A la limite du PLO, la densité des pièges est de 1 pour 30 ha. Dans les études que nous avons réalisées, le coût du piégeage se situe entre 4 et 5 € ht/ha.
Les phénomènes de baisse de motivation des viticulteurs observés dans divers vignobles après 4-5 ans de lutte sérieuse peuvent-ils être anticipés ?
La mise en place d’une action structurée doit engendrer un véritable intérêt pour les viticulteurs à court et long terme. L’intérêt de notre méthode de lutte est de faire régresser de manière efficace les foyers et de diminuer la couverture insecticide dans de fortes proportions. Plusieurs initiatives dans le Bordelais démontrent qu’à l’intérieur des PLO, des réductions d’utilisation d’insecticides de l’ordre de 70 % sont envisageables. Ce sont tout de même des résultats intéressants. Par contre, les techniciens doivent tenir un discours juste dans les secteurs contaminés en ne laissant pas penser que l’on va se débarrasser de la maladie après quelques années de lutte. Une zone touchée à la FD l’est malheureusement pour longtemps. Vouloir éradiquer définitivement la maladie en trois ou quatre ans est une mission impossible ! Nous avons de multiples exemples d’aires viticoles à priori assainies qui sont sorties d’un PLO et y reviennent 4-5 ans plus tard avec la réapparition d’un beau foyer. La FD est une maladie sournoise qui a la capacité de se développer à partir d’un seul cep contaminé. Malheureusement, aucune méthode de lutte ne garantit que la totalité des phytoplasmes est définitivement détruite. Je reconnais que cette situation n’est guère encourageante pour les viticulteurs.
Vous pensez donc que la plupart des vignobles actuellement contaminés vont devoir intégrer le risque FD de manière permanente ?
Le maintien d’un dispositif de surveillance biologique des territoires concernés par des PLO dans le long terme est incontournable. Prospecter 25 à 35 % des surfaces d’une aire contaminée chaque année représente le seul moyen d’observer la présence et l’absence de la maladie. Le développement d’un suivi technique FD dans la durée sera plus facile à maintenir si d’autres réflexions y sont associées comme, par exemple, des suivis de tordeuses… La mise en œuvre de nouvelles recherches scientifiques sur les phytoplasmes permettra sûrement à moyen et long terme d’aborder la lutte autrement. Mais, pour l’instant, il faut protéger les souches saines en identifiant parfaitement les ceps infestés.
Le point sur la cicadelle de la FD
• Un insecte inoffensif pour la vigne.
• Une seule génération/an.
• Un cycle de vie long pouvant s’étaler d’avril à octobre.
• Des éclosions très étalées qui commencent en avril-mai selon les années.
• Le stade larvaire dure 8 à 10 semaines.
• Chaque adulte pond 1 à 2 œufs/an.
• Les œufs de couleur blanche, presque invisibles, restent positionnés sur le vieux bois.
• Les papillons adultes se déplacent de 50 m/semaine.
• Des insectes attirés par la couleur jaunes, d’où la couleur des pièges.