Ces dernières semaines, la région de Cognac s’est offerte une crise comme il y a longtemps que cela ne lui était pas arrivé. L’objet de cette poussée de fièvre ? La question des autorisations de plantation. Tout le monde sait que l’année 2016 sera la première année d’application du nouveau régime des plantations viticoles. Dorénavant, le principe est la liberté de plantation, avec le garde-fou du 1 % annuel national (environ 7 500 ha pour la France),arraché de haute lutte à une Commission européenne tentée par le tout libéralisme. Autrement dit, en France, en 2016, les plantations nouvelles ne pourront pas dépasser les 7 500 ha de vignes. Mais pour planter moins, il faudra présenter des arguments. Il a été décidé que, pour restreindre les plantations, deux arguments et deux seuls seraient recevables : le danger de surproduction et le risque de détournement de notoriété. Partant de là, le ministère de l’Agriculture a demandé aux dix conseils de bassins (des dix régions viticoles françaises) d’émettre leurs propositions. Un « devoir de vacances » qui devait être rendu en septembre. Finalement, les rendez-vous ont été reportés à fin octobre. Le bassin Charentes-Cognac a tenu sa réunion le 26 octobre dernier. Par rapport à nos délais d’impression, il était trop tard (ou trop tôt) pour rendre compte de la position retenue. Mais à la limite, là n’est pas l’essentiel.Le plus important, ce sont bien les éléments de la discussion. Ou plutôt de la controverse. Car oui, il y a eu du rififi sur la place de Cognac. On s’en serait douté ! Les VSIG (vins sans indication géographique) ont cristallisé les oppositions. Normal ! La vraie nouveauté du systèmerepose sur eux. Pour la première fois, la réforme accorde à cette catégorie de vins la possibilité de planter avec des droits nouveaux (après un petit galop d’essai l’an dernier).L’affaire se corse en Charentes quand on sait que le statut des VSIG est appliqué à tous les segments de produits ou presque : vignes « autres débouchés » bien sûr, vignes affectées aux Vins de pays, mais aussi vignes Cognac et vignes Pineau (à l’exception des cépages rouges).Depuis le printemps, le syndicat UGVC se montre plus que critique à l’égard de la filière Vins de base mousseux. Via le CIMVC (l’interprofession des moûts et vins de Charentes), la filière Vins de base mousseux a demandé et obtenu, en 2015, 400 ha de plantations nouvelles (accordées
aux VSIG en anticipation de la réforme 2016). Déjà dubitatif sur l’intérêt de telles plantations, le syndicat Cognac donne alors son accord – il fait partie du CIMC – mais il le donne « sous conditions » : que la demande soit bien « cadrée », avec des contrats à la clé. Las ! Les contrats sont effectivement signés, mais à des prix qui ne satisfont pas le syndicat. Il les trouve notoirement insuffisants. « Ce n’est pas de cette manière que l’on construit une filière.
Grogne et mauvaise humeur émaillent tout l’été. Pourtant, en septembre, il faut bien commencer à échanger autour du contingent qui sera demandé fin octobre, lors du Conseil de bassin. Car l’idée de base, c’est quand même d’être capable de s’entendre à l’intérieur du bassin, pour porter une demande commune au niveau des instances nationales, INAO, FranceAgriMer, ministère de l’Agriculture. Dans le nouveau dispositif, il semble d’ailleurs que ce soit la règle : ou bien chaque région est en mesure de définir un contingent global dans son périmètre, ou la question se règle « au national ». Allons-nous en arriver à ces extrémités ? Une première réunion, avortée, du CIMVC renvoie de bien mauvais signaux. Sur ces entrefaits, un communiqué de presse de l’UGVC ne ramène pas de sérénité. On y dénonce la construction « d’un vignoble industriel », à hauts rendements et pratiques intensives pouvant porter atteinte à l’environnement. « Quelle image veut-on renvoyer à la société ? » Le 19 octobre, la réunion de la Fédération des interprofessions, censée apaiser les esprits, rallume la mèche.Ceci dit, on a atteint un tel niveau de fébrilité que chacun prend conscience qu’il faut calmer le jeu. « Nous devons trouver une solution ! » Dans la foulée, une réunion du CIMVC est reprogrammée le mercredi 21 octobre. En sortira-t-il un chiffre pour les plantations « Vins de base mousseux » et lequel ? Comme l’an dernier, une enveloppe de 400 ha, moins ? On ne s’amusera pas à jouer les pythies. A l’heure où s’écrivaient ces lignes, les seules informations dont nous disposions concernaient les demandes émises par les trois ODG Cognac, Pineau et Vins de pays. Le Cognac demande 35 ha de plantations nouvelles (pour les nouveaux entrants…), le Pineau 5 ha et les Vins de pays 85 ha. Si cette crise prouve une chose, c’est que la région ne pourra pas continuer longtemps à s’écharper en interne sur les chiffres de plantation. Non seulement ces psychodrames à répétition usent les nerfs des hommes ; non seulement ils viennent après d’autres crispations, sur les prix, les rendements. Mais, avec le dossier des plantations, la dimension change. Exit le cadre cognaco-cognaçais. Le terrain est celui du national, voire du communautaire. Et la réglementation se révèle d’une complexité que peu de personnes maîtrisent, au moins pour l’instant. D’où la crainte de jouer avec le feu. Dans ces conditions, la région peut-elle faire l’économie d’une vraie réflexion sur le statut du vignoble Cognac ? Ils sont de moins en moins nombreux à le penser. Même si personne n’ignore que le chantier sera redoutable, tant les arrière-pensées sont légions. Qui ne serait pas satisfait du niveau de la récolte ? Aux dernières nouvelles et sans que cela présente un quelconque caractère officiel, on le situerait autour des 130- 140 hl vol. ha à 9,5 % vol. de moyenne. Une excellente performance qui pourrait déboucher sur une distillation proche du… million d’hl AP. Un chiffre à ne surtout pas retenir. Nous venons d’apprendre le décès de M. Jacques Marnier-
Lapostolle, survenu le mardi 20 octobre. Les obsèques ont eu lieu vendredi 23 octobre à Paris. Le journal présente à la famille de M. Marnier-Lapostolle ses plus sincères condoléances.
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