Comité national du Pineau des Charentes : Nouveau président et contexte innovant

30 juillet 2012

Alors que les règles de l’alternance viennent de placer un négociant à la tête de l’interprofession du Pineau, la filière réfléchit depuis plusieurs mois déjà à son avenir. La valorisation se retrouve au centre des enjeux, avec deux corollaires, l’innovation et la différenciation. Viticulture et négoce affichent leur volonté commune de « faire bouger les lignes ».

 

 

p11.jpgPour une nouvelle mandature de trois ans, Patrick Raguenaud a été élu président du Comité national du Pineau des Charentes, le 26 juin dernier, lors de l’assemblée générale de l’interprofession. Directeur des sites de production de la société Marnier-Lapostolle, il succède à Jean-Bernard de Larquier à la tête du Comité.

Pour le Pineau des Charentes, ce renouvellement intervient dans un contexte particulier. Depuis environ six mois, la filière a entrepris un vaste « brainstorming » sur son avenir. Une mise à plat qui a l’ambition d’échafauder les grandes lignes du futur. Il faut dire que les ventes de Pineau ne progressent que très modérément. Elles sont « scotchées » aux alentours des 95-100 000 hl vol. Et il ne faut pas trop compter sur le Cognac pour distraire beaucoup de surfaces en direction du Pineau. Dans ce contexte, ne reste donc qu’une alternative : gagner les batailles des prix.

Or, là aussi, le Pineau a quelques serpents de mer à dompter, telles ces pratiques tarifaires déconcertantes conduites en région par certains opérateurs : remises promotionnelles par trop généreuses, prix trop bas y compris dans des zones très touristiques… Pour sortir de cette impasse « par le haut », l’initiative a été prise de provoquer des « états généraux du Pineau ». Un consultant a été convoqué, un groupe de travail s’est mis en place. Un homme a joué un rôle pivot dans l’affaire. Il s’agit de Jean-Marie Baillif, président du Syndicat des producteurs de Pineau. Par son ouverture d’esprit, son approche décomplexée mais toujours dans l’intérêt du produit et des producteurs, il a crevé l’abcès du traditionnel clivage « viticulture/négoce », donner un coup de jeune au dialogue entre les deux familles. Une absence de tabou qui fait que certains n’hésitent pas à parler de « révolution culturelle ». Une avancée permise sans doute par l’évolution des mentalités mais aussi par un climat économique qui abaisse d’un cran les tensions. Les périodes fastes sont favorables aux expérimentations, y compris relationnelles. C’est l’intelligence des responsables professionnelles que de savoir en saisir l’opportunité.

Passage de relais

C’est dans ce contexte que se situe, au Comité du Pineau, le passage de relais entre un viticulteur et un négociant, entre Jean-Bernard de Larquier et Patrick Raguenaud. Cela n’étonnera personne que le nouveau président du Comité, lors de sa première intervention, ait tout de suite placé l’innovation au centre du débat. « Innovation et valeur sont les deux faces d’une même pièce. L’une ne va pas sans l’autre. » Dans ses fonctions successives – maître de chai de la maison Martell, directeur des sites de production Marnier-Lapostolle – P. Raguenaud a eu maintes fois l’occasion d’apprécier l’effet dynamisant de l’innovation sur la création de valeur. Cela tombe bien. Un groupe de travail paritaire « innovation produit » a été créé au sein de la filière Pineau. Il est chargé d’explorer toutes les pistes d’innovation et de différenciation, sans trop se donner de limites pour l’instant. Le groupe de travail en est à la phase d’investigation. Des dégustations ont régulièrement lieu, assez bluffantes aux dires des participants. Ou comment redécouvrir un produit que l’on croyait bien connaître.

A cette partie technique s’adjoint une partie plus professionnelle sur les relations viticulture/négoce. La grande idée est de conquérir de nouvelles parts de marché avec la complicité de tous les metteurs en marché, y compris le négoce Pineau.

« Notre objectif, résume J.-M. Baillif, n’est surtout pas d’oublier notre histoire, ce que nous sommes mais de s’ouvrir à de nouvelles perspectives, de nouvelles opportunités. Nous avons un palier à franchir. »

Et ces nouvelles perspectives pourraient avoir le goût du grand large. L’ambition ! Sortir du pré carré régional, un tant soit peu mortifère quand la guerre des prix s’en mêle. Pour aller vers le grand export, les négociants sont tout à fait désignés. N’y vont-ils pas déjà avec le Cognac. La synergie s’impose d’elle-même. Message semble-t-il bien reçu par les négociants qui parlent d’une volonté commune « de faire bouger les lignes ».

Pourquoi un tel climat apaisé quand il y a peu encore les deux familles se « fritaient » ? Un bon observateur livre une explication : « Le syndicat des producteurs s’est montré à l’écoute des demandes des négociants et surtout les a entendues. C’est une grande nouveauté. »

« Un Pineau produit de producteur »

On sait que l’un des fondements de l’appellation Pineau consiste à ce que les raisins et l’eau-de-vie proviennent de la même exploitation viticole. Ainsi les achats ne peuvent-ils être dissociés. On sait aussi que le négoce a de longue date dénoncé « un Pineau, produit de producteur ». Est-ce à dire que l’on pourrait revenir un jour sur le principe d’un Pineau issu d’une même exploitation ? La réponse est non. Le négoce a admis très officiellement que cette particularité cimentait l’histoire du Pineau et qu’il était de bonne politique de ne pas y toucher.

« Des histoires à raconter »

Ce que le négoce demande par contre, c’est la possibilité de pouvoir différencier plus tôt les produits ; ou, dit autrement, « d’avoir des histoires à raconter ». Que le Pineau de
M. X ne ressemble pas à celui de M. Y. « Une bonne distribution, une marque et un produit qualitatif, nous avons là tous les ingrédients d’une bonne valorisation » confirme un négociant qui relève que le Pineau et ses quatre millions de bouteilles vendues reste encore, de loin, la première innovation régionale en dehors du « socle Cognac ». « De très beaux produits innovants sortent de la région mais nous n’avons rien inventé de mieux que le Pineau. Toutes les personnes qui le dégustent pour la première fois vous le diront. »

Les choses bougent, des négociants flairent des opportunités commerciales et se lancent. Ainsi, une expérience de commercialisation d’un Pineau « marketé » sur le marché américain est-elle regardée avec attention par la communauté Pineau.

Dans un autre ordre d’idée, est cité l’exemple de la mention complémentaire à l’indication géographique protégée « Charentais », qui a permis aux Vins de pays charentais des îles de Ré et d’Oléron de gagner presque un euro par bouteille. Sur l’île d’Oléron, la dernière élaboration de Pineau s’est élevée à un peu plus de 8 000 hl vol.

« Un Pineau pour la soif »

Une question « iconoclaste » reste cependant en suspens. Pourquoi les Compagnie de Guyenne, Royer, Marnier-Lapostolle, Bache-Gabrielsen, Bisquit et autres négociants s’intéressent-ils encore au Pineau alors que le Cognac marche si fort ? Serait-ce parce que le Pineau est un « joli produit » et qu’ils y sont attachés ? Sans doute en partie mais une explication plus rationnelle est avancée. Le Pineau comme « poire pour la soif ». Un spécialiste du secteur livre son analyse : « Les opérateurs ont de plus en plus de mal à trouver des volumes de Cognac, y compris pour alimenter les linéaires de la grande distribution française. Même si les marges sur le Pineau sont nettement moins confortables que celles du Cognac, elles représentent une belle opportunité commerciale dans un contexte de raréfaction. » Naturellement, les négociants ne s’exprimeront jamais sur ces questions d’arbitrages entre produits. « Trop politiques » disent-ils.

Chef de la famille du négoce : Philippe Coste (Compagnie de Guyenne – Meukow)
Chef de la famille de la viticulture : Jean-Marie Baillif (viticulteur)
Vice-président famille du négoce : Vincent Chappe (Bisquit Dubouche et Cie)
Vice-président famille de la viticulture : Philippe Guérin (viticulteur)
Secrétaire : Jean-Jacques Enet (viticulteur – Coopérative des vignerons de l’île de Ré)
Secrétaire adjoint : Zarif Youssofi (Puygaudin SAS)
Trésorier : Jean-Bernard de Larquier (viticulteur)
Trésorier adjoint : Christian Gabrielsen (société Bache Gabrielsen)

Bio
p12.jpgLors de la dernière AG du Comité national du Pineau, Antoine Cuzange a annoncé qu’il abandonnait son poste de président du Syndicat des négociants Pineau. Vincent Chappe (société Bisquit) le remplace.
C’est en 1978 qu’Antoine Cuzange (« sans s à mon nom disait-il, je suis unique » !) a commencé à s’intéresser au Pineau. L’histoire s’arrête – presque – 34 ans plus tard, même si A. Cuzange garde une carte de visite au Pineau. Il reste membre du syndicat des négociants « pour pouvoir prendre un café avec Claire Floch » (directrice du Comité national du Pineau – ndlr). Antoine Cuzange arrive dans la région délimitée en 1963 et s’intéresse très vite aux produits spiritueux. Il possède une petite société – Staub – qui s’adossera par la suite à la maison Camus. Fin connaisseur de la fiscalité des produits alcooliques, A. Cuzange sera un allié de poids dans la très longue bataille des droits d’accises du Pineau. Avec son compagnon de route Christian Baudry, ils auront la satisfaction de voir leur combat couronné d’une victoire.

 

 

A lire aussi

Campagne PAC 2024 : Tout ce qu’il faut savoir 

Campagne PAC 2024 : Tout ce qu’il faut savoir 

Depuis le 1er avril et jusqu’au 15 mai 2024, les télédéclarations de demande d’aides au titre de la campagne 2024 sont ouvertes.Voici tout ce qu’il faut savoir pour préparer au mieux sa déclaration.

La Chine et le cognac : un amour inséparable

La Chine et le cognac : un amour inséparable

Avec plus de 30 millions de bouteilles officiellement expédiées en Chine en 2022, la Chine est le deuxième plus important marché du Cognac. De Guangzhou à Changchun, ce précieux breuvage ambré fait fureur. Plutôt que se focaliser sur les tensions actuelles, Le Paysan...

error: Ce contenu est protégé