Tous tricheurs les Charentais ! Bien sûr que non. A meilleure preuve, sur la récolte 2009, le rendement moyen des vignes « autres débouchés » s’est situé à 306/309 hl vol./ha, ce qui n’est tout de même pas si éloigné du rendement « conseillé » l’an dernier : 250/300 hl/ha. Ce niveau de rendement correspondait, grosso modo, au rendement physiologique de la vigne, c’est-à-dire au volume qu’une plantation d’Ugni blanc peut potentiellement produire. H. Pogliani rappelle que son syndicat, associé aux courtiers, s’était « fendu » d’un communiqué en octobre 2009, recommandant aux viticulteurs de rester raisonnables. Message capté 5 sur 5 par l’immense majorité. Au moins la moitié de ceux qui affectèrent aux « autres débouchés » sont restés dans le créneau des 250/300 hl vol./ha. Quant à l’autre moitié, la plus grande part des rendements s’est situé autour des 300/320 hl vol./ha. Reste une grosse centaine de viticulteurs (environ 150) a avoir vraiment dépassé les bornes. Ils ont flirté avec les 700 hl vol./ha et plus. Ce sont eux qui mirent le feu aux poudres. Lors d’une réunion de terrain organisée à Pérignac le 17 juin par les courtiers Francis et Fabrice Garraud, des viticulteurs ont tenté de dédouaner la communauté viticole charentaise : « Nous, nous n’avons rien demandé. Ce n’est pas nous qui avons eu l’idée de déplafonner les rendements des vignes vin de table. C’est l’Europe. Alors que certains aient profité du vide juridique… » Certes, il n’est pas interdit de profiter des opportunités. Cependant, il convient de rester dans les clous. Et, dans ce domaine, le rendement physiologique de la vigne représente la ligne rouge à ne pas franchir. Aucune réglementation n’a jamais reconnu la notion de « vignes éponges », même si toutes les régions « mixtes » souffrent de ce mal endémique.
« nous ne sommes pas tout blanc »
Que faut-il penser de l’accusation faite aux Charentes d’avoir « cassé » le marché des vins de table ? La région reconnaît une certaine part de responsabilité. « Nous ne sommes pas tout blanc. Des dépassements de cet ordre, nous devons être les seuls à les avoir pratiqués. » Mais ne veut pas non plus porter à elle seule le chapeau. Chiffres à l’appui. « Sur la récolte 2009, détaille H. Pogliani, la région aura affecté environ 1,2 million d’hl vol. aux autres débouchés. Sur cette quantité, environ 150 000 hl vol. sont partis aux jus de raisin. On ne peut pas accuser ces volumes d’avoir faussé la concurrence sur le vin. Restait donc un million d’hl vol. affectés aux vins proprement dit. Une moitié a servi aux vins de base mousseux, en rivalité avec les vins italiens ou espagnols mais pas avec les vins français et une seconde moitié aux vins de table. Ce sont ces 500 000 hl vol. et eux seuls qui sont au cœur de la polémique. » L’opérateur régional livre quelques éléments circonstanciels : « Pendant deux récoltes, les autres régions s’étaient habituées à l’absence des Charentes sur le marché. Quand une région disparaît ainsi du paysage, cela fait indubitablement le bonheur des autres. Sur le créneau des vins de table, le Gers a par exemple connu deux ans de quasi-monopole. Le retour des Charentes dans le jeu a sans conteste durci la concurrence, surtout que la consommation n’a pas augmenté pour autant. Par ailleurs, on peut se demander si la forte augmentation des prix constatée depuis 2007 sur les vins de table n’a pas contribué à éloigner les acheteurs des vins de table français. Quand, en trois ans, les prix progressent de 90 % pour atteindre jusqu’à 70 € l’hl vol., les acheteurs sont parfois tentés d’aller vers les DPC (vins des différents pays de la communauté), DPC qui peuvent contenir 100 hl de vins espagnols pour 30 l de vins français. Désigner un bouc émissaire est parfois plus facile à une région que de se poser les vraies bonnes questions. » Un brin sarcastique, le négociant en vin s’est félicité que les Charentes produisent peu de vins rouges. « Sinon on nous mettrait sur le dos la crise du Beaujolais. »
un chiffre symbolique
Sur le rendement maximum « autres débouchés » de 250 hl vol./ha, objet d’un accord régional, le président du Syndicat des vins sans IG de la région des Charentes s’est livré aux commentaires suivants : « Il était important de se situer en dessous du chiffre symbolique des 300 hl/ha. Maintenant, fallait-il descendre jusqu’à 250 hl vol./ha ? Si le consensus s’est réalisé sur ce chiffre, notre syndicat considère ce niveau comme un rendement plancher, en dessous duquel il ne faut absolument pas descendre. Nous ne pouvons pas nous permettre de subir des contraintes supplémentaires par rapport à nos concurrents italiens ou espagnols qui, eux, produisent 300 hl vol./ha. Surtout qu’en terme de frais d’approche du marché allemand des vins de base, nous ne faisons pas mieux que l’Italie. En dessous de 250 hl/ha, notre syndicat pourrait soutenir l’argument de concurrence déloyale. »
« Comment savoir où l’on va s’il n’y a pas de prix en face des volumes » ont interpellé les viticulteurs réunis à Pérignac. La question n’a pas surpris le porte-parole du syndicat des vins de conso. Après la remarque d’usage – « à deux mois des vendanges, il est très difficile de parler prix » – le négociant en vin a signalé qu’à sa connaissance « à ce jour, il n’y avait aucune raison objective pour que les prix soient inférieurs à ceux de l’an dernier ». Mais qu’il n’y en avait pas non plus pour des prix à la hausse. De belles apparences de récolte se dessinent en Italie et l’Espagne possède des stocks de report, à des prix relativement faibles. Globalement, en France, le prix des vins blancs de table serait revenu au niveau de 2006.
Hervé Pogliani a indiqué que le Syndicat charentais des vins de consommation était en train de mettre en place une trame de contrat, « afin que les viticulteurs intéressés soient sûrs de vendre derrière ». Bien entendu, il ne s’agira pas d’un contrat collectif mais de contrats individuels, pour ne pas encourir le reproche d’entente sur les prix. Ce type de contrat est en train d’être validé juridiquement.
0 commentaires