CER France Poitou-Charentes : étude des coûts de production viticole : « la maîtrise du risque »

22 décembre 2016

La Rédaction

A travers son étude annuelle sur un panel d’exploitations viticoles charentaises, qu’observe Cerfrance Poitou-Charentes ? Des coûts de production qui ont tendance à augmenter alors que les revenus ont tendance à stagner. Un effet ciseaux qui, s’il n’est pas alarmant – les ratios d’entreprises sont toujours très satisfaisants –  appelle à la vigilance. Car, si l’économie du Cognac fluctue, certaines charges, elles, ne sont pas réversibles sur le court terme. D’où une sécurisation « autant que faire ce peut ». Interview de Laure Gratraud, conseillère d’entreprise à CERFRANCE, chargée de la synthèse de l’étude.

Cette étude économique sur les coûts de production viticole de la région de Cognac, CERFRANCE la conduit depuis longtemps ?

 

Sous son format actuel depuis neuf ans mais en fait, cette démarche remonte à bien plus loin. Il s’agit, pour nous, de disposer de références que nos adhérents vont pouvoir utiliser pour se situer par rapport aux autres. C’est un outil de gestion intéressant. Notre base de données repose sur 60 exploitations viticoles, émanant de tous les crus du Cognac et représentative des différentes tailles d’exploitation – 15, 30, 45, 50 ha de vignes…- en excluant les plus petites et les plus grosses, qui relèvent d’un autre type d’approche. A un ou deux dossiers près, l’échantillon de référence n’a pas changé depuis 9 ans. S’y retrouvent toujours les mêmes exploitations. En Charente comme en Charente-Maritime, l’ensemble des conseillers de la zone viticole participe à la communication des informations. L’analyse des coûts de production porte sur la récolte N-1 (en 2016, la récolte 2015) et concerne les éléments comptables de cette campagne. Nous disposons des chiffres à la clôture des comptes, vers janvier / février et la synthèse se fait durant l’été.

 

A travers son groupe de travail « coûts de production », l’interprofession du Cognac se livre à peu près au même exercice.

 

Oui mais, dans son cas, l’approche des coûts de production est un peu différente. Au lieu de travailler sur des chiffres effectivement constatés, le groupe de travail du BNIC réalise une actualisation des données sur l’année en cours. Une méthode plus théorique et prédictive même si elle permet de sortir les coûts de production estimés pour l’année en cours (par exemple en juin 2016 pour l’année 2016).

 

Que vous révèle votre échantillon d’exploitations ?

 

Sur la récolte 2015, nous observons une légère évolution des coûts de production. En moyenne, ils sont passés de 8 300 € l’ha sur la récolte 2014 à 8 400 € l’ha sur la récolte 2015 (8 397 € exactement). Pour mémoire, sur la décennie, ils ont fait un bond de 60 % (5 200 € ha récolte 2005). Si la progression de 100 € par ha n’est pas fracassante, elle indique tout de même une tendance à la hausse, que la dernière décade a permis de vérifier au centuple.

 

Comment s’explique cette tendance à la hausse ?

 

Si l’on regarde les principaux postes de charges, le premier à arriver en tête de liste  a trait à la mécanisation, plus exactement aux amortissements de matériels. Sur un an, il a augmenté de 22 %. C’est tout l’aspect renouvellement du matériel mais aussi la mise aux normes des équipements. Le deuxième poste de charge concerne la main-d’œuvre salariale. Outre la moindre part prise par la main-d’œuvre familiale sur l’exploitation, on peut y voir l’effet direct de l’entretien des plantations. Le troisième poste de charge reste toujours lié au foncier, à l’amortissement des plantations, au fermage, à l’entretien des bâtiments. Un poste majeur faut-il le souligner.

 

Des commentaires ?

 

Ramenés à l’hl d’alcool pur, ces coûts de production sont extrêmement liés aux rendements. A cet égard, l’année 2015 s’était montrée assez généreuse, tant au niveau du rendement annuel autorisé que du potentiel agronomique. Un resserrement du rendement, que ce soit à la vigne ou au niveau interprofessionnel, déboucherait inévitablement sur une explosion des coûts de production.

 

Est-ce le seul facteur de risque ?

 

Non bien sûr. La période que nous traversons marque quand même une tendance à la stagnation des résultats, dus surtout à une recomposition de la politique d’achat et donc du stockage. En clair, la durée du vieillissement a tendance à se raccourcir. Les viticulteurs vendent moins de vieux comptes, ce qui se traduit par un peu moins de rentabilité.

 

Quelles conséquences en tirez-vous ?

 

Il ne s’agit pas d’être alarmiste mais il faut bien se rendre compte que, quoiqu’il arrive, il faudra faire face aux engagements. Et qu’il est très peu probable  que les charges diminuent. Demain, il y aura toujours des annuités à rembourser, des salariés à payer. Notre message réside donc dans la maîtrise du risque.

 

Qu’entendez-vous par là ?

 

Cela peut se traduire de différentes manières, par une sécurisation des débouchés, un minimum de ressources garanties…C’est d’ailleurs ce qui s’observe dans la région. La dynamique contractuelle n’a jamais été aussi forte.

 

Peut-on parler de surinvestissement ?

 

Je n’emploierais pas ce terme mais, en effet, les annuités d’emprunts ont beaucoup progressé. Sur la récolte 2015, elles représentent un peu plus de 3 000 € par ha contre 2 500 € ha en 2014. Sans soute faut-il y voir des causes multiples comme les investissements anticipés sous l’effet du dispositif de suramortissement, les aides FranceAgriMer, les travaux de mises aux normes environnementales… Si l’on considère la dette à long et moyen terme, elle atteint, en cumulé, 9 700 € par ha de vigne. Bien sûr, ces sommes ne sont pas exigibles immédiatement mais, en valeur absolue, elles représentent un montant assez conséquent surtout dans une période où, répétons-le, les résultats sont plutôt étals.

 

Sans être alarmistes, faut-il être inquiets ?

 

Les ratios économiques des exploitations viticoles charentaises restent bons voire très bons. Prenons l’exemple du ratio relatif aux capitaux propres. Il reflète, grosso modo, la valeur de l’entreprise. Bien que progressant un peu moins vite que sur 2013/2014, il a quand même évolué à la hausse pour atteindre un niveau on ne peut plus satisfaisant. Supérieur de cinq fois à celui de 2008, il représente, aujourd’hui, le plus haut niveau historiquement constaté. Même chose pour l’EBE, toujours autour de 45 %. L’EBE (Excédent brut d’exploitation) est le ratio qui indique ce qui reste, une fois payées toutes les charges courantes, pour faire face aux prélèvements privés, aux annuités, à ce qui est autofinancé dans l’année. Bref, il s’agit de la marge de sécurité des entreprises. On ne peut qu’encourager les exploitants à garder en ligne de mire cette marge de sécurité.

 

A se montrer prudents donc.

 

Pour le dire autrement, à se mettre en situation de vigilance, afin de faire face à toutes les éventualités. Répétons-le, les engagements pris ne sont pas réversibles dans le court / moyen terme. Et la marge de manœuvre n’est pas si grande. Pour autant, les exploitations n’ont pas vraiment le choix que d’aller de l’avant. S’ils ne rapportent pas expressément, les investissements liés aux mises aux normes sont incontournables, dans le sens où ils deviennent une condition sine qua non pour accéder au marché. Et comment reprocher aux entreprises de se saisir d’opportunités lorsqu’elles se présentent ? En un mot, il n’y a pas de réponse toute faite, à une condition près : raisonner ses choix.

 

 

 

Evolution des coûts de production

 

 

 

 

 

 

  

 

Evolution par poste de charges

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La trésorerie nette globale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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