Faut-il revenir sur les errements de l’homologation des cahiers des charges du secteur des vins et eaux-de-vie d’appellation. Dans le cadre de la réforme des procédures de contrôle INAO, les cahiers des charges avaient vocation à remplacer les décrets d’appellation. Leur écriture a réclamé beaucoup d’efforts de la part des professionnels, qui se sont mobilisés pour être dans les temps car, de loin en loin, des dates butoir avaient été posées. Grosso modo, le calendrier était en passe d’être tenu quand ce qu’il faut bien appeler un épiphénomène a bloqué la machine. Sans sommation, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) s’est rappelée au bon souvenir de tous, en soulignant que les dispositions d’étiquetage étaient de son ressort et, fait aggravant, ne relevaient pas d’un décret simple comme les décrets d’homologation mais d’un décret en Conseil d’Etat. Et comme tous les cahiers des charges comportent un paragraphe sur l’étiquetage, on voit la suite. D’où les retards à l’allumage et, dans le cas des Charentes où devait jouer l’affectation préalable à la récolte, l’impossibilité matérielle de tenir les délais pour la campagne qui s’ouvre. Même en considérant que l’homologation des cahiers des charges Pineau et Cognac aient eu lieu maintenant, l’expédition des documents et leurs dépouillements portaient à début octobre, soit tout près des vendanges. C’est pourquoi la Fédération des interprofessions, présidée par Bernard Guionnet, et les deux ODG Pineau et Cognac ont très officiellement averti les autorités que, pour la campagne qui s’ouvre, l’affectation se ferait à la récolte, comme l’an dernier. Une conférence de presse tenue le 17 juillet par les présidents d’interprofession et présidents des ODG Cognac et Pineau est venue confirmer ces nouvelles.
La veille, jeudi 16 juillet, Bernard Guionnet assistait au Conseil spécialisé Vins et Eaux-de-vie de FranceAgriMer, le portail de tous les offices agricoles, dont l’ex Viniflhor (B. Guionnet représente les Charentes à FAM, avec J.-B. de Larquier). Par des « bruits de couloir » bien informés, il a appris que le Premier ministre avait tranché en faveur de la libération anticipée de quelques cahiers des charges, dont celui du Cognac. Ces cahiers des charges n’auront donc pas besoin de passer « à la moulinette de l’étiquetage ». Ce traitement particulier, il faut sans doute en chercher l’origine dans la reconnaissance de l’AOC Cognac en Chine, prévue à l’automne. Un enregistrement du Cognac en Chine sur la base d’un texte officieux et non officiel pouvait faire désordre. Jean-Pierre Lacarrière, quand il était président de l’interprofession, s’est beaucoup investi sur le dossier et Bernard Guionnet a pris le relais. Ainsi, en l’absence d’entraves, l’homologation du cahier des charges Cognac devrait intervenir avant le 31 août, en confirmant les critères d’étiquetage existants. Pour les autres cahiers des charges – l’immense majorité des 300 cahiers des charges encore en souffrance – la partie s’annonce moins aisée. Aux dernières nouvelles, la DGCCRF a rédigé un texte horizontal sur l’étiquetage de 50 pages, à soumettre au Conseil d’Etat. Comme ce document ne paraît pas recevable en l’état, l’arbitrage d’un ministre sera sans doute nécessaire. D’où un rallongement des délais en perspective. Dans ces conditions, la date « butoir butoir » du 31 décembre 2009 pour l’homologation des cahiers des charges sera-t-elle respectée ?
un rendement figé à 8,12 hl AP/ha
Une des conséquences tangibles de la non-affectation avant récolte consiste à figer le rendement Cognac à 8,12 hl AP/ha. Car un projet, échafaudé au printemps, consistait à pouvoir faire varier le rendement Cognac au prorata de tranches d’affectation de 4 000 ha. Derechef, il s’éteint. Il devient caduc puisque, par définition, une affectation à la récolte ne permettra pas d’anticiper sur les intentions des viticulteurs et donc de revoir, le cas échéant, le rendement Cognac à la hausse.
A côté du premier étage de la fusée, matérialisé par le cahier des charges, la réforme de l’INAO compte un second étage, le plan de contrôle. Bernard Laurichesse, président de l’ADG Cognac, a indiqué que le plan de contrôle de l’AOC Cognac était passé en première validation au CAC, le conseil des agréments et contrôle de l’INAO. Conséquence directe de la mise en place de ces plans de contrôle dans les appellations : « Tout opérateur souhaitant intervenir dans la production, la transformation, l’élaboration ou le conditionnement doit se faire identifier par l’ODG. »
déclaration d’identification
Cette identification vaut une fois pour toutes. L’opérateur décline son identité, décrit son outil – cru, cépages, densité de plantation, nombre de pressoirs… – et surtout précise son ou ses champs d’intervention. Pour l’AOC Cognac, l’ADG en a retenu huit : vinificateur à domicile, vinificateur à façon, viticulteur livreur de vendange fraîche, bouilleur de cru à domicile, bouilleur de cru à façon, bouilleur de profession, négociant vinificateur, négociant ; pour l’AOC Pineau, il y a les producteurs de raisin, les élaborateurs, les conditionneurs… Sur la base de la validation du cahier des charges par l’INAO, le syndicat du Pineau reconnu ODG a déjà adressé à ses ressortissants le formulaire de déclaration d’identification, à retourner complété dans un délai de deux mois. Actuellement le syndicat procède aux relances. Si le cahier des charges Cognac a lui aussi été validé par l’INAO le 8 juin dernier, l’ADG Cognac préfère suspendre l’envoi de la déclaration d’identification à l’homologation officielle du cahier des charges (qui ne saurait tarder). En attendant, les opérateurs pourront rapidement voir de quoi il retourne en consultant le site internet du BNIC. A la rubrique Schéma d’avenir, ils trouveront le projet de cahier des charges Cognac mis en ligne et un spécimen de déclaration d’identification.
vote du budget 2009-2010
Le 27 mai dernier, lors d’une assemblée plénière de l’interprofession, le BNIC avait présenté un budget prévisionnel 2009-2010 en déséquilibre, compte tenu de la probable réduction des sorties, tant du négoce que de la viticulture. Une polémique avait alors enflé sur la manière de résoudre ce déficit, le négoce ne souhaitant d’aucune façon voir ses CVO augmenter. Finalement, l’assemblée plénière du 8 juillet 2009 a voté à l’unanimité le maintien sans changement des cotisations, seulement majorées d’une quote-part destinées à couvrir les frais de missions de l’ADG. Ce complément s’élève à 0,15 cent par hl AP pour la viticulture, de 0,12 c/hl AP pour le négoce et de 0,04 c/hl AP pour les bouilleurs de profession.
La déclaration d’affectation se fera donc à la récolte, comme l’an dernier. Mais tous les participants à la conférence de presse ont adressé un message de prudence à la viticulture. « Si l’affectation préalable n’est pas en œuvre cette campagne, il faut tout de même raisonner comme si elle y était. En se posant la question de la destination de sa récolte en fonction de ses marchés, sans oublier la composante trésorerie. » Jean-Marie Baillif, président du Syndicat des producteurs de Pineau, a redit l’aversion qu’il nourrissait à l’égard des « producteurs opportunistes ». « Le Pineau ne sera pas le banquier du Cognac. Des producteurs opportunistes, nous n’en voulons pas ! » Et le syndicat ne se paie pas d’affirmations. Il agit. Il est prévu dans le plan de contrôle qu’un producteur qui augmentera sa production de plus de 30 hl vol. ou de + de 30 % sera systématiquement contrôlé. « Nous vérifierons sa capacité à loger sous bois. » Christophe Véral, président de la FVPC, a quant à lui mis en garde contre les « vendeurs de rêve » qui jouent sur les quantités sans annoncer de prix. Il visait explicitement certaines destinations des « autres débouchés. »