La cabine climatisé équipée d’un filtre à charbon actif n’est pas un équipement anodin. Elle apporte une vraie protection mais à condition d’être attentif à son utilisation. C’est un équipement technique. Comme on veille à son moteur, il faut veiller à sa cabine filtrante.
Qu’est-ce qui peut se passer quand une cabine climatisée filtrante ne joue plus son rôle dans un environnement pollué ? L’air ambiant, qui circule en circuit fermé, sera vicié et ne sera donc pas bon pour la santé. Le remède peut s’avérer pire que le mal ou, en tout cas, donner l’idée d’une fausse sécurité, ce qui est toujours néfaste. Maintenant, faut-il avoir peur des cabines filtrantes ? Que nenni. Ce sont de bons équipements, qui apportent une protection et un confort de travail inappréciables… mais à condition de savoir où l’on met le nez.
Cabine climatisée équipée d’un filtre à charbon actif… Ces termes sont indissociables. Qui dit filtre à charbon actif – pour se défendre des effets indésirables des pesticides sur l’organisme humain – dit forcément cabine étanche et cabine climatisée de surcroît. Car imaginez ce que donnerait une cabine fermée sans air conditionné. Ce serait l’assurance de mourir, au choix, rôti ou étouffé. Non ! Les trois équipements marchent ensemble : un filtre, une cabine étanche, de l’air conditionné.
Commençons par la cabine, qui est le support de l’ensemble. L’habitacle se doit d’être fermé, étanche et, si possible, doté d’une certaine surpression interne. Cette surpression n’a qu’un but, celui d’apporter une sécurité supplémentaire, au cas où surviendrait un défaut d’étanchéité (un trou). La société Buisard, installée à Sablé-sur-Sarthe, est spécialisée dans la construction de cabines. L’entreprise va fêter ses 70 ans en septembre. Bien connue pour ses équipements de sécurité – elle fut la première à mettre sur le marché un arceau de sécurité sur les tracteurs – son produit phare est la cabine Bobard. Hubert Clerc, de la société Buisard, indique que les cabines les mieux placées aujourd’hui en terme de protection sont les cabines à plate-forme fermée. « La plate-forme fermée assure 90 % d’étanchéité. Cette notion d’étanchéité de la cabine est essentielle, dit-il, car on peut mettre les meilleurs filtres du monde, si l’air souillé rentre par des interstices, cela ne servira à rien. » Par plate-forme fermée, il faut entendre une coque solidaire. Le siège fait partie de l’habitacle ; les pieds du chauffeur reposent dans l’habitacle ; les manettes ne sont pas branchées en direct mais passent par un orifice.
Lors de l’achat d’un tracteur, se préoccupe-t-on suffisamment de la cabine ? Dit autrement, la cabine représente-t-elle un critère de choix, comme la puissance moteur ? Pas sûr. « Les clients ne se posent pas toujours les bonnes questions » confirme le technicien de Buisard. A quoi mon tracteur va-t-il me servir ? Vais-je l’utiliser seulement pour des travaux d’entretien du sol ou vais-je réaliser avec lui les traitements phytosanitaires ? Il faut savoir que les cabines font corps avec leur système de filtration. Elles ne sont pas interchangeables. Selon leur mode de traitement de l’air, les cabines sont référencées en quatre classes : cabine sans traitement de l’air, cabine équipée d’un filtre simple poussière, cabine équipée d’un filtre poussière/aérosol et enfin la classe 4 qui correspond à la cabine équipée d’un filtre à charbon actif. Naturellement, c’est la cabine qui conviendra quand le tracteur servira aux traitements phyto. La MSA souhaiterait que sorte sur le marché un système de filtration adaptable à tous types de cabines. Les fabricants y travaillent mais, pour l’instant, l’équipement n’a pas encore vu le jour.
Que dire de l’air conditionné, qui va de pair avec la cabine étanche ? C’est un système de refroidissement qui fonctionne avec un évaporateur, servant de refroidisseur. Dans cet environnement humide, le filtre à charbon actif a non seulement un intérêt vis-à-vis de l’air extérieur mais il peut aussi éviter une prolifération de bactéries dans la cabine.
filtre à charbon actif : des questions
Venons-en maintenant au filtre, sur lequel se concentrent moult interrogations. Quelle qualité, quelle durée de vie, quand le changer ?
Face à l’application de pesticides, il n’y a qu’un filtre qui vaille, le filtre à charbon actif. En règle générale, les cabines sont équipées d’un filtre mixte, charbon actif/poussière. Quel filtre choisir ? En fait, l’utilisateur n’a pas vraiment le choix. A chaque marque de tracteur et même à chaque gamme de tracteur au sein d’une marque, va correspondre un type de filtre cabine. En fonction du volume d’air de la cabine, du débit et du système de la ventilation, le filtre sera adapté à l’habitacle. Autant dire que ces filtres ne sont pas substituables d’un matériel à l’autre. Ainsi, en matière de filtre, n’y a-t-il pas de standards. Chaque filtre est spécifique d’un matériel. C’est bien pour cela que les filtres cabines sont commercialisés par les concessionnaires agricoles ou encore par des revendeurs indépendants. En matière de filtre cabine à charbon actif, il existe le filtre « pièce d’origine » ou le filtre adaptable mais conçu selon les paramètres du constructeur. Attention par contre aux copies qui commencent à poindre sur le marché. Quand on achète un filtre à charbon actif, en connaît-on ses caractéristiques exactes ? Non et, à dire vrai, cette opacité autour des éléments filtrants est gênante. Pourquoi une telle situation ? Dans la mesure où le filtre cabine est considéré comme faisant partie intégrante de l’habitacle, il n’a pas à répondre à une norme spécifique, contrairement aux masques à charbons actifs qui eux, font l’objet d’une certification DPI (dispositifs de protection individuelles). Il y a là une sorte de vide juridique. A défaut d’avoir une codification particulière, les spécialistes des filtres cabines tracteurs se réfèrent souvent aux normes DPI pour décrire leurs produits (voir page 28).
La société Jura filtration, à Pontarlier, dans le Haut-Doubs, est leader européen de la filtration. L’entreprise ne fabrique pas mais commercialise des filtres sous sa marque Hifi Filter ou sous d’autres marques. Des filtres, il en existe de toutes sortes, filtres huile moteur, filtre air pour moteur voiture, camion, tracteur… « Les filtres à charbon actif pour tracteurs correspondent à un marché étroit. Leur fabrication relève presque de la petite série » indique Frédéric Pedussaud, responsable de la région Sud-Ouest et également du secteur agricole chez Jura Filtration.
Le filtre cabine à charbon actif se présente sous la forme d’un cadre métallique rectangulaire, serti ou riveté, de 3 à 4 cm d’épaisseur. Les dimensions de l’armature répondent au cahier des charges du constructeur. Sur le dessus, s’applique une grille « nid-d’abeilles » pour laisser passer l’air et éliminer les grosses particules. L’intérieur de la boîte renferme le « media » – filtre papier, filtre mousse – et entre les deux, pris en sandwich, le charbon actif. Au stade de sa mise en œuvre, le charbon actif a l’apparence de granulés noirs, de la taille de petits grains de riz. « A 99 %, le filtre à charbon actif élimine les contaminants, pollens et poussières » renseigne le distributeur.
un filtre saturé se désactive
Quelle est la durée de vie d’un filtre cabine à charbon actif ? C’est là toute la question. Une question qui n’est pas que de pure forme. Elle touche à la santé de l’applicateur. Pourquoi ? Quand un filtre à charbon actif est saturé, il va se désactiver. Concrètement, il va refouler la quantité de contaminant en excès. Et comme dans une cabine climatisée, l’air circule en circuit fermé, on imagine aisément l’effet. C’est de l’air vicié que va respirer l’agriculteur. Quand faut-il changer le filtre ? C’est un peu la bouteille à l’encre. On ne trouvera sur aucune notice une durée d’utilisation. Sans doute les fabricants de filtres comme les constructeurs de tracteurs ont-ils trop peur d’engager leur responsabilité et peut-être n’en savent-ils trop rien non plus. C’est vrai que c’est compliqué, tellement les facteurs sont nombreux et les croisements de critères possibles. Prenons la durée d’utilisation. Apparemment, c’est un critère simple. Mais dès qu’on le croise avec la notion de fréquence, cela devient plus délicat. En effet, il faut bien comprendre que le filtre à charbon actif, une fois sorti de son emballage sous vide – à l’air libre – commence à travailler. D’où le caractère très relatif des heures d’utilisation « au champ » : 120 heures en 15 jours ou 120 heures en trois mois ne seront pas équivalentes. Même chose pour les conditions d’utilisation. En situation de forte poussière, le filtre va se saturer plus vite. Doit-on retirer le filtre quand le tracteur ne travaille pas où quand il est utilisé à d’autres fins que les traitements phyto ? Là aussi, la réponse est sujette à caution. A priori, on serait tenté de répondre par l’affirmatif mais encore faut-il savoir retirer le filtre sans l’abîmer ; le remettre comme il faut sur la bouche d’entrée d’air (opération dite « d’accostage »), sans perdre d’étanchéité ; et, chose aussi importante, il faudra stocker le filtre de bonne manière, au sec, de préférence dans un sac plastique avec vide d’air. La crainte des prescripteurs ? Que toutes ces recommandations rebutent plus que n’encouragent les utilisateurs. D’où des fournisseurs ou même une MSA qui ont tendance à privilégier des conseils de « bons pères de famille ». « Quand les gens ont l’habitude de changer leur filtre, que ce soit un peu trop tôt ou un peu trop tard, ce n’est pas très grave. L’essentiel c’est que des réflexes s’instaurent. » Dans la pratique, la recommandation d’usage est de dire qu’il faut changer son filtre charbon actif une fois par an. De cette façon, on est sûr de ne pas se tromper. Des concessionnaires peuvent recommander de changer le filtre tous les deux ans. Mais n’est-ce pas une prise de risque ? Les prix des filtres cabine à charbon actif oscillent entre 100 et 300 €. Une fourchette large mais qui correspond aux différents modèles de cabines de tracteurs. A noter que les filtres dits « imprégnés » se situeront un peu en dessous des prix cités plus hauts. Intrinsèquement moins protecteurs, ils s’avèrent néanmoins suffisants pour des modèles de cabine où l’air entre par le côté. Dans ces cabines, le chauffeur est moins exposé.
Le coût des filtres peut paraître élevé. Il est à rapporter à l’échelle de l’exploitation. Surtout, le capital santé n’a pas de prix. Inutile donc de mégoter pour des économies de bout de chandelle. D’autres occasions existent de dépenser moins à propos son argent.
Un banc d’essai pour les filtres cabine à charbon actif
Compte tenu du manque de repères techniques sur les filtres cabine à charbon actif, la caisse centrale de MSA s’apprête à lancer un groupe de travail national sur le sujet. Un banc d’essai, sans doute conduit par le Cemagref, testera les différents équipements, notamment au niveau de la vitesse de saturation. La MSA des Charentes participera à ce groupe de travail.
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