Baromètre du Cognac : Prix, critères de performance, chaîne de valeur

1 mars 2012

Des éléments économiques recueillis pendant plus de quinze ans par PwC Cognac* ressort un profil évolutif de la viticulture charentaise. C’est Jean-Marc Olivier qui fut chargé de la présentation.

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Au début des années 2000, le prix moyen des eaux-de-vie 00 s’élevait à 674 €/hl AP. En 2011, ce même prix moyen a atteint 916 € l’hl AP, soit une progression de 3 % l’an. Corrigée de l’inflation, l’évolution ressort à 12 %, soit une hausse annuelle de… 1 %. Une revalorisation clairement insuffisante sur les eaux-de-vie jeunes. Par contre, l’évolution fut beaucoup plus contrastée sur les eaux-de-vie vieilles. En 2008-2009, les comptes 6 ont connu une augmentation que le conférencier n’a pas hésité à qualifier « d’impressionnante ». « Les cours, a-t-il dit, furent multipliés par 2,5 (3 200 € l’hl AP). Des niveaux de prix qui se retrouvent aujourd’hui sur des eaux-de-vie de même âge.

Parallèlement, comment a fluctué le chiffre d’affaires de la viticulture ? Après être longtemps resté stagnant – autour de 4 000 € l’ha entre 1995 et 2003-2004 – le chiffre d’affaires viticole a vraiment décollé à partir de 2006. Son niveau le plus haut a été atteint dans les années 2007-2008. A cette époque, il a connu un pic à près de
12 000 € de l’ha (11 500 €). L’explication ? La très forte demande d’eaux-de-vie rassises. Aujourd’hui, ce chiffre d’affaires s’affiche en légère baisse, pour la bonne et simple raison « que les eaux-de-vie rassises qui ont été vendues ne sont plus à vendre ». Une tautologie mais qui en dit assez long sur les déterminismes charentais.

Bénéfice en hausse

Fixé à des niveaux très bas sur une longue période (1 000 € de l’ha), le résultat net comptable (le bénéfice) a retrouvé des couleurs aujourd’hui. A 2 100 € de l’ha (chiffres issus de l’échantillon PwC Cognac), il représente environ 30 % du chiffre d’affaires. Un niveau jugé honorable, certainement en lien avec l’évolution du rendement annuel.

J.-M. Olivier a présenté le coût de production d’un ha de vigne, toujours à partir de la base statistique PwC. L’évolution de ce ratio parle à la fois des contraintes subies par la viticulture au fil du temps et la manière dont elle s’y est adaptée. Comme on va le voir, le prix de revient viticole a montré une certaine plasticité par le passé. Cela serait-il encore vrai aujourd’hui ?

Alors que le coût de revient moyen ressortait à environ 5 000 € de l’ha en 1992, il a fondu à 4 000 € entre 1999 et 2003-2004. Une cure d’amaigrissement de 1 000 € de l’ha. Puis, progressivement, la remontée du chiffre d’affaires s’est accompagnée d’une remontée des charges (recours à plus de main-d’œuvre, frais de mécanisation en hausse, rattrapage des investissements…). Le coût de revient actuel se situe autour de 6 000 € de l’ha (5 800 €). Aujourd’hui, la viticulture travaille au-dessus du seuil de rentabilité, ce qui ne fut pas toujours le cas durant la période 1999-2005.

Financement des exploitations

Comment sont financées les exploitations viticoles ? Les chiffres délivrés par PwC Cognac montrent que, hors foncier, les besoins de financement oscillent entre 15 et 20 000 € de l’ha. Les bilans révèlent qu’un quart des besoins sont financés par emprunt. Pour le reste, les exploitants travaillent avec leurs fonds propres, sans faire appel aux banques. Une question reste cependant en suspens : jusqu’où la banque est-elle prête à s’engager en matière de financement ? Ces 5 000 € de l’ha ne correspondent-ils pas, en fait, à une sorte de plafond fixé par la banque ? La question n’a pas été posée au Crédit agricole, qui n’a donc pas pu y répondre. Antoine Mornaud, directeur des clientèles spécialisées à la caisse Charente-Périgord, a juste précisé la ligne de conduite de l’établissement bancaire sur deux types de crédit : le financement des eaux-de-vie et celui du foncier. Pour les deux, il a parlé d’une approche « patrimoniale ». « Pour le financement des eaux-de-vie sous contrat, notre règle est simple : nous finançons à hauteur de 750 €/hl AP en Fins Bois et de 800 €/hl AP en Champagne. Sur le foncier, le corollaire se traduit par un financement égal à 30 000 € de l’ha, qui peut aller jusqu’à 35 000 €. En la matière, notre rôle n’ait pas d’alimenter des phénomènes spéculatifs. »

Olivier Louvet, actuel président de l’ODG Cognac mais aussi président de la commission « économie viticole » du BNIC, a confirmé la proximité des chiffres interprofessionnels avec ceux de PwC. Le delta entre le coût de revient viticole issu du BNIC et celui constaté par PwC Cognac (6 615 € d’un côté, 5 800 € de l’autre) provient simplement du modèle choisi par la commission « coûts de production ». « Nous nous sommes demandé ce qui était important pour nous et la réponse fut celle-ci : pérenniser l’exploitation. C’est pourquoi nous avons choisi de travailler sur des coûts de production sans décapitalisation de l’outil. Le coût de 6 615 € de l’ha reflète cette option. Il retient par exemple un renouvellement du vignoble de 2,2 % par an, en sachant même qu’il faudrait plutôt tabler sur 3,3 %. »

En introduction, Jean-Marc Olivier avait rapidement présenté la chaîne de valeur du Cognac. Pour ce faire, il a pris l’exemple d’une bouteille de 3*** vendu 17 € mais, a-t-il dit, « cet exemple peut être extrapolé à l’ensemble des marchés du Cognac ».

La production du vin et la distillation représentent un premier « pavé » de 29 %. Si on y ajoutait le vieillissement, il atteindrait sans doute un tiers. Un deuxième « pavé », pour un autre tiers de la valeur, finance les activités de négoce : conditionnement, mise en bouteille, marketing, expédition. Troisième « pavé » et troisième tiers pour la branche distribution, plus méconnue que les deux autres.

Le défi à relever, quel est-il ? Faire bouger les lignes entre les trois « pavés » ou, plus sûrement, faire gonfler les tiers ?

* L’échantillon statistique PwC Cognac (PricewaterhouseCoopers) porte sur 250 exploitations viticoles représentant 8 000 ha. Le modèle d’exploitation est plutôt celui des 30 ha et un peu supérieur, sur tous les crus.

 

 

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