Orage de grêle du 11 mai 2009 : Achat de vendanges fraîches et de moûts

7 août 2009

A circonstances exceptionnelles, réponse exceptionnelle. Un arrêté préfectoral a été signé en Charente, autorisant le transfert de vendanges fraîches et de moûts pour les viticulteurs sinistrés ; la Charente-Maritime s’apprête à faire de même. La solidarité active s’organise et l’Administration, aux côtés de la profession, a souhaité y prendre sa part.

cep_19_mai.jpgA l’invitation du préfet de Charente et des élus, le sous-préfet de Cognac s’était déplacé le 14 mai dernier sur le canton de Rouillac, pour constater les dégâts occasionnés par l’exceptionnel orage de grêle du 11 mai. Il est revenu sur place le 24 juillet. Il a pu vérifier de visu le caractère irréparable des pertes. Alors que les premiers comptages de la Station Viticole du BNIC indiquent un rendement moyen de 115 hl/ha pour la région délimitée (en l’absence d’accidents de dernière minute), les zones touchées du Rouillacais mais aussi du Blanzacais, de la petite région de Jarnac, de Saint-Sornin, Saint-Fort-sur-le-Né, Saint-Palais-du-Né… seraient plus proches de 15 hl vol./ha. « Visuellement, les vignes sont vertes. Elles ont retrouvé leur apparence foliaire mais elles ne portent pas de raisin ou fort peu » commente B. Guionnet, président de l’interprofession, qui a accompagné, avec d’autres représentants viticoles, le sous-préfet dans sa seconde visite. Sur le département de la Charente, on estime que l’orage du 11 mai a touché environ 10 % du vignoble, avec 7,5 % des surfaces affichant des dégâts supérieurs à 70 %. Pratiquement, un viticulteur sur quinze serait concerné.

 

 

forte mobilisation

Dès le départ, l’administration territoriale de la Charente (préfecture, DDAF) a pris la mesure de l’accident climatique. Elle s’est fortement mobilisée aux côtés des professionnels, eux-mêmes très actifs à faire remonter le désarroi des viticulteurs sinistrés. Conséquence : dès le 1er juillet 2009, le préfet de Charente prenait un arrêté préfectoral autorisant l’achat de vendanges fraîches et de moûts. Car, dans un cas de sinistre comme celui du 11 mai, le transfert solidaire de vendanges reste encore la meilleure réponse à apporter, afin que les courants commerciaux puissent être maintenus. Les autorités de tutelle ont donc décidé d’offrir un cadre réglementaire à cet échange, « pour que les choses se fassent de la meilleure des façons ». En 2003, la préfecture de Charente-Maritime avait procédé de même, pour un fort orage de grêle qui avait touché Neuvicq-le-Château et sa petite région.

L’arrêté préfectoral de la Charente du 1er juillet 2009 agit à plusieurs niveaux. Il liste d’abord les communes où les viticulteurs peuvent prétendre à ces achats de vendanges fraîches et moûts (voir liste ci dessous) et ensuite précise les critères d’application de la mesure. Suite à l’orage de grêle du 11 mai 2009, les exploitations viticoles concernées sont celles ayant subi des pertes de récoltes supérieures à 30 % de leur production moyenne de vin déclarée au cours des cinq dernières campagnes. Par ailleurs, la compensation de perte de récolte ne pourra pas dépasser 80 % de cette même récolte moyenne constatée lors des cinq dernières campagnes. Le projet d’arrêté préfectoral de Charente-Maritime, soumis à signature dernière semaine de juillet, reprend les mêmes conditions, sauf la définition du périmètre qui n’est plus la commune mais le canton. Les quatre cantons figurant dans le projet d’arrêté 17 sont ceux de Mont-guyon, Montlieu-la-Garde, Archiac et Montendre.

pied_3_juillet.jpgConcrètement, pour bénéficier du dispositif, les viticulteurs sinistrés – et intéressés – devront en faire la demande aux Douanes, via le BNIC. Prochainement, le BNIC va circulariser un courrier à tous les viticulteurs des zones concernées, leur précisant les modalités pratiques à suivre. Normalement, le principe veut que le viticulteur n’ait pas le droit de commercialiser autre chose que sa récolte. Le système dérogatoire d’achat de vendanges fraîches et de moûts existe mais soumis à autorisation des Douanes. L’arrêté préfectoral précise les conditions de sa mise en œuvre : « Les vendanges ou les moûts achetés doivent être repris sur la déclaration de récolte du viticulteur acheteur et individualisés, avec la mention de la date et du numéro de l’autorisation d’achat de l’Administration. Les vendanges ou les moûts acquis en franchise de droit de circulation sont déplacés sous couvert du document simplifié d’accompagnement (DSA/DSAC) validé. » A noter que ces transferts ne peuvent s’opérer qu’en respectant la notion de cru (à l’intérieur du cru considéré).

A plusieurs reprises, le président de l’interprofession, comme les présidents de syndicat (Christophe Forget pour le SGV, François-Jérôme Prioton pour le SVBC) ainsi que le chef de famille de la viticulture au BNIC, Jean-Bernard de Larquier, ont présenté l’arrêté préfectoral comme le socle, le point de départ indispensable, celui qui lance la machine. A ce titre, B. Guionnet en a remercié vivement l’Administration. Mais s’il y a un point de départ, c’est qu’une suite existe. Dans l’optique des professionnels, la « suite » consiste à obtenir des autorités de tutelle la possibilité de déroger au rendement des 8,12 hl AP/ha, pour les « vendeurs », c’est-à-dire ceux qui fourniront de la vendange fraîche aux viticulteurs sinistrés. Car, dans une approche pragmatique des choses, pour aider son collègue vigneron, faut-il encore avoir les moyens de le faire, en clair, disposer de la marchandise suffisante. En 2003, la même procédure avait buté sur le manque de raisins. Ainsi, à titre exceptionnel, la profession demande que les viticulteurs qui souhaitent exercer une démarche de solidarité puissent produire à concurrence de 13,12 hl AP/ha, soit le rendement annuel de 8,12 hl AP/ha additionné de la réserve climatique de 5 hl AP/ha. Une demande conjointe de l’ADG Cognac et du BNIC va être adressée dans ce sens au Comité national INAO, l’autorité compétente en matière de rendement des appellations. La même démarche de demande de dépassement de rendement mobilise d’autres régions viticoles touchées par la grêle, Bordelais, Sancerrois…

Un groupe de travail viticulture/négoce s’est réuni à l’interprofession sur le thème de la grêle. Une lettre signée du président du SMC (Syndicat des maisons de Cognac) a fait part de l’intérêt particulier que les négociants manifesteraient à l’égard des viticulteurs sinistrés.

pertes de fonds

La procédure de calamité agricole, lancée pour dédommager une catégorie bien particulière de pertes – les pertes de fonds qui, en viticulture, concernent essentiellement les jeunes pousses et les glissements de terrain – a été couronnée de succès. Début juillet, le Fonds de calamité agricole a rendu un avis favorable. Un arrêté national, encore à prendre, devrait mettre à disposition de la Charente une enveloppe estimée, sous toute réserve, à 70 000 €. En viticulture, cette enveloppe sera destinée à compenser les frais de replantation des parcelles détruites ou les frais d’entreplantation (en cas de dommages partiels) ainsi que le coût engendré par les remontées de terre, voir les dégâts sur le palissage (fils et piquets). Comme toujours en pareil cas, des dossiers seront à constituer (informations des personnes potentiellement intéressées dès réception des documents). Isabelle Chat-Locusol, très active sur le dossier à la DDAF, encourage vivement les viticulteurs à se manifester le temps venu, la pire des choses étant de voir des enveloppes non consommées. Preuve s’il en fallait du caractère proprement « extraordinaire » de la grêle du 11 mai en Charente, Michel Barnier, alors ministre de l’Agriculture, a octroyé au titre du Fonds d’allégement des charges – fonds quasi moribond – la somme de 20 000 €. Cette enveloppe, plus symbolique qu’autre chose, a vocation à aider les exploitants particulièrement endettés. Par ailleurs, la « cellule de crise » réunie le 3 juin dernier entre les représentants des banques, de la MSA, des Services fiscaux, a prévu de procéder à des mesures d’étalement à titre individuel (banques, MSA) ou d’exonération de la taxe foncière (Services fiscaux).

Cela va de soi mais l’on n’est jamais assez prudent. Les responsables professionnels ont insisté sur la dimension solidaire de l’opération grêle. « Des viticulteurs ne doivent pas imaginer gagner de l’argent sur le dos d’autres viticulteurs sinistrés. »

A l’attention des jeunes agriculteurs et des exploitations fragiles, Yves Maisonneuve, de Foussignac, a émis « une proposition simple, facile à mettre en œuvre » : pouvoir reporter le droit à produire les années suivantes. Le président de l’interprofession a promis de soumettre la proposition à la réflexion de ses collègues.

Arrêté préfectoral : Liste des communes
Yviers, Bardenac, Curac, Brie-sous-Chalais, Montboyer, Saint-Laurent-de-Belzagot, Baignes-Sainte-Radegonde, Bors-de-Baigne, Boisbreteau, Oriolles, Touverac, Condéon, Berneuil, Challignac, Poullignac, Bessac, Deviat, Saint-Aulais-la-Chapelle, Cressac-Saint-Genis, Saint-Léger, Brie-sous-Barbezieux, Blanzac-Porcheresse, Péreuil, Aubeville, Angeduc, Pérignac, Bécheresse, Champagne-Vigny, Mainfonds, Etriac, Plassac, Rouffiac, Claix, Roullet-Saint-Estèphe, Verrières, Saint-Fort-sur-le-Né, Saint-Palais-du-Né, Bouex, Magnac-sur-Touvre, Touvre, Mornac, Chazelles, Saint-Germain-de-Montbron, Pranzac, Vilhonneur, Saint-Sornin, Bunzac, Rancogne, Saint-Projet, Saint-Constant, Foussignac, Fleurac, Echallat, Vaux-Rouillac, Plaizac, Saint-Cybardeaux, Rouillac, Montigné, Genac, Gourville, Bonneville, La Chapelle, Amberac, Fouqueure.

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