AREV : faire entendre la voix des régions viticoles en Europe

3 août 2011

Composées d’élus régionaux et de représentants professionnels, l’AREV (Assemblée des régions européennes viticoles) aide l’Europe à construire avec ses territoires. Sur le dossier des droits de plantation, l’AREV a nettement pris position contre la libéralisation. Interview de Jean-Paul Angers, secrétaire général de l’AREV.

logo_arev.jpg« Le Paysan Vigneron » – Que représente l’AREV ?

Jean-Paul Angers – Aujourd’hui l’AREV rassemble 70 régions viticoles de la grande Europe, de la Mancha à l’Alsace en passant par la Bavière, l’Istrie ou la Toscane. C’est en 1988 que la Confédération européenne des régions viticoles a vu le jour. En 1994, elle a adopté son nom actuel, AREV. Dans le secteur des fruits et légumes, l’AREFLH (Assemblée des régions européennes fruitières, légumières et horticoles) est le pendant de l’AREV. Même chose avec l’AREPO (Association des régions européennes des produits d’origine), dans le domaine des AOC et IGP. Toutes ces associations relèvent du même esprit : aider l’Europe à construire avec ses territoires et la qualité des produits qui sortent de ces territoires. L’Europe demande souvent aux régions d’abonder un certain nombre de crédits. Il est normal que les régions se fassent entendre de l’Europe.

« L.P.V. » – Qu’est-ce qui fait la particularité de vos associations ?

angers.jpgJ.-P.A. – Elles ont pour caractéristique d’associer les élus régionaux aux représentants professionnels des filières. Si je prends l’exemple de la région Champagne-Ardenne, présidée par Jean-Paul Bachy, les présidents de l’Union des maisons de Champagne et du Syndicat des vignerons champenois se retrouvent à l’AREV aux côtés des représentants politiques de la région. Auprès de l’Europe, l’AREV défend l’aménagement territorial, le développement économique. Elle n’a pas de visée corporatiste. Pour le dire autrement, son rôle n’est pas celui d’un « lobbyiste ». Non qu’il existe une quelconque défiance contre les groupes de pression. Nous nous réjouissons au contraire de voir des organisations professionnelles comme l’EFOW (dont fait partie la CNAOC) ou le COPA-COGECA rassembler des forces pour aller négocier des plates-formes avec d’autres. Mais ce n’est pas la vocation de l’AREV, qui est marquée par sa double représentation, d’élus et de professionnels.

« L.P.V. » – Auprès de qui intervenez-vous ?

J.-P.A. – Pour être un tant soit peu efficace, il faut être présent partout, aussi bien auprès de nos ministres nationaux qu’auprès de la Commission, du Conseil ou du Parlement.

« L.P.V. » – En ce qui concerne la libéralisation des droits de plantation, l’AREV défend quelle position ?

J.-P.A. – Nous avons toujours été contre la vocation libérale de l’OCM vin, telle qu’arrêtée en 2008. Quelque part, il s’agissait de la traduction, par l’Europe, du discours des « grands pinardiers », auquel la Commission s’est toujours montrée assez sensible. Dès le départ, l’AREV a exprimé son opposition à l’élimination des outils de régulation. Certains ministres ont validé allégrement cette libéralisation, à commencer par le ministre français de l’Agriculture de l’époque, Michel Barnier. Nous avons tout de suite dénoncé le danger de « balkanisation » qui en résulterait pour les régions viticoles. Essayez d’imaginer des dérives sociales et qualitatives qu’entraînerait une suppression des droits de plantation. A elle seule, une grosse structure ne générera jamais autant d’emplois, autant d’activités connexes que vingt petits vignerons. Cette libéralisation signerait la perte des vignobles historiques.

« L.P.V. » – Parmi les régions viticoles européennes, quelles sont les plus dynamiques ? Celles qui soutiennent le plus la cause des droits de plantation ?

J.-P.A. – Les régions qui sont extrêmement mobilisées derrière nous sont les régions allemandes ainsi que, paradoxalement, l’axe Europe centrale/Europe orientale. Il n’y a pas de hasard ! L’Allemagne et ces landers s’impliquent énormément dans la défense des territoires et de leur développement économique. D’ailleurs c’est Angéla Merkel qui, la première, a déterré la hache de guerre contre la libéralisation des droits de plantation. En cela, elle fut sensibilisée par la viticulture allemande, plus influente qu’on ne le croit parfois. La France, Etat plus jacobin, a eu du retard à l’allumage. A l’AREV, nous regrettons que la région Poitou-Charentes, adhérente de l’association, n’ait pas renouvelé son adhésion il y a deux ans. Nous n’avons pas compris sa décision.

« L.P.V. » – A ce jour, onze Etats membres – dont l’Espagne – se sont engagés à demander le maintien des droits de plantation. Qu’en pensez-vous ?

J.-P.A. – Nous en sommes très satisfaits et peut-être y avons-nous contribué pour une part. Au printemps dernier, notre association a tenu son assemblée générale à Tolède, en Espagne. En 2008, l’Espagne avait voté pour la libéralisation. Aujourd’hui, elle a fait machine arrière. L’AREV a pris une autre initiative. Elle a demandé au professeur Montaigne de travailler à un argumentaire scientifique sur l’intérêt de préserver des droits de plantation (voir article ci-dessous). Cette étude est conduite dans la perspective du rapport d’étape de 2012 sur l’OCM vin.

Région Poitou-Charentes  : Une Relation En Pointillés
segolene_royal.jpgLors de sa session du 28 mars 2011, le conseil régional Poitou-Charentes a adressé au Gouvernement un vœu pour le maintien des droits de plantation. Quant aux relations de la Région avec l’AREV, le conseil régional a adhéré de façon épisodique à l’Assemblée des région viticoles européennes. A priori, quand ce fut le cas, aucun représentant professionnel n’a siégé à l’AREV aux côtés des élus picto-charentais. Est-ce la raison pour laquelle la Région n’a pas renouvelé sa cotisation ? Ou est-ce parce que l’AREV représente, à une écrasante majorité, des régions productrices de vins alors que le produit phare du Poitou-Charentes est un alcool, le Cognac ? Quoi qu’il en soit, les relations entre la Région et l’AREV se sont toujours inscrites en pointillés. La porte est-elle fermée pour autant ?

 

 

Droits de plantation : Un argumentaire "scientifique"

montaigne.jpgA Montpellier, Etienne Montaigne dirige l’IAM (l’Institut agronomique méditerranéen) ainsi que l’unité mixte de recherche Moisa, spécialisée dans les sciences sociales en agriculture (marchés, organisations, institutions, stratégies d’acteurs). L’Inra, Montpellier Sup Agro, l’IAM et le Cirad (Recherche agronomique pour le développement) sont les quatre tutelles de Moisa. L’unité mixte fonctionne avec 110 personnes dont 65 chercheurs et, parmi eux, une trentaine de thésards. Sur la thématique des droits de plantation, va intervenir une toute petite équipe : Etienne Montaigne, pilote du projet, un chargé d’étude et sans doute un ingénieur statisticien spécialiste du traitement des données. L’enveloppe allouée par l’AREV couvre un salaire et demi sur quelques mois.

A travers cette étude, de quoi retourne-t-il ? « Il s’agit de développer un argumentaire « scientifique », même si le mot peut paraître un peu prétentieux » explique le directeur d’étude. « Nous allons décortiquer le problème, en tentant d’apporter des éléments de preuve. L’objectif consiste à clarifier les enjeux au moins à trois niveaux : au niveau macro-économique (les marchés mondiaux), meso-économique (les filières, les régions) et micro-économique (la rentabilité des exploitations).

Pour l’instant, le chercheur identifie « un manque d’arguments ». « Ceux de l’UE sont inexistants ou basés uniquement sur des éléments micro-économiques qui consistent à dire que le libre-échange est la meilleure des recettes. » D’un point de vue méthodologique, le groupe de travail se propose d’élaborer un questionnaire, qui circulera essentiellement par le réseau de l’AREV. « Nous nous sommes rendus compte que même les professionnels fortement impliqués sur le sujet ne disposaient pas d’une batterie de questions claires, permettant d’identifier les points positifs, les points négatifs. »

L’idée consiste à trouver des indicateurs, tant sur le marché foncier (qui changerait forcément) que sur les produits de substitution ou les coûts. « Nous tenterons de démontrer qu’il n’y a pas forcément d’économies d’échelle à réaliser. Ou alors, les économies d’échelle ne sont pas celles que l’on croit. » Une recherche documentaire s’intéressera aussi à deux ou trois expériences de libéralisation des droits de plantation à l’étranger : Australie, Argentine, Chili… Dans ce pays, par exemple, la disparition des droits de plantation a totalement reformaté les exploitations, en ouvrant la voie aux grandes entreprises. Le chercheur se dit preneur de tous « avis, expériences, indicateurs qui viendraient éclairer le sujet, en sachant, précise-t-il, que tout ce qui est affirmation gratuite, nous pouvons l’entendre mais nous ne le prendrons pas en compte ».

La remise de l’étude définitive est prévue en janvier 2012. En octobre 2011, un rapport d’étape pourrait déjà faire l’objet d’une communication. Les chercheurs qualifient la commande de l’AREV comme « une prise de risque extrêmement dynamisante. »

 

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