« Etre dans le marché »

27 février 2009

En tant qu’opérateur vins, Jean-Michel Naud exprime son point de vue sur la future interprofession des vins et l’évolution de la filière.

jean_michel.jpg« Personnellement, je trouve assez logique que chaque produit possède sa propre organisation, permettant une gestion autonome des rendements, la fixation de conditions de production adaptées au marché. Dans l’absolu, il paraît souhaitable de limiter les interférences constatées aujourd’hui : un Cognac qui « fait » le marché des vins de table et, inversement, des vins de table qui « font » le marché du Cognac.

Cependant, dans le contexte actuel, je me demande ce que nous allons gérer en matière de vin de table sinon la pénurie. Si la question de l’affectation se posait aujourd’hui, je pense que les 73 000 ha de vignes iraient au Cognac. Quand on voit des vins de table payés aux environs de 2,40 € le ° hl contre 4,60 € le ° hl pour les vins Cognac, « il n’y a pas photo ». Malheureusement, il faut le reconnaître, la réforme tombe à un moment peu propice. Le marché des vins de table est au plus bas et d’ailleurs les Charentes sont-elles vraiment compétitives sur ce marché ? Le Gers en particulier propose des produits de très bonne qualité à des prix défiants toute concurrence. A mon avis, le bassin de Cognac possède davantage d’atouts sur le créneau des vins de base mousseux. Mais faut-il encore être dans le marché. Pourquoi n’a-t-on écoulé cette campagne que 300 000 hl de vin contre les 900 000 hl prévus ? Parce que nous n’étions pas dans le marché. Sur des produits de type industriel comme les vins de base mousseux, faire jeu égal avec les confrères européens passe par les rendements. C’est pour cela qu’il faut absolument mettre en place une organisation qui réponde aux besoins de marché. En ce sens, un rendement de 200 hl/ha me semble un minimum. Ce rendement « économique » s’avère d’ailleurs en totale adéquation avec les critères qualitatifs recherchés : petits degrés, forte acidité, produit neutre. A ces conditions, l’objectif de 900 000 hl de vins de base mousseux me semble tout à fait réalisable.

Peut-on contractualiser les marchés de vins de base mousseux ? Je sais que les pouvoirs publics sont très demandeurs d’un projet de filière qui engagerait, selon leur expression, le « négoce intermédiaire charentais ». N’oublions pas que nous sommes nous-mêmes tributaires de nos clients élaborateurs de vins mousseux. Ces derniers voudront-ils s’engager par contrat, sachant qu’ils n’auront pas la garantie d’être dans le marché ? La contractualisation suppose d’avoir à la fois la garantie d’approvisionnement et la garantie d’être économiquement placé. Or, aujourd’hui, ce n’est pas le cas. C’est pourquoi parler de contractualisation me paraît un leurre ou tout le moins utopique. Certes, de belles paroles s’affichent dans la presse mais, sur le terrain, la réalité rattrape ceux qui les tiennent. Il faut que la viticulture prenne conscience qu’elle doit absolument faire des produits qui s’adaptent au marché et non l’inverse. Les opérateurs du nouveau monde cherchent à élaborer des vins qui plaisent au consommateur. En ce qui nous concerne, nous devons faire des produits qui plaisent au marché.

Quand on parle de « débouchés autres », les vins de pays tiers sont trop souvent omis. C’est une erreur. Ces vins exportés hors des frontières communautaires ne coûtent rien à l’Union européenne. Cette campagne, en Charentes, les volumes de vins de pays tiers vont dépasser ceux des jus de raisin. Une région a toujours intérêt à voir s’établir une concurrence entre deux produits.

Au titre des réflexions générales, je pense qu’il faut se poser la question des excédents Cognac dans une problématique d’affectation maximale au Cognac. Aujourd’hui, un rapide calcul conduit à dire que le revenu tiré des excédents tourne autour de 800 à 1 000 € de l’ha. En cas d’affectation massive au Cognac, 40 à 45 millions d’euros disparaîtraient donc de la région. Car je ne pense pas que les négociants Cognac décident de remonter le cours des eaux-de-vie pour compenser le manque à gagner. Toute la filière en pâtirait, la production mais aussi les courtiers, transporteurs, négociants, distillateurs. Peut-être conviendrait-il de réenvisager la question de la rémunération des débouchés jus de raisin ou vins de pays tiers au-dessus du rendement Cognac.

Doit-on en déduire que les débouchés autres n’ont pas leur place dans la région ? A mon avis non. La cohabitation entre ha Cognac et ha « autres produits » me semble tout à fait jouable, dans la mesure où le revenu tiré de ces ha « autres » se situerait entre 4 et 5 000 €. Aujourd’hui, le Cognac est très demandeur. Mais il ne faut jamais prendre position dans une situation extrême. L’OCM actuelle le démontre. Conçus en situation d’équilibre, les outils manquent pour gérer la crise. »

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