Michel Rolland, Directeur de Cognac Blues Passios

26 juillet 2010

Le directeur de Cognac Blues Passions ne cultive pas la nostalgie ni le « avant, c’était mieux ». Alors que la génération des icônes du blues s’éteint, la musique afro-américaine se renouvelle par une multiplication de variantes et de filiations. Dans son organisation comme dans ses projets, le festival revendique la même plasticité. Explications de Michel Rolland.

Programmation – « Je n’en suis jamais satisfait en totalité mais, en même temps, je la revendique haut et fort. En tout début d’année, j’élabore une grille idéale, au plus près de mes envies. Au final, je n’y parviens jamais mais peu importe. Ce qui compte, c’est que je sois fier de la nouvelle grille et c’est toujours le cas. Cette année, elle est assez ouverte et même très ouverte. On y trouve pas moins de 10-12 nationalités, des artistes du blues, de la soul, du gospel, du rhythm and blues…Si les artistes venus des Etats-Unis sont les plus nombreux, les groupes européens, australiens, hawaïens, africains sont très présents, y compris sur la grande scène. »

Le bon dosage – « Une programmation, c’est comme un bon cocktail, la qualité vient du mélange. Participe à cette mixité nos propres souhaits mais aussi les concepts que nous aimons bien, les artistes qui viennent spontanément nous proposer des choses ainsi que les agents ou les producteurs. ”Agitez le tout”, ayez une bonne oreille et vous obtiendrez une belle programmation. Pour la grille 2010, nous avons reçu pas moins de 1 500 propositions pour, au final, retenir 45 groupes. »

Puristes – « La naissance du blues remonte à un siècle. Les artistes de légende comme John Lee Hooker, Muddy Waters, Otis Rush, BB King sont soit décédés soit très âgés. Bien sûr que les puristes de la musique afro-américaine regrettent le temps des pionniers et souhaiteraient le retrouver. Mais il faut vivre avec son époque. C’est une nécessité, une obligation même. D’ailleurs un festival trop « roots » (proche des racines) rassemblerait tout au plus 250 personnes à Cognac. Ce n’est pas l’idée. »

Capital confiance – « A l’exception de quelques noms – Seal, Barbara Hendricks, John ButlerTrio – le grand public ne connaît pratiquement pas les artistes programmés. Mais avec le temps, une confiance s’instaure. Les festivaliers se disent – en tout cas je l’espère – que Cognac les a rarement déçus. La programmation, je l’assume de A à Z, du plus petit bar à la grande scène. Certains festivals préfèrent s’en remettre à une société de production. Ce n’est pas l’option que j’ai choisie. Cependant rien n’est figé. Demain, je peux me sentir dépassé ou avoir envie de changer. »

Exclusivité – « Bien sûr, pourquoi pas, cela donne un peu plus de piquant à une grille. Une date unique est toujours bonne à prendre. Mais je n’en fais pas un critère absolu. C’est tout au plus affaire d’opportunité. Par contre je fais très attention à ne pas programmer un groupe qui se produirait à deux jours d’intervalle, dans un rayon de 80 km. Il y a une ”logique de territoire” à respecter. »

Une équipe – « Aujourd’hui le festival fonctionne avec une ”vraie” équipe de six-sept personnes, qui travaille à temps plein toute l’année, ”sans chômer”. Julien s’occupe de tout ce qui concerne les contrats, l’hébergement ; Samuel gère la dimension technique de l’événement, Andrée Lacour traite des relations avec les partenaires, Gwenaëlle assistée d’Emilie s’occupe de la communication et Carole a la responsabilité des bénévoles. Quant à moi, j’assume seul la programmation. De cette manière, il est plus facile de justifier un projet artistique. Par ailleurs, en tant que directeur de la structure, je suis un peu le chef d’orchestre, celui qui met une petite goutte d’huile ici et là. Pour l’équipe, le festival Blues Passions représente un peu la « cerise sur le gâteau » mais il existe d’autres dates et d’autres lieux (Blues orbites…) qui nous occupent dans l’année et réclament de l’attention. »

Objectif – « Nous visons les 22 000 entrées payantes. L’an dernier, nous n’en étions pas loin, même si la pluie à Jarnac nous a privés d’une soirée de concert. »

Budget – « Il s’élève à 1,5 million d’€, comme en 2009. Les comptes sont équilibrés. Nous sommes contents de voir que nos partenaires, tant publics que privés, nous ont suivis, malgré la période plus difficile. A 95 %, ils sont repartis avec nous. Les relations avec nos partenaires sont sereines et stables et c’est tant mieux. Côté public, la ville de Cognac, le Conseil général de la Charente et la Région sont toujours à la hauteur à laquelle nous les attendons. Leur participation représente 24 % du budget. Un autre quart provient des partenaires privés. Au titre des partenaires premium, Hennessy, Rémy Martin, Martell et le BNIC sont à égalité de contribution. Ils nous ont renouvelé leur soutien pour deux ans, 2010 et 2011. La billetterie du festival assure l’autre moitié des recettes. »

« Un beau gratuit » – « Je comprends qu’un concert à 40 € ou un passeport à 120 € puisse paraître cher, surtout pour une famille de quatre personnes. Le seul conseil que l’on puisse donner, c’est de mettre régulièrement un peu d’argent de côté plutôt que de sortir la somme d’un coup. Ramené au nombre de concerts, le prix du pass devient d’emblée plus accessible (environ 3 euros le concert). Par ailleurs, on peut difficilement baisser le prix du billet quand un artiste comme BB King demande un cachet de 130 000 €, sans parler de l’hébergement. Blues Passions, c’est aussi de ”beaux gratuits”. Sur une centaine de concerts, plus de 80 sont gratuits, en matinée et après-midi. Après, il n’y a pas de secret ! On ne peut pas faire un festival ouvert à tous sans, qu’à un moment donné, la billetterie fonctionne. Tous les ans, nous vendons 1 200 passeports. Cela signifie que 1 200 personnes fréquentent tous les jours le festival, pendant cinq jours. »

Des bénévoles adhérents – « Le festival n’a jamais été ”hors la loi”. Il a toujours respecté les règles d’hygiène et de sécurité. Mais nous avons souhaité être encore ”plus en règle”. C’est pourquoi nos 200 bénévoles ont tous souscrit une carte d’adhérent (5 € de cotisation). En outre, il n’y aura plus de bénévoles dans les bars. Le service sera assuré par des professionnels, recrutés pour l’occasion. »

« Un contrat d’objectif avec “Sud-Ouest” » – « Tous les ans, la régie publicitaire du journal ”Sud-Ouest” nous démarchait en vantant sa ”puissance de feu exceptionnelle” pour promouvoir l’événement. Le festival, c’est vrai, pâtit d’un déficit d’image autour de sa grille de programmation. Cette année, j’ai eu l’idée de proposer à la régie du groupe ”Sud-Ouest” une expérience originale, un partenariat que je qualifierais de gagnant/gagnant : ”Si nous atteignons 22 000 entrées payantes, vous bénéficierez de l’intégralité de la somme prévue au contrat publicitaire, sinon le montant déclinera avec le résultat.” Cette opération se fait à enveloppe constante. Si la régie publicitaire de ”Sud-Ouest” bénéficie d’une exclusivité sur la presse quotidienne, les insertions dans la presse magazine demeurent : ”ABS magazine”, ”Vibrations”… Après, faut-il préciser que tous les journalistes seront traités exactement de la même manière. »

Projet Espace Casa – Cité à rythmes – « Ce projet de salle de concert, galerie, bar musical, à Cognac, place François-1er, est porté par un homme, Joël Joanny, qui se trouve être le président de Blues Passions. Pour l’instant, ce projet n’est pas sorti de terre. Si un jour il devait aboutir, il faudrait se reposer la question et modifier la structure, pour éviter toute confusion des genres. »

Les projets d’avenir – « Avec le temps, l’équipe de Blues Passions a acquis un vrai savoir-faire dans l’événementiel. L’authentique « valeur ajoutée », c’est de placer la bonne personne au bon endroit. Quant aux procédures, il en faut mais elles ont vocation à être sans cesse bousculées. Car, par essence, l’événementiel est une matière mouvante. Déjà, deux ou trois pistes intéressantes se sont présentées à nous. Il s’agissait d’étendre notre concept à d’autres projets, en l’occurrence d’autres villes que Cognac. Cela ne s’est pas concrétisé. J’ai 52 ans et je me sens un porteur de projet passionné. Cela signifie que j’aurai du mal à conceptualiser quelque chose qui ne me ferait pas frémir. Au-delà du travail, j’ai besoin de ressentir des émotions. »

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